World Opera Day : le 25 octobre, c'est la Journée Mondiale de l'Opéra
L'opéra en temps de crise n'a rien de superflu, bien au contraire. Comme le dit le dicton, la culture c'est ce qui reste quand on n'a plus rien. Or justement, l'opéra et l'art en ces temps de crise ont vocation à recomposer le lien socio-culturel mais aussi à soutenir l'économie (à condition de ne pas en être empêchés). De surcroît, ils contribuent à la fois au Produit Intérieur Brut et au Bonheur Intérieur Brut (comme le rappelle le Directeur d’Opera Europa Nicholas Payne en ouverture de notre entretien).
La 2ème édition du World Opera Day célèbre l'art lyrique à travers la planète, dans le respect des mesures de chaque pays : une manière d'ancrer cet événement comme une tradition défiant les circonstances.
Retrouvez notre article sur la naissance de l'événement l'année dernière
Opera Europa, organisatrice de l'événement World Opera Day, offrira gratuitement (comme toujours et toute la saison durant sur sa plateforme OperaVision) un Concert Festif avec des performances vocales depuis les six continents et des messages de ses ambassadeurs mondiaux, notamment Ai Weiwei, Ernesto Ottone (UNESCO), Isabel Leonard, Brian Jagde, Elsa Dreisig, Joyce El-Khoury, Peter Sellars, Golda Schultz et Nicole Car, ainsi que les artistes émergents Raehann Bryce-Davis, Victoria Karkacheva et Leonardo Sánchez.
Un événement à suivre en direct toute la journée du 25 octobre (dès 7h du matin et jusqu'en fin de soirée) sur Ôlyrix.
Le World Opera Day célèbre également les 250 ans de Beethoven : le génie romantique dont les valeurs humanistes sont plus que jamais présentes à l'opéra et indispensables en ces temps de crise. Ainsi, dès le 23 octobre à 19h (puis en replay jusqu'au 22 avril), l'unique opéra de Beethoven, Fidelio sera rediffusé depuis le Garsington Opera.
Le lendemain 24 octobre, un triptyque de vidéos présentera dès 17h Fidelio en film d'animation (une commande jeune public d'OperaVision), une discussion en direct "Sur les traces de Fidelio" et une autre vision de l'opus, dans un énorme chapiteau de cirque, production de la Birmingham Opera Company.
Le World Opera Day est ainsi l'occasion de rappeler toutes les valeurs que porte l'art lyrique en temps de crises comme en temps "normal".
Opera for Peace, qui est d'ailleurs né à l'occasion du premier World Opera Day le 25 octobre 2019 participe ainsi à cette nouvelle édition en activant son réseau de conseillers, ambassadeurs, artistes émergents, et passerelles aussi bien pour des participations vocales, des messages et présentations, que des manifestations. Opera for Peace met ainsi en avant la défense d'une "culture à la fois universelle et locale, incluant chacun au sein de sa communauté et embrassant en même temps toutes les diversités d’un monde de plus en plus connecté".
Le World Opera Day se construit en collaborations avec Opera Europa, Opera America et Opera Latinoamérica, par l'outil d'OperaVision qui offre une expérience lyrique mondiale mettant en avant les identités de chaque maison et artiste.
La Ministre de la Culture de la République française, Roselyne Bachelot-Narquin, rappelle également à cette occasion, par un texte qu'elle nous adresse, l'importance capitale de l'opéra : "L’opéra n’est ni un futile divertissement ni un luxe réservé à quelques privilégiés. C’est un art qui s’adresse à tous, par-delà les frontières et les différences, et qui rassemble les spectateurs autour d’une expérience partagée. Lors d’une représentation, chacun se trouve plongé au cœur de l’œuvre, tout en étant uni par une émotion commune à celles et ceux qui l’entourent. Aller à l’opéra, c’est éprouver la force du collectif comme rarement ailleurs. Assister à un opéra, c’est aussi accepter de perdre ses repères pour se laisser porter par l’art du compositeur, du librettiste, du metteur en scène, des musiciens et des chanteurs qui, ensemble, créent une œuvre d’une richesse unique. Parce les opéras abordent tous les sujets, y compris les mythes les plus fantastiques ou les pages sombres de l’histoire, ils confrontent leur public à l’altérité et à l’extraordinaire. L’art lyrique interroge les questions fondamentales qui traversent notre condition humaine et notre vie en société, contribuant ainsi à alimenter des réflexions politiques, sociales ou philosophiques. Par les interprétations singulières qu’ils en livrent, les metteurs en scène révèlent l’exceptionnelle capacité qu’ont les grandes œuvres du répertoire, tout comme les créations contemporaines, à éclairer notre présent. L’opéra alimente des débats, remet en cause les préjugés, interroge les certitudes. Il favorise le dialogue et contribue à rapprocher les citoyens."
