Alain Surrans, Directeur général d’Angers Nantes Opéra : “La saison tourne autour de la création de L’Annonce faite à Marie”
Alain Surrans, comment avez-vous construit cette saison 2022/2023 ?
Nous avons construit cette saison avec des reports, mais contrairement à la saison précédente, il s’agit de reports de productions dont la réalisation n’avait pas été vraiment engagée. Zaïde est ainsi le seul projet entièrement neuf. L’opéra pour enfant, un rendez-vous important pour le jeune public dans une saison, est aussi venu un peu plus tard : j’avais envisagé Le Petit Chaperon Rouge de Boieldieu, mais c’est une œuvre dont les sous-entendus sexuels ne correspondent plus à un jeune public d’aujourd’hui, et j’ai donc choisi de lui substituer La Vieille maison de Marcel Landowski. C’est d’ailleurs également un ouvrage très étrange. Le père du compositeur Marcel Landowski était sculpteur et a été victime d’une cécité foudroyante et temporaire. Il y a dans cet opéra quelque chose de l’effroi de l’enfance, qui est vraiment saisissant. C’est un opus intéressant à travailler, notamment sur la question de la culpabilité chez l’enfant et de la découverte du pouvoir corrupteur de l’argent. C’est une œuvre très réussie.
Votre saison lyrique démarrera par une création, L’Annonce faite à Marie de Philippe Leroux : comment avez-vous conçu ce projet ?
Nous pouvons faire une création à peu près tous les quatre ans, c’est donc un évènement important. Philippe Leroux est un compositeur que je connais depuis plus de 30 ans et dont j’apprécie le travail, notamment sur la voix. Son opus Voi(Rex) est une œuvre qui ne ressemble à rien d’autre dans la musique contemporaine. J’ai été bouleversé par son envie de faire de l’opéra car je ne le voyais pas s’intéresser au théâtre, étant données ses recherches très axées sur l’écriture musicale.
Le livret de cet opéra est basé
sur l’œuvre éponyme de Paul Claudel, qui a déjà été mise en
musique par Marc Bleuse il y a trois ans à Toulouse : aviez-vous vu
cette production ?
J’ai découvert cette programmation au moment où j’allais signer avec Philippe Leroux. J’ai été surpris car j’étais déjà en pourparlers avec les héritiers de Claudel, et ils n’avaient pas mentionné l’existence d’un autre projet. Je me suis donc interrogé mais j’ai finalement décidé d’accompagner Philippe Leroux dans son choix : connaissant la musique de Marc Bleuse, je savais que ce seraient deux œuvres très différentes.
Comment la librettiste Raphaèle Fleury, le compositeur Philippe Leroux et la metteuse en scène Célie Pauthe ont-ils traité ce matériau originel ?
Le livret est très fidèle à la pièce, même s’il opère quelques coupes pour que l’on soit bien dans la durée d’un spectacle musical, soit moins de 2h30 sans entracte. Si Marc Bleuse s’inscrit dans la filiation de Jolivet et Honegger, dans un langage français qui est celui auquel Claudel a eu à faire durant sa vie, Philippe Leroux s’inscrit dans un langage neuf et extrêmement contemporain. Il a eu l’idée merveilleuse de reconstituer la voix de Claudel grâce aux interviews qu’il a données dans sa vie et de lui donner une place dans le spectacle. Ce sera très troublant de l’entendre dire des répliques de sa pièce. J’en ai entendu certains passages et c’est assez formidable. Le travail instrumental est très raffiné, notamment avec de l’électronique en direct. La metteuse en scène Célie Pauthe va travailler l’aspect très concret de la mémoire : elle est allée tourner de très belles images dans la forêt du Tardenois, au sud de l’Aisne : la forêt dans laquelle Paul Claudel a passé son enfance, ce qui apporte quelque chose de très sensible.
Que pouvez-vous dire de la distribution ?
Comme toujours, Philippe voulait des chanteurs avec des voix très droites car il aime peu le vibrato. Je lui ai promis que nous trouverions des chanteurs qui comprendraient et feraient ce qu’il attendait. De fait, Marc Scoffoni sait par exemple très bien travailler à la demande du compositeur, notamment sur les questions de résonance. La distribution comprend ainsi des chanteurs qui connaissent déjà l’univers de Philippe et d’autres qui le découvriront. Je trouve qu’il y a finalement une belle palette de couleurs, avec des voix jeunes et des voix mûres. Avant même les répétitions, Philippe a déjà accompli un travail approfondi avec les chanteurs pour un premier traitement des voix.
