Le Costume à l'opéra - 1 | Son importance
- 1 | Son importance
- 2 | Sa création dans les ateliers de confection
- 3 | Sa signature
- 4 | Sa seconde vie dans les collections d'un musée
- 5 | Dans l'atelier de l'Opéra Comique - Rencontre avec Johanna Richard
Le rôle du costume
À quoi sert le costume d'opéra ? Si la question peut paraître évidente de prime abord, sachez que les contraintes auxquelles doit se plier le costume pour assurer ses nombreux rôles sont nombreuses ! Un des rôles essentiels du costume est bien-sûr de permettre à l’interprète d’être visible dans toutes les particularités de son personnage. Même du fond de la salle, il doit être le plus lisible possible. Chaque personnage possède un caractère particulier, que son costume se charge de faire transparaître. Le costume agit donc comme un signifiant scénique, et en tant que tel, il fait l’objet d’une attention singulière. Certains éléments du vêtement sont donc volontairement démesurés, exagérés ou simplifiés : cols, traînes, ornementations, coiffures et maquillages. Avec l’arrivée de l’opéra filmé et ses gros plans sur les chanteurs, même les plus infimes détails d’un costume exigent désormais une finition parfaite. À l'heure de la haute définition et de la retransmission en direct, le faux doit paraître plus vrai que nature et la traîne d'une chanteuse ne doit pas gêner l'interprétation.
Le costume doit parler dès l’entrée en scène des comédiens, des danseurs ou des chanteurs
Partie intégrante de la mise en scène, le costume ne peut être conçu de manière indépendante. Par ses formes, ses couleurs et ses lignes, le costume est en soi un décor en action. Il permet au spectateur de lire les intentions du metteur en scène en lui apportant des indices sur le lieu et le temps de l’action, comme sur le niveau social et la psychologie du personnage. Pour le créateur Christian Lacroix -auteur de nombreux costumes d'opéra-, sa vocation est claire « Le costume doit parler dès l’entrée en scène des comédiens, des danseurs ou des chanteurs. Il doit également les aider physiquement par son confort mais aussi spirituellement, en soulignant son jeu et son personnage ». Le costume est comme une fenêtre ouverte sur les intentions dramaturgiques du metteur en scène. Au-delà de signifier le caractère d'un personnage, le costume doit transmettre au spectateur la vision qu'en a le metteur en scène.
Une fois qu’il a revêtu cette seconde peau, le chanteur rentre complètement dans son personnage. Le costume doit lui permettre de donner de la voix sans le gêner, lui donner une stature et lui permettre de magnifier son rôle. Il intervient directement sur la construction gestuelle de l’interprète. Véritable outil de travail, il est confectionné dans le respect de la morphologie de l’artiste tout en respectant les besoins et contraintes liés à l’opéra : respiration et expression vocale parlée ou chantée. Les cols montants et les corsets serrés sont donc proscrits pour les cantatrices. La relation entre le costumier et l’interprète est essentielle pour que le costume s’adapte le mieux possible au rôle. Il arrive aussi que les interprètes aient des besoins particuliers et demandent alors qu’une pochette soit cousue dans leur costume pour pouvoir y placer un mouchoir, une pastille pour la gorge, un médicament ou à ne pas avoir de matière trop volatile sur leur costume qui pourraient gêner la respiration.
(Ci-dessus : Costume de Marcel Escoffier pour Maria Callas dans Norma de Bellini. Opéra Garnier, 1964. Exposition Vestiaire de divas, 2010.© Coll. cncs /OnP)
La place du costume
Il y a de moins en moins de construction du personnage via le costume parce que le propos n’est plus dans l’historicisme
Aujourd’hui, la mise en scène s’approche différemment. Elle a pris une place prépondérante dans la construction d’un opéra. Le jeu d’acteur demandé au chanteur est récent et le costume n’est plus seulement là pour marquer le chanteur de son personnage, mais devient l’expression des intentions du metteur en scène. Interrogé sur ce point par le collectif Cercop, le ténor Jean-Christophe Born remarquait notamment : « Il y a de moins en moins de construction du personnage via le costume parce que le propos n’est plus dans l’historicisme. Comme le travail demandé se rapproche du travail d’acteur, le personnage ne se crée plus via le costume. Le chanteur va travailler pour nourrir son rôle. ».
Dans sa mise en scène pour Une Flûte enchantée aux Théâtres des Bouffes du Nord en 2013, Peter Brook a voulu réduire l’importance prêtée au costume pour laisser le spectateur se focaliser sur l’action. Simplification des costumes, décors à l’esthétique minimale, certaines mises en scène entendent aujourd’hui ancrer l’opéra dans l’ère contemporaine, le dépouiller de son faste d’antan pouvant être vu comme lourd, afin de se concentrer sur ses éléments les plus essentiels. Dans Les Contes de la Lune vague après la pluie -créé récemment à l'Opéra de Rouen Haute-Normandie et inspiré du film de Mizoguchi-, les costumes de Caroline de Vivaise abordent l'oeuvre dans la sobriété et s'intègrent ainsi habilement à la mise en scène épurée de Vincent Huguet : loin de tomber dans le japonisme, ils mettent en lumière le caractère universel de la morale du récit.
Si le costume se fait moins onéreux, moins clinquant, c’est aussi en réponse à des impératifs économiques. Parfois le budget ne permet pas aux productions de créer un costume de toutes pièces. Les costumiers doivent alors dénicher dans des fripes ou des magasins spécialisés des habits qu’ils pourront utiliser intégralement ou réutiliser partiellement.
(Ci-dessus : Les Contes de la Lune vague après la pluie de Xavier Dayer © F Carnuccini)
(Cover : Réserves de costumes © CNCS / Photo Pascal François)