La Monnaie 2020/2021 : Il était Maintenant
Écrit avant les terribles mesures des temps actuels, l'éditorial présentant la prochaine saison à La Monnaie de Bruxelles est tristement prémonitoire et glaçant : "Nous venons d’entamer une nouvelle décennie. Un tel jalon peut sembler arbitraire, mais il est néanmoins clair que nous sommes à la veille de grands bouleversements. Si ces dernières années préfigurent l’avenir, nous pouvons nous attendre à une période de turbulences au niveau politique et social, dans un monde qui change à toute vitesse. Pareil climat nous oblige à évoluer avec notre temps. Nous ne pouvons esquiver les sujets brûlants auxquels est confrontée la société contemporaine."
La Monnaie regarde comme toujours vers l'avenir avec sa marque de fabrique désormais rituelle : ouvrant sa saison par deux créations -une mondiale, l'autre parmi ses toutes premières reprises- (en 2019/2020 il s'agissait de Macbeth Underworld et Trois Contes), avec aussi un temps fort unissant plusieurs opus d'un même compositeur dans une nouvelle vision (cette saison c'était la Trilogie Mozart-da Ponte : Les Noces de Figaro, Così fan tutte et Don Giovanni par Clarac-Deloeuil). Le tout complété par de grands opus rappelant que la Belgique est un carrefour de langues et de nations.
[Mise à jour : The Time of Our Singing est reporté à la saison suivante, "décision particulièrement difficile au vu de sa pertinence actuelle face au mouvement Black Lives Matter et à la lutte continue que nous devons mener contre le racisme et la discrimination." The Sleeping Thousand est annulée]
The time of our singing de Kris Defoort ouvrira la saison en première mondiale. Un projet long et ambitieux relevé par le librettiste Peter van Kraaij sur le roman de Richard Powers ("saga familiale épique de 600 pages qui retrace l’histoire du XXème siècle aux États-Unis et dénonce les ravages du racisme"). Ce roman retrace aussi une histoire musicale depuis la polyphonie flamande jusqu’au free-jazz. La mise en scène sera confiée à Ted Huffman (explorer son travail) et la direction musicale à Kwamé Ryan. Suivra The Sleeping Thousand (Les mille endormis) d'Adam Maor avec les mêmes forces musicales que pour la création au Festival d'Aix-en-Provence et la reprise à Luxembourg. Un opéra en hébreu sur le conflit israélo-palestinien qui concerne au plus près le compositeur israélien Adam Maor, emprisonné plusieurs années en tant que refuznik (objecteur de conscience).
Le cycle sera une Tétralogie Tudor-Donizetti en deux parties : "Pour le meilleur et pour le pire" et "Jusqu'à ce que la mort nous sépare" recomposant des fragments d'Elisabetta al castello di Kenilworth, Anna Bolena, Maria Stuarda et Roberto Devereux, laissant "l’histoire proposer une réponse à un problème auquel nos dirigeants sont confrontés aujourd’hui plus que jamais : l’extrême difficulté à trouver un équilibre entre image publique, choix de vie privés et responsabilité envers la société". Francesco Lanzillotta tiendra la baguette des arrangements musicaux qu'il aura signés, Olivier Fredj est crédité du concept artistique, script et mise en scène, avec sur le plateau en Elisabetta Davinia Rodríguez, Anna Bolena par Salome Jicia, Percy & Leicester par Enea Scala, Enrico par Luca Tittoto.
"L’arbre généalogique des Tudor étendra également ses branches sur la nouvelle production du Henry VIII de Camille Saint-Saëns". Le compositeur verra ainsi le centenaire de sa mort commémoré comme il ne s'y serait sans doute pas attendu, avec une nouvelle mise en scène d'Olivier Py qui revient à un opus français moins connu (après Les Huguenots et Hamlet). Le Directeur musical maison Alain Altinoglu guidera Laurent Naouri dans le rôle-titre, Don Gomez de Féria par Ed Lyon, Le Cardinal Campeggio par Paul Gay, Le Comte de Surrey par Enguerrand de Hys, Le Duc de Norfolk par Werner van Mechelen, Cranmer par Jérôme Varnier, Catherine d’Aragon par Véronique Gens, Anne de Boleyn par Nora Gubisch et Lady Clarence par Ludivine Gombert.