En octobre, vous présenterez une version concert d’Alcina, dirigée par Christophe Rousset, avec notamment Karina Gauvin dans le rôle-titre : pourquoi ce choix de programmation ?
Le problème du baroque pour les maisons comme la mienne, ce sont les coûts de plateau. En effet, j’ai mes deux orchestres à disposition, qui ne pèsent pas dans mes budgets, mais dès que je fais du baroque, je dois inviter un ensemble, ce qui explose les coûts, d’autant que la plupart du temps, le chœur n’est pas mobilisé. Par exemple, un grand Rameau n’est pas dans les moyens de la maison. Nous essayons donc de mutualiser à Nantes l’action sur la musique ancienne et baroque avec d'autres structures, comme Les Concerts à la Cathédrale, la Cité des Congrès ou La Soufflerie pour proposer ensemble une saison intitulée « Baroque en scène ». Nous occuperons donc cette année la grande salle de la Cité des Congrès pour une version concert. Et ce sera l’occasion de fêter à Nantes aussi le trentième anniversaire des Talens Lyriques.
Vous n’aurez pas de production entre octobre et Zaïde en février : à quoi cela est-il dû ?
Zaïde n’a lieu qu’en février car janvier sera occupé par la danse et le Festival Trajectoires. La production sera créée à Rennes, et nous serons en répétitions à Angers pour Luisa Miller dans le même temps : il y aura toujours du lyrique dans la maison. Mais je tiens à redonner une place importante et régulière à la danse.
Comment avez-vous conçu ce projet Zaïde ?
Après La Dame blanche, Matthieu Rietzler souhaitait retravailler avec Louise Vignaud. Nous souhaitions présenter un Mozart : le talent dramaturgique de Louise nous a emmenés vers Zaïde. Cela participe aussi du mouvement de recherche de personnalités féminines pour mener nos projets. À ce sujet, nous aurons d’ailleurs cette saison deux cheffes d’orchestre, l’une pour un grand concert Lélio de Berlioz, œuvre si atypique et formidablement bizarre, et Chloé Dufresne pour L’Elixir d’Amour.
Il est difficile et dangereux de compléter une œuvre de Mozart quand on n’est pas Mozart : comment la partition a-t-elle été achevée ?
C’est en effet pour Robin Melchior un vrai défi dont nous avons beaucoup parlé avec lui. Il sait déjà qu’il ne veut faire ni contemporain déconnecté ni pastiche. Cela me semble possible de trouver cet équilibre, comme Giorgio Battistelli l’avait trouvé à Anvers pour Le Duc d’Albe de Donizetti : cette production m’avait époustouflé. Il faut de l’inspiration : j’ai toujours trouvé les compléments à Zaïde trop précautionneux, et manquant donc de caractère et de forme. Il faut aussi que les chanteurs et l’orchestre puissent s’éclater avec cette musique et y retrouver la même énergie que dans Mozart.
Le livret a été en partie réécrit : pourquoi et comment ?
L’esprit est d’essayer de sortir de l’éternel rapport de force homme-femme qui est terrible dans Zaïde. Louise a eu envie de transformer les deux personnages masculins en frères de Zaïde : son intrigue traite donc du pouvoir du frère plutôt que de celui du maître face à l’esclave. L’autre idée est de placer les personnages en vase clos sur une île, ce qui permet quelques jolis clins d'œil à La Tempête de Shakespeare et à L’Isola Disabitata de Haydn. C’est la découverte pour une femme du sentiment que fait naître chez elle sa découverte du masculin.
Quitte à jouer du Verdi, vous misez sur l’originalité avec Luisa Miller : pourquoi avoir choisi cette œuvre ?
Nous voulions travailler ensemble avec Guy Montavon, le Directeur du Théâtre d’Erfurt : cela fait partie de notre mission de faire entendre les opéras réussis de Verdi parmi ceux qui sont les moins joués. C’est le cas de Luisa Miller, basé sur une formidable pièce de Schiller. On est ici dans ces excès du romantisme qui font frissonner : le double empoisonnement final est incroyable ! La musique de Verdi est d’un emportement formidable : voilà un ouvrage dans lequel je ne vois aucune faiblesse.
Que souhaite faire Guy Montavon de cet ouvrage ?
