Roselyne Bachelot met “ses tripes sur la table” mais refuse de s’enfermer dans un calendrier
Avant même de répondre à la toute première question posée par nos confrères de France Info TV en ce 8 janvier, la Ministre Roselyne Bachelot a tenu à expliquer que si elle ôte son masque pour cette interview, c'est parce que ce plateau respecte strictement les consignes de sécurité. Les théâtres où les protocoles sont strictement appliqués (avec le masque, de surcroît) apprécieront, eux qui doivent rester fermés encore pour une durée de plus en plus indéterminée. La Ministre de la Culture est ainsi, une fois encore, venue aux lendemains d’une conférence de presse du Premier Ministre, expliquer qu’il faudra encore attendre avant de savoir combien de temps attendre une hypothétique réouverture des lieux de culture vivante. La Ministre explique compter sur la vaccination, la météo (des températures plus clémentes, donc moins propices au virus) avec un espoir confiant pour les Festivals de cet été, et avant si possible.
Pour prendre des décisions concernant le monde de la culture, le Ministère attend encore ce qui ne dépend pas de lui : désormais les impacts sanitaires du nouveau variant britannique ainsi que des fêtes de Noël et de la Nouvelle Année. La culture reste donc fermée à cause de ce qui a rouvert sans elle, les comportements vertueux sont punis par les travers d’autrui. Les perspectives sont suspendues à l’incertitude d’une situation sur laquelle aucun moyen d’action ne lui semble possible.
Pourtant, les études ne manquent pas (et si elles manquaient, ce serait une impéritie de la part d’un gouvernement qui doit aussi les diligenter) : après des études outre-Manche et outre-Rhin émanant de prestigieuses institutions médicales, peu après l’enquête menée par Dassault à la Philharmonie de Paris (estimant que le risque y est comparable à celui en plein air) et avant deux autres études françaises à paraître durant ce premier trimestre, une nouvelle étude menée dans une salle de concert à Barcelone le 12 décembre dernier n’a détecté aucune contamination lorsque les protocoles sont respectés. Une enquête que la Ministre trouve “très intéressante”, qu’elle a regardée “avec beaucoup de soin” et qui la mène à envisager d’imposer un test négatif pour aller en salles (comme c’était le cas pour les participants à ce test en Espagne). L’idée serait donc de rajouter des contraintes aux publics ainsi qu’aux salles de concerts qui se verraient en outre décerner un “label” (comme c’est le cas par exemple de l’Opéra à Monte-Carlo qui poursuit ses activités), la Ministre reconnaissant toutefois d’emblée combien ses services seraient débordés par les demandes, et laissant comprendre que ce label -s’il voit le jour- réservera la réouverture à quelques prestigieuses institutions ayant les moyens (comme la Philharmonie) d’apporter preuves et études clé-en-main au Ministère.
Roselyne Bachelot ajoute que les études sont “difficiles à mener dans le monde de la culture, on le sait aussi !", pour des raisons pratiques de conditions expérimentales. Elle expliquait déjà, trois jours plus tôt sur RTL, avoir voulu “réconcilier le monde scientifique avec le monde culturel” : pourtant, ce sont justement les lieux de culture qui commandent et présentent des études scientifiques (démontrant leur sérieux).
L’objectif annoncé par Roselyne Bachelot depuis que le maintien de la fermeture des salles sine die confine à l’évidence, est pourtant de bâtir “un modèle souple qui permette de rouvrir dans les meilleures conditions”. Concernant la date de réouverture, la Ministre s’est montrée agacée, visiblement échaudée par les attentes envers chaque échéance, dont la dernière en date, rappelant que “la date du 7 janvier n’était pas une date de réouverture mais de revoyure” puis regrettant : “personne n’entend ces déclarations”. La défense de son action la mène alors à utiliser des termes chocs et très imagés : “Je mets toutes mes tripes sur la table pour protéger le monde de la culture.” “Je fais tout pour que la réouverture soit possible” mais refusant donc les contingences formelles : “je ne prends pas d’engagement”.
Un calendrier est pourtant bel et bien à l’étude, mais il s’agira d’un calendrier “glissant” : d’abord les musées, puis les cinémas, puis enfin le spectacle vivant (donc bien après tous les commerces non-essentiels et lieux de contamination actuellement autorisés). La raison avancée à ce calendrier est la nécessité de protéger les artistes et les personnels des maisons d’opéra. La Ministre rappelle d’ailleurs, à juste titre, que si aucun cluster n’a été identifié dans le public, des foyers de contamination existent bien parmi les personnels des opéras. Mais cet argument ne manque pas d’ironie puisque les théâtres et opéras sont justement incités à poursuivre leur activité et à répéter des spectacles, faute de visibilité sur une date de reprise. Ce risque que l’on fait prendre aux artistes et aux personnels des opéras sert à justifier qu’ils ne puissent reprendre une activité normale et se produire devant un public qui est, lui, en sécurité grâce aux protocoles mis en place.
La Ministre a toutefois tenu à rassurer artistes et personnels : “Bien entendu et si c’est nécessaire, les droits des artistes et des intermittents seront prolongés” (faisant référence à l’“année blanche” qui arrive à échéance le 31 août prochain). La Ministre annonce aussi travailler aux “trous dans la raquette” que sont les droits maladies, maternité, droits sociaux, droits retraites (mais sans parler des autres problèmes soulevés par cette mesure). Et “bien sûr” de nouvelles aides seront allouées au monde de la culture, elles seront “prolongées autant que besoin” (des aides qui révèlent toute leur utilité mais aussi toutes leurs complexités et autant d’exemples illogiques dans leurs attributions).