L'Or du Rhin annulé, l'Opéra de Paris veut sauver sa Tétralogie
La Tétralogie de Richard Wagner, sommet de son œuvre et du répertoire lyrique se compose de quatre épisodes (comme son nom l'indique) : ils devaient offrir quatre temps forts pour les adieux à Paris de Philippe Jordan (en partance pour Vienne) et de Stéphane Lissner (qui partira pour Naples à l'issue de la saison prochaine) : il menace d'offrir quatre nouveaux épisodes dans le triste feuilleton des annulations.
L'Opéra de Paris aura joué de malchance, après les gilets jaunes et les grèves (sans parler de ses problèmes liés à son architecture, qu'il s'agisse des bâtiments ou de son organisation), un autre événement vient frapper les spectacles (et son budget) de plein fouet. Le Coronavirus qui avait déjà entraîné l'annulation de 29 spectacles (10 représentations de Manon, 7 ballets Balanchine et 12 Don Giovanni faisant passer le déficit à plus de 30 millions d'euros estimés) entraîne désormais l'annulation de L'Or du Rhin, premier épisode ("prologue" aux trois autres journées) de la Tétralogie.
La Tétralogie est donc menacée, car le projet était justement de représenter les quatre épisodes dans la continuité d'une mise en scène (signée Calixto Bieito), puis dans la continuité d'une même semaine (en format festival).
L'Opéra de Paris n'a annoncé l'annulation de L'Or du Rhin qu'à la dernière minute : lorsque le confinement a été prolongé pour mi-avril au moins, alors que les premières représentations du spectacle étaient déjà condamnées depuis un moment étant donné que les répétitions avaient dû être interrompues et que la maison est à l'arrêt (rendant impossible le travail sur le plateau, dans les ateliers de décors et costumes, en fosse, etc.). Bastille n'a pas encore annoncé l'annulation de La Walkyrie (avec Jonas Kaufmann), et propose même l'achat de places sur son site internet (comme pour les autres spectacles de la fin de saison) alors que le spectacle n'a pas pu être répété (la première est prévue le 5 mai, soient trois semaines après l'actuelle date de fin du confinement, et alors que son Directeur adjoint, Martin Ajdari, nous annonçait le 12 mars le début imminent des répétitions).
Autre conséquence dramatique : les répétitions pour les créations de ces spectacles devaient aussi servir aux représentations en format festival (les quatre épisodes étant représentés d'affilée, dans la même semaine) en novembre-décembre 2020.
Le site internet de l'Opéra de Paris n'est pas non plus pour nous rassurer : il n'y a pas de nom de metteur en scène pour les pages des épisodes 3 et 4 (Siegfried et Le Crépuscule des dieux), pas même de noms de chanteurs pour les deux premiers épisodes du festival (auxquels les spectateurs sont tout de même invités à réserver en s'abonnant). Simple erreur technique nous explique l'institution, qui affirme que Calixto Bieito est toujours pleinement impliqué dans ce projet (il serait même à Paris).
Aucune réponse cependant de l'Opéra de Paris sur la question de l’indemnisation des artistes engagés (la colère gronde pourtant, exprimée par nombre d'entre eux à ce sujet, qui ne se satisfont pas du traitement qui leur est réservé : un cachet), pas davantage d'information de l'institution sur ses plans d’action prévus lorsque la réouverture sera possible : "Nous annulons les spectacles au fur et à mesure et nous gérons au jour le jour la situation, qui est très complexe pour une si grande maison".
À contrario, d'autres directeurs d'institutions musicales majeures refusent de recourir au cas de force majeure et rémunèrent autant que possible leurs artistes, et d'autres maisons confrontées au même problème de l'annulation d'un festival lyrique en plusieurs parties multiplient les solutions et possibilités pour le représenter tout de même, plus tard si besoin.