Il travaille dans un esprit plutôt synthétique : il n’est pas dans l’analyse dramaturgique à l’allemande. Il sculpte sa vision scénique par blocs dynamiques, en fonction de la présence des interprètes sur le plateau, toujours avec le souci du rythme.
Comment présenteriez-vous l’équipe musicale ?
Quand nous faisons de l’opéra italien, nous essayons que ce soit aussi idiomatique que possible : si un seul chanteur est italien, il invalide les autres par le naturel de sa diction et de sa déclamation. Je me rappelle un Falstaff dans lequel la Quickly était italienne au milieu d’une distribution internationale : on entendait du coup que les autres ne chantaient pas parfaitement l’italien. Nous visons donc une présence forte de chanteurs ayant un italien idiomatique, non sans donner de petits rôles à des chanteurs français. La distribution sera placée sous la baguette de Pietro Mianiti, qui est déjà venu une fois (pour Un Bal masqué en 2018). Il n’est pas dans le gotha des baguettes italiennes à la mode, mais il a été assistant de chefs ayant ce goût profond de la manière italienne, et il est enseignant à l’Académie de La Scala de Milan : le style verdien coule dans ses veines. Sa première rencontre avec les musiciens de l’Orchestre des Pays-de-la-Loire a été une très belle rencontre tous se sont montrés ravis que je le réinvite pour en apprendre davantage sur le style verdien. Dès les premières notes, Pietro a des idées qui inspirent non seulement les chanteurs, mais aussi les instrumentistes.
En mai, vous représenterez un opéra créé à Nantes en 1988, La Vieille maison de Landowski : pourquoi ce choix et qu’est-ce que le metteur en scène Eric Chevalier souhaite en faire ?
Il ne nous reste que trois photos de la production de 1988 : une toute nouvelle conception s’imposait. Il y a beaucoup de scènes qui se passent dans des endroits différents, il faut donc trouver un principe unificateur : ce seront des cubes, qui tourneront de différentes manières pour suggérer le monde de l’enfance. Tout sera très nocturne, assez sombre. L’Enfant est entouré de trois personnages : un Voleur, un Chapeau qui parle et une Fée mélusine qui va mourir dans le spectacle. C’est un opéra initiatique : l’Enfant subit de rudes épreuves durant ce parcours, cette traversée. Nous avons choisi de ne pas confier la partition de l’Enfant à un jeune soprano masculin, car comme celui de Miles dans Le Tour d'Écrou, le rôle est important et peut s’avérer trop lourd. Il y a aussi le risque que le garçon mue au moment de la production. Depuis plusieurs années nous invitons à Nantes et Angers un sopraniste, Théo Imart, qui a une couleur qui fait presque plus enfant qu’un haute-contre. Jeune encore, il sera parfait pour ce rôle. D’autant plus qu’il a un vibrato adulte et a donc plus de chance d’être juste qu'un enfant. L’orchestre est lourd, ce qui pose des questions d’équilibre : avec l’accord de la famille du compositeur, nous avons décidé d’en faire une réduction. Cela permettra aussi de redonner plus souvent cet ouvrage.
Vous clôturerez la saison lyrique par un grand classique du répertoire et une touche d’humour, L’Elixir d’amour : pourquoi cet ouvrage ?
Avec l’Opéra national de Lorraine, nous avions décidé de faire ensemble une Tosca, qu’ils ont créée en juin et qui est d’ailleurs très réussie [lire notre compte-rendu], et L’Elixir d’Amour et qui sera créé à Rennes où cet opus n’a plus été joué depuis longtemps. De notre côté, nous avions cette saison beaucoup de projets avec des livrets pas très drôles et L’Elixir est mon opéra romantique léger préféré. C’est un ouvrage extrêmement réussi, avec beaucoup d’éléments dramaturgiques à exploiter dans la mise en scène. L’amour de Donizetti pour ses personnages est merveilleux. La remise de maquette n’aura lieu qu’en octobre, donc on ne sait pas encore ce que David Lescot fera dans sa mise en scène. Mais nous connaissons son travail : je m’attends à quelque chose de délicieux. J’avais notamment repris la Finta Giardiniera qu’il avait créée à Lille : il m’avait fait redécouvrir cet ouvrage que je n’appréciais guère jusqu’alors.
Vous avez pris la tête d’Angers Nantes Opéra en 2018 : quel bilan tirez-vous de ces premières années à la tête de cette institution ?
