Rouvrir à jauge pleine ? une étude allemande donne son feu vert, la Ministre française le défendra
Pas de rang ni de siège vide : c'est ce scénario attendu comme un miracle que recommandent pourtant très sérieusement les très sérieux Instituts de médecine sociale, d'épidémiologie, d'hygiène et de médecine environnementale de la bien-nommée Institut de la Charité à Berlin dans la publication de sa nouvelle étude mise à jour (et relayée par la RBB, service public audiovisuel Berlinois). Ce Centre Hospitalier Universitaire figurant parmi les premiers dans divers classements internationaux a été nommé ainsi (en français) pour son action charitable en 1727 par le Roi de Prusse Frédéric-Guillaume Ier : le lieu fut d'ailleurs fondé pour répondre à une terrible épidémie (la peste bubonique de 1710), raison pour laquelle il se situe au Nord du mur de la ville de Berlin.
La condition sine qua non pour assurer la sécurité recommandée tout en permettant aux spectateurs d'être désormais tous côte-à-côte en salle est bien évidemment de faire respecter le port du masque couvrant le nez et la bouche sans aucune interruption. Avec "une telle protection, environ 95% de la charge virale est absorbée. Cela signifie que vous êtes vous-même protégé, tout comme votre voisin" a ainsi déclaré le Professeur Stefan Willich. Directeur de l'Institut de médecine sociale, d'épidémiologie et d'économie sanitaire à la Charité de Berlin, Stefan Willich est également chef d'orchestre !
L'étude se veut d'ailleurs particulièrement encourageante pour les concerts de musique classique et pour les opéras où "personne ne crie, ne saute ni ne danse, où le public a l'habitude de ne pas parler durant l'événement" (reste à lui enjoindre de retenir aussi ses toux et éternuements).
"Un concert classique pourrait donc être plus sûr que de faire ses courses au supermarché ou d'utiliser les transports publics."
Le port du masque doit demeurer obligatoire, il n'est toutefois pas suffisant. L'ensemble des mesures sanitaires (désormais bien connues) reste à appliquer de manière scrupuleuse : sens de circulation et respect des distances pour les déplacements, interdiction de la vente et consommation de boisson et nourriture, lavages de mains, désinfection de toutes les surfaces de contact etc. De surcroît, le système de ventilation en salle doit être "moderne et adéquat avec des filtres spécifiques" (dans l'idéal de type HEPA soit high-efficiency particulate air filtrant 99,97 % des particules au diamètre de 0,3 µm2 minimum). Charge donc aux salles de concerts de démontrer la qualité de leur système ou de le mettre à jour. Or, justement une grande salle parisienne mène des tests sur ce point (nous vous en reparlerons très prochainement).
Concernant les musiciens aussi, cette nouvelle étude confirme les pistes optimistes des précédentes enquêtes infectiologiques menées ailleurs (notamment à Vienne) : "une distance d'un mètre suffit pour les cordes et 1,5 mètre pour les instruments à vent. Cela correspond presque à une configuration orchestrale normale."
Cette étude arrive donc à point nommé alors que la Ministre de la Culture française se posait de nombreuses questions sur les possibilités de reprise artistique en interview il y a peu. Une étude trop belle pour être vraie ? Cela a pu sembler être le cas : les résultats à peine communiqués, le Conseil d'Administration de la Charité-Universitätsmedizin Berlin a pris ses distances en expliquant qu'il ne s'agit pas d'une communication officielle engageant toute l'institution. Cependant, à regarder de près le communiqué, le CHU ne remet pas en cause les résultats de l'étude mais rappelle que "la discussion critique doit se poursuivre [...] dans le cadre de la stratégie de test de Berlin."
Il s'agit bien évidemment de poursuivre avec le sérieux indispensable la réflexion et les prises de décisions, mais le temps est donc clairement venu de demander aux autorités médicales françaises de se prononcer sur cette étude et d'acter avec le Ministère de la Culture des conditions du redémarrage artistique.
Roselyne Bachelot a reçu en faces-à-faces ce mercredi 19 août "les représentants du spectacle vivant". Selon eux, la Ministre s'est engagée à défendre la suppression des distanciations en salles (avec masque obligatoire). Elle vient d'ailleurs de retweeter un message allant dans ce sens publié par Philippe Juvin, Maire LR de La Garenne-Colombes, Professeur de médecine, chef du Service des Urgences à l'Hôpital Pompidou :
Avec un masque, des tests faciles, lisolement des +, surveillance épidémio, une vie normale pourrait reprendre. Même dans les salles de spectacle assis, quil faut rouvrir. Labsence de cluster dans les transports en commun (situation proche des salles assis) est rassurante. pic.twitter.com/tnvKwtXCiP
— Philippe Juvin, MD PhD (@philippejuvin) 20 août 2020