Opéra de Paris : saison terminée, la reprise en danger
Il y a cinq jours de cela nous écrivions "La fin de saison pas encore annulée, la rentrée en danger". La fin de saison est finalement bien annulée et la rentrée plus qu'en danger : le Directeur de l'institution lyrique capitale (Bastille & Garnier) fait cette annonce par une phrase dans le quotidien Le Monde avant que son établissement ne semble en avoir été informé ou au moins ne souhaite en informer la presse (malgré nos questions précises, réitérées avant même le confinement) et son public (les ventes de billets pour les spectacles des prochains mois avaient été suspendues il y a peu mais les pages des productions sont toujours présentes et la page des annulations ne liste des spectacles que jusqu'en mai).
Au moment même où nous tapons ces lignes, l'Opéra de Paris envoie des messages et tweets mettant en avant des formules d'abonnement et des packs avec les spectacles de septembre
Pourtant, comme le reconnaît Stéphane Lissner lorsque le quotidien généraliste rappelle que les théâtres seront les derniers déconfinés : « La saison est terminée et je ne suis pas très optimiste pour la rentrée de septembre. »
La réouverture qui s'annonce d'ores et déjà comme un casse-tête et menace (pour reprendre la liste des prochains opéras prévus) d'achever non seulement Carmen mais aussi Don José et tout le Walhalla, a déjà causé une huitième mort à Maria Callas, promet un Elixir d'amour non seulement faux mais empoisonné, une Iphigénie en Tauride version Warlikowski qui ne sortira pas de sa maison de retraite.
Stéphane Lissner ajoute un autre élément : « Il faudra certainement revoir les prix des places. » Le Directeur rappelle en cela, quoiqu'en quelques mots, la double peine -et même en fait la triple peine- pour les salles d'opéras qui ne savent pas quand elles rouvriront, qui verront leurs frais augmenter (plusieurs d'entre elles n'ont aucune idée de comment financer des mesures sanitaires pour leurs établissements, ne serait-ce que la désinfection des lieux afin de laisser le personnel revenir travailler) et leurs ressources diminuer (plusieurs nous ont déjà annoncé qu'elles baisseront le prix des places pour inciter le public à revenir, alors que le nombre des abonnements diminue aussi, sans parler des inquiétudes sur les rentrées de mécénats ou encore les baisses de revenus annexes tels que boissons-restauration sur place, voire dans certains cas des baisses de subventions).
« La crise que nous vivons aura au moins servi à mettre en lumière de façon très crue la situation du service public, poursuit Stéphane Lissner, qui quittera ses fonctions fin juillet 2021. De manière particulièrement dramatique dans le domaine de la santé, de façon moins directe mais néanmoins désastreuse dans celui de la culture. » Là encore difficile de saisir l'enjeu de ces propos, qu'il s'agisse d'une remise en question de l'embauche de personnels fonctionnaires par l'opéra et/ou de l'investissement des gouvernants dans la culture -sachant que l'Opéra de Paris reçoit les deux tiers des subventions publiques pour les théâtres lyriques.
À l'inverse et dans le même article du Monde, le Directeur d'une autre prestigieuse institution musicale parisienne donne des éléments de réflexion concrets. Laurent Bayle évoque ainsi comme hypothèse pour la rentrée à la Philharmonie de Paris : "tout reconstruire pour garder quelques événements-phares assortis d'un travail soigné de captation."
Dans d'autres maisons prestigieuses à l'international aussi la reprise s'organise. Ainsi à La Scala de Milan dont le français Dominique Meyer vient de prendre la tête (échaudé par le processus de recrutement à l'Opéra de Paris, alors qu'il faisait figure de favori parmi les candidats à la Direction). Nos confrères de Libération rapportent en effet que l'institution lyrique Milanaise vise une reprise dès septembre avec le Requiem de Verdi « dans la version donnée par Toscanini après-guerre, qui fait référence, et sera une pensée adressée aux familles touchées, aux morts », suivi par la 9ème Symphonie de Beethoven (en forme d'espoir et pour les 250 ans du compositeur), avant La Traviata mise en scène par Liliana Cavani. L'article qui conclut ainsi : "Dominique Meyer a préparé un plan de reprise de l'activité et assure que le théâtre milanais ne redémarrera qu'avec l'assurance que le personnel et les spectateurs seront en sécurité sur le plan sanitaire."
Lire la suite de ce triste épisode : "Opéra de Paris : fermé jusqu'aux travaux ou jusqu'au vaccin ?"