L'Opéra promet des jours meilleurs, il combat aussi les obscurantismes et les tragédies : "Dans un monde décimé par le Covid et l'injustice sociale, l'opéra peut être une voix pour la vérité artistique, contre le mensonge et la tyrannie", voici le message que nous adresse directement Peter Gelb, Directeur du Metropolitan Opera de New York où la situation catastrophique mène à la fermeture de l'institution pour toute la saison.
Le Directeur de l'Opéra de Paris Alexander Neef nous a également répondu sur l'importance de l'Opéra et du World Opera Day (retrouver notre interview grand format en intégralité). La découverte de cet art à la fois éternel et toujours moderne déclenche des passions à la fois émotionnelles et intellectuelles : "J'ai découvert l'Opéra par moi-même, sans mes parents ou des professeurs, en étant touché très jeune par une retransmission à la radio et encore davantage en allant voir mon premier spectacle en salle. Je n'oublierai jamais à quel point cette expérience m'a changé en tant que personne. Cette expérience émotionnelle et l'engagement intellectuel qui suit. C'est ce qui m'intéresse, avec l'opéra et la culture des arts en général : cette invitation faite au public de découvrir les œuvres d'art, selon sa propre volonté. Nous vivons dans un monde où tout est de plus en plus figé, défini, imposé, sans beaucoup de possibilités pour la libération. L'opéra est un lieu qui invite à la réflexion, il est aussi un lieu qui rassemble : le symbole s'impose encore davantage pour nous retrouver, nous réunir après le Covid. L'Opéra est aussi un art très égalitaire : que nous ayons une place à 5€ ou à 250€, nous redevenons tous les mêmes lorsque la lumière s'éteint. Il est capital pour une société d'avoir ces espaces d'égalité, où nous partageons ensemble une expérience individuelle."
Des missions, des enjeux, une importance capitale pour chaque individu et pour la société, qui commence par la possibilité de donner accès à cet art : c'est précisément le thème de notre entretien avec Nicholas Payne, Directeur d’Opera Europa qui rassemble 200 maisons du continent : à lire en intégralité ici.
Loïc Lachenal, Directeur général de l'Opéra de Rouen Normandie et Président de l'association professionnelle Les Forces musicales insiste lui aussi sur cet enjeu, par l'exemple : en rappelant tout d'abord combien "ces derniers mois, nous avons fait l’amère expérience du manque. Privés de tout ce qui nous est offert pour offrir une fenêtre sur les autres, l’inconnu, la surprise, de toutes ces occasions d’arrimer nos destins personnels à une expérience collective, de cette vibration collective."
Laurence Lamberger-Cohen, Directrice de la Réunion des Opéra de France (qui organise Tous à l'Opéra et contribue de ce fait au World Opera Day) réunit ainsi ces enjeux et situations de l'opéra, dans ses différentes dimensions : "Répondre à la question de l’utilité de l’opéra pour la société, oblige nécessairement à envisager plusieurs aspects de ce qu’est l’Opéra : d’abord une œuvre créative extraordinairement foisonnante dont le genre se déploie sur plusieurs siècles, un bâtiment ensuite, qui par la centralité de son positionnement urbain le « monumentalise » en le patrimonialisant, et enfin des équipes artistiques, techniques et administratives qui lui donne vie, au quotidien, en l’inscrivant dans son environnement. Car, l’opéra est avant tout la réunion de ces compétences multiples, de ces savoir-faire souvent rares, qui contribuent à la fabrication et à la représentation d’une œuvre, d’un spectacle total. C’est aussi le moment magique où, lorsque le rideau se lève, chacun à sa place mais tous ensemble, joue sa partition. Le temps de la représentation permet alors à chacun de partager ce que nous avons de plus intime, cette part d’humanité qui nous rassemble, grâce à la musique, aux compositeurs et aux interprètes. Enfin l’opéra d’aujourd’hui n’est plus seulement cet art que l’on découvre lors du lever de rideau. Il est le lieu, l’outil et le support d’une volonté qui l’inscrit résolument au cœur d’une politique culturelle créative, participative et interculturelle tout à la fois locale, au plus près des publics, et internationale, par le rayonnement de ses projets."
