Tout savoir (ou presque) sur le Met avec son directeur Peter Gelb
Dès le bilan chiffré, le Met impressionne : son budget est de 300 millions de dollars (soit 35% de plus que l’Opéra de Paris) et il ne touche pas les subventions publiques traditionnelles en France : les recettes proviennent pour moitié de la billetterie et pour l’autre moitié du mécénat. Avec une part si grande du financement par les donateurs, le Met est extrêmement attentif à conserver le contrôle total de ses choix artistiques, sans ingérence des financiers. Pour maintenir ses comptes au beau fixe (le Met affichait l’an dernier un excédent d’1 million de dollars), il recherche actuellement un mécène qui souhaiterait rester dans les mémoires en accolant son patronyme à l’institution, comme l’a fait le Philharmonique de New York qui joue désormais dans le "David Geffen Hall", du nom d’un riche philanthrope. L’Opéra New Yorkais remplit à 70% de places payantes sa salle qui affiche une jauge de 3.800 places (l’une des plus grandes au monde, 1.000 sièges de plus qu’à Bastille par exemple). Toutefois, l'évolution est à comparer à la situation d’il y a cinquante ans, lorsque le problème était inverse : le Met manquait de places à proposer face à la demande (les billets étaient tous vendus dès l’ouverture des abonnements). Pour cette raison, Peter Gelb se démène pour faire venir et renouveler un public qu'il voudrait davantage éduqué au monde opératique et musical. En outre, la retransmission de 10 productions dans plus de 2.000 salles de cinéma disséminées à travers 70 pays devrait commencer à dégager un bénéfice après avoir servi à couvrir les investissements liés à ce nouveau système de diffusion. Aux USA, la moitié de ces recettes revient au Metropolitan Opéra (l’autre étant conservée par la salle de cinéma), ce qui représente une recette de 20 millions par an. Enfin, sachez que vous pouvez vous offrir un petit bout du Met, par exemple en vous procurant une réplique de lustre aux cristaux Swarovski (comptez toutefois entre 19.000 et 83.000 dollars !).
Le directeur a également consolidé le solde budgétaire en baissant les coûts fonctionnels de 22 millions, notamment par des réductions de salaires, entraînant des tensions sociales chez les musiciens qui restent parmi les mieux payés au monde (200.000 $ annuels en moyenne). Alors que le cachet maximum (le top fee) que peut toucher un artiste pour une soirée à l'Opéra de Paris est de 17.000 €, Peter Gelb annonce, étonnamment, que le cachet maximal au Met est inférieur (cela étant aussi dû à la parité euro/dollar qui retombe). Mais ces chiffres rappellent également l'investissement que représente pour un artiste le jeu sur des scènes lyriques alors que les récitals rapportent bien davantage de rémunération.
Responsable à la fois des directions artistique et financière, le contrat du directeur général du Met stipule qu’il doit pouvoir être disponible 24h/24 et 7 jours sur 7. En charge, depuis le budget jusqu’au casting, il peut ainsi être appelé au milieu de la nuit, du fait du décalage horaire, quand un événement a un impact sur le Met : ce fut notamment le cas récemment lorsque Paris appela pour que Ramón Vargas, engagé dans un Don Giovanni à New York, en soit libéré afin de remplacer Jonas Kaufmann dans Les Contes d'Hoffmann (retrouvez notre compte-rendu de cette production en cliquant ici).
Celui qui est désormais le directeur général de l'institution lyrique légendaire a commencé humblement sa carrière par le bas de l'échelle au Met, dès 16 ans comme ouvreur. Il est ensuite devenu petite main de Sol Hurok l'un des plus influents imprésarios musicaux de la Grande Pomme au XXe siècle. Depuis sa prise de fonction à la direction du Met, Peter Gelb a ouvert la scène à des artistes venus du monde du théâtre et du cinéma : William Kentridge, Patrice Chéreau, Luc Bondy, Robert Lepage ou Pierre Audi dans un vent de modernité. Son envie est de stimuler le public par de bonnes surprises, un inattendu plaisant et accessible. Le directeur accomplit même des exploits, frôlant le miracle. Il a ainsi été le principal artisan d’un grand événement musical d’actualité : le retour de Kathleen Battle, ovationnée au Met après 22 ans de fâcheries. En effet, la soprano et l'institution s’étaient brutalement affrontés en 1994. Le manager général de l'opéra avait alors renvoyé la chanteuse d'une production de La Fille du Régiment (Donizetti) en raison "d'actions non-professionnelles [...] au grand détriment" des artistes. Le retour a été un triomphe à guichet fermé, bien que des mauvaises langues aient pointé du doigt les mauvaises habitudes d’une chanteuse qui a interdit toute présence aux répétitions et commencé le spectacle avec 40 minutes de retard. Les spectateurs ont au contraire manifesté leur enthousiasme pour la performance de Kathleen Battle, qui a offert cinq rappels.
Le directeur du Met s'est également félicité du retour de James Levine comme directeur musical émérite, lui permettant d'assurer la transition avec Yannick Nézet-Séguin qui prendra la tête de l'orchestre en 2020. De belles programmations nous attendent !