Le Théâtre de Wiesbaden en Allemagne reprend les concerts avec public
Le Festival International de Mai à Wiesbaden fait partie des plus fameux événements lyriques. Fondé à la suite du légendaire Festival estival de Bayreuth, et se déroulant au même mois que le célébrissime Mai Musical à Florence. Sauf que le Festival de Mai à Wiesbaden aura bien lieu en 2020, contrairement à ces deux autres rendez-vous annulés cette année (Bayreuth demandant un trop long temps de création et répétition pour jouer d'autant que sa Directrice Katharina Wagner est dans un état de santé préoccupant, alors qu'en Italie c'est l'état sanitaire général qui empêche la reprise culturelle in vivo, mais n'empêche pas le Mai musical de Florence d'avoir lieu en streaming).
Cela étant, si nos voisins allemands vont retrouver le chemin et le réconfort de leurs théâtres à partir de ce lundi 18 mai 2020 dans la Hesse (deux jours après la reprise du championnat de football, dans des stades certes confinés mais qui pourraient nous apporter des pistes et enseignements), ce sera avec un programme musical adapté et des conditions d'accès drastiques.
Exit bien sûr du nouveau programme adapté les grands (immenses même) opéras qui étaient à l'affiche, dont les dimensions (nombre d'interprètes et durée) restent impossibles à proposer au public : Tristan et Isolde de Wagner qui devait ouvrir les réjouissances dans la mise en scène d'Uwe-Eric Laufenberg (avant sa production pour Carmen de Bizet), Le Vaisseau fantôme de Wagner par Michiel Dijkema, Elektra de Strauss par Magdalena Weingut et Le Chevalier à la rose par Nicolas Brieger, Tosca de Puccini par Sandra Leupold et une immense partie de la programmation (aussi foisonnante) de théâtre dramatique parlé.
Mais Wiesbaden a pu annoncer le maintien de son Festival du mois de Mai (un peu décalé pour l'occasion : du 18 mai au 6 juin), en reconfigurant la partie récital de son programme et grâce à la participation de grands noms lyriques initialement programmés.
Les réjouissances marquant le déconfinement culturel allemand seront lancées ce lundi 18 mai à 19h30 dans la Grande Salle par un récital Schubert (Lieder de Goethe) & Mahler (Le Cor enchanté de l'enfant) de la basse Günther Groissböck avec la pianiste Alexandra Goloubitskaia.
Le Festival se poursuivra sans relâche tous les jours du mois de Mai (et même presque chaque fois avec deux événements : l'un dans la Grande Salle, l'autre dans la petite) puis avec seulement deux jours de pause début juin, le tout pour un programme riche et varié (mais de petites formes) en récitals, petites pièces de théâtre, concerts, cabaret, danse.
Michael Volle & Gabriela Scherer chanteront des extraits de deux compositeurs déprogrammés (Le Vaisseau fantôme et Arabella), idem pour une soirée Tristan et Isolde avec Andreas Schager, Catherine Foster, René Pape, Margarete Joswig, Lidia Baich,Thomas de Vries (accompagnement au piano toujours, par Alexandra Goloubitskaia). Tristan qui sera aussi le héros d'une autre soirée, originale et au format sanitaire, dans l'évocation du roman de Thomas Mann avec différentes musiques du XIXe siècle.
Ich freue mich auf Tristan & Isolde (Ausschnitte) am 21. & 31. Mai im @staatstheaterwi. Natürlich in besonderem Setting, aber es sind besondere Zeiten. Mein Dank gilt den couragierten Veranstaltern, die mit uns Künstlern und für das Publikum neue Wege beschreiten. pic.twitter.com/ohNFC1hj1c
— René Pape (@renepapebass) 14 mai 2020
Les extraits de Carmen seront portés par Annalisa Stroppa, Aaron Cawley, Sumi Hwang, Thomas de Vries et Holger Reinhardt, avant une soirée Lieder Liszt-Strauss-Schumann par Florian Boesch & Justus Zeyen, le ténor Thomas Blondelle et le pianiste Tim Hawken dans un programme Rires et Pleurs (Schubert, Schumann, Tosti) et même un récital orchestral (petit format) : le ténor Klaus Florian Vogt interprétant le cycle La belle Meunière de Schubert avec des instrumentistes maison.