Le lien royal britannique se poursuivra même vers le spectacle de fin d'année, c'est en effet Elizabeth I qui insista auprès de Shakespeare pour que revienne le personnage Sir John Falstaff, qui inspirera 3 siècles plus tard Verdi. Roberto Frontali et Werner van Mechelen alterneront en Falstaff, Mattia Olivieri et Lionel Lhote en Ford, Fenton sera incarné par Anicio Zorzi Giustiniani, Cajus par Raul Gimenez, Bardolfo par Mikeldi Atxalandabaso, Pistola par Giovanni Furlanetto, Mrs. Alice Ford par Myrto Papatanasiu/Anne-Catherine Gillet, Nannetta par Elena Galitskaya, Mrs. Meg Page par Angélique Noldus, Mrs. Quickly par Daniela Barcellona/Beth Taylor. Le tout mis en scène par Laurent Pelly et dirigé par Alain Altinoglu.
Deux centenaires belges
La modernité XXe siècle sera également portée par deux opéras créés en 1920 : Die tote Stadt (La Ville morte) composée par Erich Wolfgang Korngold (1897-1957) et qui se déroule dans le plat pays (s'inspirant de Bruges-la-Morte de Georges Rodenbach). Lothar Koenigs dirigera et Mariusz Treliński mettra en scène Roberto Sacca, Marlis Petersen, Georg Nigl.
De Kinderen der Zee (Les enfants de la mer, titre d'un tableau peint en 1872 par Jozef Israëls), du compositeur belge Lodewijk Mortelmans (1868-1952) en version concertante dirigée par Alain Altinoglu, avec Thomas Blondelle, Stella par Tineke van Ingelgem, Geertrui par Christianne Stotijn, Petrus par Werner van Mechelen, Bolten par Kurt Gysen et Frederik par Denzil Delaere.
Classiques romantiques plurilingues
Français, Flamand, Hébreu, Italien, Allemand mais aussi Anglais seront chantés dans le programme lyrique, avec Le Tour d'écrou de Britten, direction Ben Glassberg, mise en scène Andrea Breth (appréciée l'année dernière à Aix pour un opus au programme de La Monnaie et appréciée à La Monnaie il y a deux ans pour un diptyque) avec John Graham-Hall, Sally Matthews, Carole Wilson, Giselle Allen, Julian Hubbard.
Outre Falstaff de Verdi et Henry VIII de Saint-Saëns, composé un an avant celui-ci, Parsifal de Wagner refermera la saison tel un nouvel événement, par sa reprise justement : la première mise en scène d'opéra signée Castellucci (il y a 10 ans) permettant de finir le programme par de fracassants débuts (ils seront chantés par Julian Hubbard, Andrew Schroeder, Kurt Gysen, Gabor Bretz, Martin Winkler, Marina Prudenskaya).
Concerts
Le Directeur musical maison, Alain Altinoglu dirige pas moins de cinq concerts avec l'orchestre (Du Nouveau Monde, Mozart pour les enfants avec Emma Posman en reine de la nuit-Pierre Derhet Tamino-Filip Jordens narrateur, Interludes maritimes avec Anna Bonitatibus, Ambiances Nordiques avec Birgitte Christensen et Boléro), Raphaël Pichon conduira des arias de Mozart avec Sabine Devieilhe, Hugh Wolff un programme TRAGISCHE, (Mozart-Mahler) et le chœur d'enfants maison portera un concert de Noël.
Sept Récitals Lyriques
C'est également une tradition : La Monnaie invite de grandes voix, habituées de sa maison et brillant pour la plupart dans les productions de la saison, à présenter un autre aspect -souvent original- de leur répertoire en piano/voix : en 2020/2021, rendez-vous est prix avec Sabine Devieilhe et Alexandre Tharaud pour un programme français (Debussy, Poulenc, Fauré, Ravel), Georg Nigl, Martina Gedeck & Elena Bashkirova en allemand (Schubert, Wolf, Beethoven, Brahms, Berg, Mahler, Eisler), Simon Keenlyside & Graham Johnson (Poulenc, Britten, Brahms, Schumann), Eva-Maria Westbroek & Julius Drake (Barber, Weill), Christoph & Julian Prégardien & Michael Gees, Bejun Mehta, ainsi que Stéphanie d'Oustrac.