L'Opéra mérite cette célébration toute l'année et à travers toute la planète parce qu'il est un art traversant toutes les nations et toutes les époques, depuis des siècles comme le rappelle là encore Alexander Neef en citant l'un de ses illustres prédécesseurs : "Gérard Mortier disait toujours qu'il n'y a pas de démocratie sans le théâtre. C'est très vrai. À l'opéra nous pratiquons un discours civil, civique et civilisé, pour résister à ce très grand problème que représentent les discours polarisés et radicalisés de nos sociétés modernes. Lorsque le Théâtre Grec a été inventé il y a 2500 ans, c'était dans ce but : créer un espace citoyen, pour traiter de sujets difficiles que les lois et les règles ne suffisent pas à résoudre. Même l'architecture du Théâtre Grec est un Théâtre du Peuple. Il évolue ensuite vers le théâtre à l'italienne mais Bastille c'est exactement cela, un Parlement, un Théâtre du peuple donnant la possibilité à un grand nombre de concitoyens de se rassembler pour avoir ces expériences ensemble. C'est une fonction plus que jamais importante du théâtre. De fait, pour y accéder, il faut se déplacer, venir physiquement, on ne peut pas rester à la maison devant Netflix et il y a énormément à gagner en se réunissant ensemble. C'est pour cela que nous sommes l'Opéra national de Paris. Donner cela à notre public, c'est notre mission de service public." Un message d'ouverture et de démocratie soulignant l'importance de ce genre pour la société, comme le fait également Loïc Lachenal : "L’Opéra, du haut de ses cinq siècles, n’est pas un divertissement. En délivrant les grandes passions du monde, par l’implacable transgression sensible qu’il génère en nous en ne nous laissant aucun choix tant la tension émotionnelle de la musique et des voix est forte, l’Opéra nous projette en dehors de notre quotidien. Face aux troublantes évocations du temps il est le lieu de cette intranquillité surprenante : se laisser déborder et fondre. Ces lieux là sont rares."
Rares et précieux, dans tous les sens du terme : cet événement du World Opera Day est en effet l'occasion de rappeler l'importance capitale de ce genre pour l'économie du pays. Financer la culture, c'est cultiver l'économie davantage encore. L'Opéra est en effet plus que rentable sur le strict plan économique (comme le rappelait le dernier grand rapport sur la question, publié en 2014). L'activité lyrique est en effet un riche secteur économique : réunissant les arts, elle contribue fortement à l'économie de la culture, un secteur qui contribue sept fois plus au PIB que l'industrie automobile. La culture rapporte (plus du double de son investissement) : avec des dépenses pour la collectivité estimées 21,5 milliards d'euros, elle génère 57,8 milliards d'euros (3,2% du PIB français). L'impact de l'industrie culturelle rayonne même sur 104 milliards d’euros (près de 6% du PIB). La culture est de fait un très grand employeur : pour 670.000 personnes, ce qui représente 2,5% de l'emploi dans le pays, auxquelles s'ajoutent 870.000 professionnels de la culture employés par des entreprises non culturelles.
Les opéras spécifiquement sont un vecteur capital de cette économie, donc de l'économie en général. L'art lyrique représente en effet 414 millions d'euros (d'autant que les opéras réinvestissent directement 70 M€ de financements vers d’autres structures artistiques et culturelles), 12.730 emplois et 7,3 millions d'heures travaillées.
L'opéra est un grand créateur de richesse à travers le territoire, entre autres dans le domaine touristique à l'intérieur du pays, si important actuellement : 70.000 touristes viennent spécialement dans une ville pour assister à une représentation (et plus de la moitié n'y serait pas venu sans la présence d'un opéra). Les opéras et festivals génèrent ainsi 260.000 nuitées d'hôtellerie, et puisqu'en temps normal 22% des spectateurs vont au restaurant avant ou après le spectacle, 19% des spectateurs consomment dans un bar avant ou après le spectacle, l'opéra crée 32 M€ de richesse en "retombées spectateurs".
L'opéra, avec un prix moyen du billet à 25,2 € est nettement moins cher que les musiques actuelles et de variétés (33 €) ou le football (37 € pour un match de Ligue 1, sans parler de lorsque la NBA vient à Paris), et les spectateurs lyriques dépensent ensuite davantage que ce prix de leur billet à proximité de la salle de concert.
Au final,
pour 1 € dépensé pour l’achat du billet, 1,20 € sont dépensés en parallèle dans les commerces,
pour 1 € de subvention locale versée, l’opéra injecte 1,33€ au sein du tissu économique local,
pour 1 € de subvention locale, 1 € est également injecté par des acteurs extérieurs au territoire.
De quoi célébrer l'Opéra, son utilité pour la société et l'économie, et bien sûr, le World Opera Day !