Le bilan n’est pas facile car nous n’avons eu que deux saisons complètes, la première et celle qui vient de s'écouler, les deux autres ayant été fortement touchées par la pandémie. Nous avons en tout cas réussi à mettre en place mon nouveau projet dès 2018/2019, avec des résultats satisfaisants. Ce projet est assez différent de celui de mon prédécesseur qui consacrait son activité et son budget à la seule programmation lyrique (les quelques concerts présentés au Théâtre Graslin n’étaient que des accueils). À mes yeux, 15 levers de rideau à Angers étaient trop peu pour une saison, d’autant que cette présence était alors diffractée entre le Grand Théâtre et le Théâtre du Quai. À Nantes, il y avait 25 à 30 représentations par saison, ce qui n’était pas beaucoup non plus pour une métropole de cette taille. J’ai donc proposé une augmentation sensible des levers de rideau, complétant l’offre lyrique avec des concerts et notamment deux séries emblématiques, “Les Voix du monde” et les concerts populaires “Ça va mieux en le chantant” qui mettent en valeur le chœur et les artistes en résidence. J’ai aussi ajouté une programmation de concerts ou de spectacles plus légers qui renforce la présence des instruments anciens et du contemporain.
Quel a été l’impact de ces changements ?
Il y a eu 50% de manifestations de plus au Théâtre Graslin, mais aussi un doublement de l’activité à Angers. Cela a eu un grand effet sur le public, avec une augmentation globale de 30%. Ces manifestations ont pu être financées par l’alliance avec Rennes. Nous avions déjà posé les bases d’un tel rapprochement avec Jean-Paul Davois [son prédécesseur à Nantes, ndlr]. L’idée est de réaliser un certain nombre de mutualisations de programmes et notamment de coproduire systématiquement quatre titres lyriques par saison. Cela permet de générer des économies que nous pouvons réinvestir dans des programmations complémentaires afin d’étoffer les saisons. Parmi les changements qui ont satisfait les collectivités publiques qui nous financent il y a notamment eu des projets inspirés par l’esprit des droits sociaux : en juin 2021, Les Sauvages, opéra contemporain et participatif, a évidemment beaucoup touché les Nantais car il impliquait deux quartiers de la ville au travers des enfants de leurs écoles.
Comment avez-vous géré la période de pandémie ?
Nous avons à la fois fait des reports et conduit des projets nouveaux car nous avons des ateliers de décors et costumes, ainsi que des techniciens permanents auxquels nous devions donner du travail. Ainsi en 2021, nous avons dû annuler une Lucia di Lammermoor qui devait occuper tout le monde pendant deux mois : j’ai imaginé, pour la remplacer, une production beaucoup plus légère, La Répétition d’opéra d’Albert Lortzing. Un bel ouvrage qui n’avait jamais été donné en France. Nous avions sur ce projet une formidable liberté d’originalité : puisqu’il n’y avait pas de public, nous avons pu utiliser la salle vide comme une partie du décor et c’est dans ce décor double que nous l’avons captée.
Quels seront les enjeux de ces prochaines années ?
Il y a toujours des inquiétudes sur les financements. Nos institutions ont des structures de coût relativement lourdes. Le GVT [Glissement vieillissement technicité, ndlr] provoque une croissance naturelle de notre masse salariale. Et nous faisons face à un nouvel alourdissement de notre budget de personnel, qui va représenter une hausse de +6%, soit environ 300.000 euros. Mais j’ai toute confiance dans nos collectivités qui nous soutiennent afin de trouver les moyens de financer ces charges nouvelles.
Quelles autres perspectives dressez-vous pour la suite ?
Nous avons toujours l’objectif de devenir “Opéra national”, bien que nous ayons changé à nouveau de Ministre de la Culture : tout le travail de sensibilisation réalisé par le maire d’Angers Christophe Béchu [désormais Ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires de France, ndlr] et son homologue nantaise Johanna Rolland est à recommencer. Ce turnover fréquent des ministres de la culture nuit grandement au dialogue entre l’Etat et les collectivités territoriales.
Comment le partenariat avec Rennes évolue-t-il ?