La conclusion du festival se fera en théâtre avec un triptyque Beckett : Les Jours Heureux, En attendant Godot, et Fin de Partie. Trois pièces qui ne sauraient être mieux choisies, la première mettant en scène une femme ensevelie se remémorant sa vie passée, la seconde proposant une attente surréaliste et sans fin...
"Fini, c'est fini, ça va finir, ça va peut-être finir. (Un temps. ) Les grains s'ajoutent aux grains, un à un, et un jour, soudain, c'est un tas, un petit tas, l'impossible tas. (Un temps.) On ne peut plus me punir. (Un temps.) Je m'en vais dans ma cuisine, trois mètres sur trois mètres sur trois mètres, attendre qu'il me siffle."
Ainsi s'ouvre la pièce Fin de partie de Beckett, et se refermera le festival, dont la fin marque un nouveau début. Si le confinement va finir en Allemagne, c'est parce que le gouvernement allemand et celui du Land de la Hesse ont donné des consignes sanitaires dès le 7 mai dernier (elles sont attendues en France pour début juin, tandis que l'Autriche vient d'annoncer les siennes -et la démission de sa Ministre de la Culture- permettant de sauver probablement un Festival de Salzbourg adapté).
Pour accueillir son public, le Théâtre de Wiesbaden a publié tout un protocole à respecter scrupuleusement, et qui sera observé de manière drastique (les employés maison ont été formés à le faire appliquer, à renseigner et à guider les spectateurs) :
Identification & informations personnelles – Conformément à l'Ordonnance Corona Contact du 7 mai 2020, le Théâtre est obligé de tenir une liste avec les nom, adresse et téléphone de chaque spectateur (informations à fournir obligatoirement lors de la réservation et qui seront effacées par le théâtre à l'expiration de cette ordonnance) afin de pouvoir retracer les cas suspectés. Chacun doit avoir avec lui une pièce d'identité, à présenter dès qu'exigé.
Visage couvert – Obligatoirement, nez et bouche inclus, à tout moment y compris durant la représentation.
Hygiène Générale – Respecter tous les gestes barrière (notamment tousser et éternuer dans son coude et garder 1,5 mètre de distance, et bien entendu se laver les mains !)
Pas de Vestiaire – un espace permettra de pendre son manteau
Jauge - réduite à 200 places dans la grande salle (au lieu de 1041), 60 dans la petite (sur 328)
Un rang sur deux restera inoccupé et 3 fauteuils resteront vides entre chaque spectateur (sauf pour les membres d'un même foyer) : une répartition qui sera effectuée par les ouvreurs.
Ouverture de la salle – 30 minutes avant la représentation, en faisant entrer progressivement les spectateurs (invités à gagner rapidement leur siège)
Toilettes - Toutes restent ouvertes, mais le personnel s'assurera qu'elles n'accueillent qu'une seule personne à la fois
Le Théâtre informe enfin qu'il n'y aura aucune restauration sur place et que tous les lieux accessibles du bâtiment sont lavés et désinfectés quotidiennement
Mise à jour, à l'issue des premiers concerts :
Récital de Günther Groissböck ce lundi soir à Wiesbaden devant un public clairsemé, très espacé et masqué : la norme pour toutes les maisons d'opéra qui voudront accueillir du public cette année ? https://t.co/tUZ7TV0FbW
— Paris opera news (@operanimal) 19 mai 2020
Malheureusement, la salle ne pouvant accueillir que 200 spectateurs alors qu'ils sont traditionnellement un millier pour ce type de concerts, le Théâtre de Wiesbaden a dû demander aux artistes de diviser leurs cachets par quatre ou cinq. L'institution a donc considéré, pour ces événements, tous ceux mais uniquement ceux qui pouvaient chanter à ce prix.