Olivier Mantei nommé Directeur de la Philharmonie de Paris
Laurent Bayle célèbre cette année ses 20 ans de mandat à la Cité de la Musique-Philharmonie de Paris, ses 45 années de carrière professionnelle (initiée au Théâtre à Lyon) et ses 70 ans tout court. Un très riche parcours passé à l'Atelier lyrique du Rhin à Colmar, à la Biennale Voix, avec "Théâtre et Musiques d’Aujourd’hui" au Théâtre des Amandiers de Nanterre avant de créer en 1982 le Festival Musica de Strasbourg (dans lequel il est encore très engagé) puis de succéder à Pierre Boulez à l'IRCAM. Depuis 2001, Laurent Bayle préside les destinées de la "Cité de la Musique" et, confirmant la confiance qui lui est accordée, c'est à lui qu'est donc confiée la Salle Pleyel lors de sa réouverture classique, belle parenthèse entre 2006 et 2015, date de l'inauguration de la Philharmonie de Paris et de la transformation de la Salle Pleyel. La fusion du nouvel établissement Cité de la Musique-Philharmonie de Paris est également confiée à Laurent Bayle qui parachève ainsi la richesse et la réussite du projet (faisant notamment mentir ceux qui craignaient que le public de la musique "savante" ne vienne pas dans l'Est de Paris au bord du périphérique : c’était sans compter sur l’ouverture d’esprit du public et de la proposition artistique). La richesse du projet Philharmonie de Paris devient ainsi et demeure vertigineuse, paraissant presque tous azimuts (et pourtant cohérente et interconnectée) dans le champ artistique et même socio-culturel avec ses musées et ses très nombreuses actions pédagogiques et de formation. Bien entendu, cette richesse s’exprime également dans la programmation musicale : l'annonce de la prochaine demi-saison de sortie de crise montre à elle seule combien, et rien qu'en l’espace de trois mois, tous les espaces de la Philharmonie accueillent et résonnent avec les musiques de tous temps et de tous lieux, rayonnant avec les projets et les actions de la maison et d'ailleurs. C'est dire, donc, s'il semblait compliqué de trouver un successeur à Laurent Bayle et combien il était risqué de remplacer le capitaine en temps de crise. L'intéressé, dont le mandat est arrivé à terme au 31 mars 2021 (et dont un nouveau renouvellement aurait imposé une nouvelle exception juridique par décret) avait lui-même pourtant exprimé son souhait de passer la main, mais acceptant de rester encore le temps de trouver un successeur.
Le poste et le projet ambitieux et prestigieux attirent bien évidemment des convoitises depuis longtemps et, parmi les profils envisagés, figurait notamment celui d’Olivier Mantei (âge de 56 ans). À ceci près que le Directeur de l’Opéra Comique (poste auquel il a été renouvelé l’année dernière pour trois ans), Président (bénévole, depuis 2014) du Festival des Heures Musicales de l'Abbaye de Lessay, co-actionnaire des Bouffes du Nord et à la rentrée prochaine du Théâtre de l’Athénée, a déjà fort à faire et se disait même, début février dernier, “surpris d'apprendre [...] qu'il était candidat pour prendre la tête de la Philharmonie de Paris” (dans un entretien avec Libération). Tout s’est donc décidé très vite et depuis cette déclaration, selon les équipes de l’Opéra Comique et des autres lieux, qui n’ont pas été informées de cette nouvelle candidature. Olivier Mantei explique toutefois désormais qu’il arrive au terme de son aventure au Comique, après avoir effectué son mandat de 5 ans et avoir déjà reçu les deux renouvellements de 3 ans chacun (il avait d’ailleurs déjà fait acte de candidature et faisait partie de la short-list pour prendre la tête de l’Opéra de Paris : une prise de fonctions qui était prévue pour la rentrée 2021 également suite à un remplacement pour cause de limite d’âge).
Ayant déjà beaucoup œuvré dans le monde de la musique en tant qu’enseignant, producteur, administrateur de chœur, actionnaire de lieux de spectacles et directeur d’institution, Olivier Mantei est bien armé pour affronter le gigantisme des programmations de la Philharmonie. Il dispose des réseaux dans le milieu musical et des savoir-faire en matière de transmission (l’un des axes forts de la Philharmonie). La gestion des musées de la Philharmonie représentera toutefois une grande nouveauté dans son parcours. Il aura par ailleurs la charge de mener la nouvelle “Philharmonie des enfants”, passionnant projet qui sera lancé par son prédécesseur en septembre et qui devrait reprendre le concept de la Cité des sciences voisine en l’adaptant à la musique : permettre aux enfants d’expérimenter, par le jeu, des sujets riches et sérieux.
Les enjeux et les défis à relever sont donc davantage des questions de dimensions et de symboles : coordonner autant de projets et succéder à une figure telle que celle de Laurent Bayle tout en marquant son empreinte, le tout en contribuant à sortie de la crise sanitaire et culturelle (sans parler de l’important conflit juridique avec l’architecte du nouveau bâtiment), pour poursuivre sur la lancée de cet établissement. À l’Opéra Comique, il prenait toutefois déjà la suite d’une figure marquante, Jérôme Deschamps (dont il était l’adjoint), ce qui ne l’a pas empêché de poursuivre et d’apporter une vraie personnalité à ses programmations tout en développant les ouvertures aux publics.
Ces nouvelles fonctions, de dimension dantesque, l’obligeront toutefois à délaisser une belle partie de ses nombreuses activités actuelles. Du côté de la Salle Favart, le sentiment semble plutôt mêlé de nostalgie et d'inquiétude pour l’avenir. Le délai d’ici à son départ en novembre est en effet court pour un Opéra national, ce qui peut entraîner le meilleur et le pire : soit un choix fait avec évidence dans la continuité du projet fort et identifié de la maison (dans ce qu’il faut désormais nommer l’héritage Deschamps-Mantei), soit un choix rapide et moins bon. Olivier Mantei part toutefois de l’Opéra Comique en ayant programmé les saisons jusqu'en 2023, assurant ainsi une certaine pérennité à l’établissement et le temps d’une prise de fonctions sereine pour la prochaine direction.
Olivier Mantei reste également très impliqué dans le projet de l'Athénée (et présent dans les murs sur un rythme hebdomadaire), mais il est probable qu'il laissera désormais davantage d’initiatives, voire l'initiative de ce projet, à l’autre futur co-actionnaire, Olivier Poubelle, avec lequel Olivier Mantei reste également en charge des Bouffes du Nord. Olivier Mantei quittera toutefois ses fonctions à Lessay.