Nous sommes arrivés à un point d'équilibre. Il n’a jamais été question de fusionner les deux maisons : c’est un partenariat opérationnel, avec une forme de complicité tacite entre les deux directeurs sur les programmations, chacun ayant par ailleurs à défendre sa « boutique ». Deux productions créées à Rennes viennent ensuite chez nous et deux productions créées à Nantes ou Angers vont ensuite à Rennes. Nous collaborons également avec les scènes nationales via la Co[Opéra]tive : nous serons ainsi associés en 2023 au projet d’Othman Louati, Les Ailes du désir, un très beau projet. Nous avons aussi des partenariats sur le contemporain ou sur la musique du monde : nous ferons ainsi venir ensemble la Troupe Hira Gasy de Madagascar. Enfin, dans le cadre de ce partenariat, nous invitons aussi les ensembles en résidence à Rennes, comme Le Banquet Céleste qui viendra avec son projet Dreams [notre compte-rendu de la production], ou le Chœur de chambre Mélisme(s), dont nous avons hélas dû déprogrammer la Petite Messe Solennelle [notre compte-rendu de la production]. À l’inverse, Rennes accueille deux concerts de nos artistes en résidence, Marc Scoffoni, Carlos Natale et Marie-Bénédicte Souquet. Nous avons donc en commun au moins quatre projets chaque année dont on partage les coûts, y compris de répétition, ce qui permet aux deux institutions de faire de vraies économies.
Quelles sont les modalités de vos résidences ?
Nous essayons d'intégrer au maximum nos solistes en résidence dans nos productions : les artistes sont ainsi présents pour des temps de répétition relativement longs, ce qui permet de les solliciter pour des spectacles à côté, en particulier les “Ça va mieux en le chantant” et des actions culturelles. Nous n’avions pas de rôle pour Carlos Natale dans les productions de cette année, il va donc créer le spectacle “Profession Ténor” dont l’objectif est de pouvoir tourner dans la région. Il sera accompagné à la harpe et expliquera son métier. Nous établissons ces résidences saison par saison. Ces trois artistes ont un super contact avec le public ce qui explique notre fidélité, mais nous aurons d’autres artistes en résidence à l’avenir.
Comment garder une identité propre malgré votre partenariat avec Rennes ?
Nous faisons vivre chacun nos maisons avec leur histoire, avec leurs gènes. La reprise de La Vieille Maison, œuvre qui a été créée à Nantes en 1988, n’avait pas vocation à être partagée avec Rennes, d’autant qu’elle est peu coûteuse. Évidemment, j’ai la volonté de valoriser le patrimoine de la maison ce qui est parfaitement logique à Nantes car nous sommes dans notre propre théâtre. Angers a sa propre histoire, une très belle histoire que j’aimerais d’ailleurs me réapproprier car le lyrique y a été très important au Grand Théâtre, notamment à l’époque de Jean-Albert Cartier dont la production d’Idoménée de 1975 fut, pour prendre un exemple particulièrement parlant, la première mise en scène en France de Jorge Lavelli. Des projets avec le Théâtre du Quai sont envisagés, mais nous réinvestissons d’abord le Grand Théâtre, en complicité avec son nouveau Directeur Jean-Jacques Garnier.
Le partenariat avec Rennes vous permet également de collaborer avec deux orchestres : comment la cohabitation se passe-t-elle ?
Les projets créés à Rennes le sont avec l’Orchestre National de Bretagne qui vient ensuite à Nantes et Angers, et inversement pour les projets créés à Nantes ou Angers avec l’Orchestre national des Pays-de-la-Loire et qui se produisent ensuite à Rennes. J’aimerais pouvoir refaire des productions, si possible mises en scène, avec l’Orchestre national des Pays-de-la-Loire en grande formation : la fosse de Rennes étant trop serrée, il faudrait alors faire une version avec grand orchestre à Nantes et à Angers et une version avec orchestre plus réduit à Rennes. La question des orchestres est complexe car l’ONPL est passé de quatre projets par an à seulement deux, mais qui sont davantage joués, ce qui induit moins de travail lyrique pour les musiciens, mais plus de déplacements. Il faut redessiner des pistes tenant compte des spécificités de chacun : l’Orchestre de Bretagne est un orchestre ”Mozart” alors que l’Orchestre des Pays-de-la-Loire est identitairement un “grand orchestre”, composé de deux phalanges, l’une habitant Angers et l’autre Nantes, d'où l'importance de faire chaque saison un nouveau projet dans chaque ville. Au fond, tous nos efforts vont vers plus de présence et plus de diversité dans cette présence, à Nantes, Angers, Rennes, mais aussi dans la région des Pays-de-la-Loire.