Chanter ne serait pas plus dangereux que parler selon une étude anglaise
Les études scientifiques émanant de prestigieuses institutions médicales et encourageant la reprise des activités culturelles (en particulier pour la musique classique) se multiplient à travers l'Europe. Après l'étude autrichienne optimiste sur les musiciens d'orchestre et l'étude allemande recommandant la suppression des distanciations pour le public, c'est une étude anglaise qui explique en quoi le chant n'est pas plus dangereux que la parole.
Comme le rappelle cette recherche collaborative réunissant plusieurs professeurs reconnus comme leurs institutions d'affiliation, l'art vivant et le chant choral ont particulièrement été suspectés de transmettre le Coronavirus et se sont vus imposer des restrictions drastiques, qu'il s'agisse d'annulations pures et simples, de séparation par plexiglass ou bien de distanciation jusqu'à une dizaine de mètres (rendant impossibles l'écoute et la cohésion sonore indispensables pour un choeur).
Les résultats de cette nouvelle étude d'outre-Manche démontrent pourtant que "chanter ne produit pas d'une manière substantielle davantage de particules respiratoires que parler à un volume similaire".
Ce projet de recherche baptisé PERFORM (acronyme de ParticulEs Respiratoires et matérielles pour inFOrmer et guider la distanciation des inteRprètes dans la pandéMie de COVID-19) a été soutenu par le Service de Santé Publique d'Angleterre et le Département Numérique, Culture, Média et Sport. Il a réuni une équipe faisant collaborer le Collège Impérial de Londres, l'Université de Bristol, les Hôpitaux de Wexham Park, Lewisham, Greenwich et Brompton.
L'étude annonce être la première à pouvoir observer distinctement la quantité de gouttelettes mais également d'aérosols émis par un groupe de 25 interprètes durant une série d'exercices successifs : respiration, parole, toux, et chant (à différents volumes sonores, dans différents styles et sur différentes hauteurs, avec les six tessitures représentées : soprano, mezzo, alto, ténor, baryton et basse chantant chorale, théâtre musical, opéra, jazz, gospel, rock et pop). Pour une série de mesures absolument comparables, les mêmes sujets de l'étude ont même été mesurés successivement en train de parler puis de chanter "Happy Birthday" à un volume compris entre 50 et 60 decibel puis 70-80, et enfin 90-100 dB (pour références, 60dB est le volume sonore d'une voix audible, 70-80 dB celui d'un son pénible, 100dB celui extrêmement désagréable d'une machine industrielle, et la voix humaine monte au maximum à 120dB).
New #COVID19 research from @BristolChems Professor Jonathan Reid shows that singing isnt riskier than talking, but volume matters. Game changing results for a devastated performing arts industry: https://t.co/BTymCZTbQj pic.twitter.com/bayOYY0wwi
— Bristol University (@BristolUni) 21 août 2020
Selon cette nouvelle enquête, les précédentes tentatives similaires visant à examiner les quantités de matières projetées par les interprètes ont achoppé sur la difficulté à correctement quantifier les gouttelettes et aérosols à cause du grand nombre de particules ambiantes dans l'environnement, rendant impossible de distinguer celles produites et celles déjà présentes. La nouvelle étude britannique s'est donc déroulée dans un bloc opératoire (orthopédique), un environnement avec “zéro aérosol" permettant selon l'équipe de recherche d'identifier sans ambiguïté les particules produites par des vocalisations spécifiques. L'enquête conclut que l'émission d'aérosol augmente de manière exponentielle (jusqu'à être multipliée par 20 ou 30) avec le volume croissant, mais qu'il n'y a pas d'écart significatif entre le chant et la parole. Aucune différence significative n'a d'ailleurs été constatée selon le style musical interprété.
Bringing musical theatre to surgical theatre, weve been busy at Schoen Clinic London! ENT Surgeon, @Voicedoctor_uk et al. is carrying out research to look at the amount of aerosol generated by singers and musicians. 1/3 pic.twitter.com/6wZBqoRvyl
— Schoen Clinic (@SchoenClinicUK) 17 juillet 2020
L'enquête invite ainsi les opéras et salles de concerts à traiter le chant comme la parole, en s'intéressant plutôt au volume sonore, au volume de la salle et à son système d'aération, au nombre de personnes et à la durée de réunion. Confirmant les conclusions de l'enquête allemande, l'aération de la salle semble ainsi plus importante que l'activité ou la distanciation.
Confirmant toutefois en partie les intuitions et entièrement les recommandations sur un autre point, les résultats de l'enquête montrent combien la toux peut être aléatoire et dangereuse : si quelques toux projettent un nombre relativement limité de particules, celles en émettant le plus en expulsent 20 fois davantage que toute autre activité.
“L'étude a montré que la transmission du virus en petites particules d'aérosols est autant probable durant la parole que durant le chant, ces deux activités générant un nombre similaire de particules", a déclaré Jonathan Reid, Directeur du Centre d'Étude Doctoral en Science des Aérosols et Professeur de Chimie Physique à l'École de Chimie de l'Université de Bristol. "Cette recherche apportera des informations utiles aux interprètes, lieux de concerts, et producteurs sur la manière de remettre le chant en scène", a corroboré Declan Costello, chirurgien ORL spécialisé des troubles de la voix au Wexham Park Hospital.
L'étude a également été signée par Pallav Shah (Professeur de Médecine et Pneumologue spécialiste des maladies respiratoires au Collège Impérial de Londres , aux Hôpitaux de Brompton, Harefield, Chelsea et Westminster), James Calder (Professeur au Département d'ingénierie biologique au Collège Impérial de Londres), Bryan Bzdek (Docteur de l'École de Chimie à l'Université de Bristol), Natalie Watson (chirurgienne ORL à Lewisham et Greenwich) Christopher Orton (Docteur en recherche clinique à l'hôpital Roayl de Brompton) et Thomas Finnie (Docteur pour le Service de Santé Publique d'Angleterre).