Opéra de Lyon 2019/2020 : blockbusters, raretés et créations
Incroyables coïncidences : la saison 2018/2019 s'ouvrait à Lyon sur un opus rare (Mefistofele d’Arrigo Boito juste après les Chorégies d'Orange qui proposaient ce même opéra l'été précédent dans une autre mise en scène)... Bis repetita en 2019/2020 ! Guillaume Tell de Rossini sera à Orange l'été prochain avant d'ouvrir la saison lyrique lyonnaise. Si les deux productions d'Orange sont signées par le Directeur des Chorégies (Jean-Louis Grinda), Guillaume Tell dirigé à l'Opéra national de Lyon par son chef principal Daniele Rustioni y sera mis en scène par Tobias Kratzer (une coproduction avec l’Opéra de Karlsruhe où celui-ci a monté Le Crépuscule des dieux en début de saison). Le rôle-titre est confié à Nicola Alaimo (le seul interprète commun pour les représentations à Orange et Lyon, il faut dire que les interprètes de Guillaume Tell sont rares), son épouse sera Enkelejda Shkosa, leur fils Jennifer Courcier, le gouverneur Jean Teitgen, sa sœur Jane Archibald, le prétendant de celle-ci John Osborn, François Piolino en capitaine de la garde, Patrick Bolleire en Walter Furst et un pêcheur Philippe Talbot.
Lyon dédiait l'année dernière son Festival à Verdi et il poursuit également un cycle Jeune Verdi pour mettre en avant ses œuvres moins fréquentes : après Attila et de nouveau à l'Auditorium (mais aussi au Théâtre des Champs-Élysées) en version de concert dirigée par Daniele Rustioni, ce sera au tour d'Ernani, incarné par Francesco Meli avec Don Carlo (Amartuvshin Enkhbat), Don Ruy Gomez De Silva (Roberto Tagliavini) et Elvira (Carmen Giannattasio). Pour prolonger dans cet esprit les saisons suivantes, Lyon pourrait choisir parmi les débuts du catalogue verdien entre Un jour de règne, Les Lombards à la première croisade, I due Foscari, Jeanne d'Arc, Le Corsaire, La Bataille de Legnano ou encore Stiffelio.
Le Roi Carotte mis en scène par Laurent Pelly était allé se planter à Lille l'année dernière, il revient dans son sol lyonnais natal (avec cette fois Christophe Mortagne, Julie Boulianne, Yann Beuron, Christophe Gay, Boris Grappe, Chloé Briot, Catherine Trottmann et Lydie Pruvot). Cet opéra-bouffe-féerie en trois actes est inspiré d'un conte d’Hoffmann (d'autres inspireront un autre opus, homonyme, à Offenbach) d'après un livret de Victorien Sardou, l'auteur de la pièce de théâtre Tosca et précisément, l'opéra Tosca de Puccini suivra au programme. Il s'agira de la production signée par le cinéaste et dramaturge Christophe Honoré et qui débutera cet été au Festival d'Aix-en-Provence (seul changement, Mario Cavaradossi sera confié à Massimo Giordano au lieu de Joseph Calleja).
L'Opéra de Lyon programme en 2019/2020 trois opus parmi les plus joués du répertoire. Comme Tosca qui n'avait plus brûlé les planches de Lyon depuis 1979, Rigoletto revient pour la première fois depuis 1976. Le rôle-titre du tragique bouffon sera tenu par Roberto Frontali, sa fille Gilda par Nina Minasyan, Sparafucile sera Wenwei Zhang, Maddalena sera Agata Schmidt, Le chevalier Marullo sera Daniele Terenzi, dirigés par Michele Spotti dans une mise en scène d'Axel Ranisch.
Rigoletto sera associé avec la création française d'Irrelohe de Franz Schreker dans un Festival intitulé La nuit sera rouge et noire. Les deux opus partagent d'ailleurs les mêmes thèmes : malédiction, héroïne pure, viol, jalousie et aubergiste. Les personnages de Schreker agissent en outre à la manière de ceux du Trouvère vers une fin à l'image du Crépuscule des Dieux dans un grand incendie (Irrelohe signifie Flamme folle).
Après une création française, la création mondiale d'une oeuvre française. Bis repetita, après avoir commandé le premier opéra de Thierry Escaich en 2013 (Claude sur un livret de Robert Badinter, d'après la nouvelle de Victor Hugo, Claude Gueux), l'Opéra de Lyon lui commande son second : Shirine, opéra en douze tableaux sur un livret d'Atiq Rahimi (écrivain lauréat du Prix Goncourt 2008 pour son roman Syngué sabour - Pierre de patience) d’après Khosrow va Chîrîn de Nezâmî de Gandjeh (1141-1209). Cette féerie du poète perse, mise en scène par Richard Brunel et dirigée par Martyn Brabbins sera portée par une distribution composée de belles promesses françaises : Julien Behr (Khosrow), Hélène Guilmette (rôle-titre), Jean-Sébastien Bou (Farhâd, Chapou), Élodie Méchain (Chamira) Laurent Alvaro (Roi Hormoz). À noter donc la place capitale que prennent les créations à Lyon, qu'il s'agisse d'œuvres contemporaines ou délaissées : la maison des Canuts donne ainsi en ce moment même les premières françaises de L'Enchanteresse (Tchaïkovski) et dans deux mois Lessons in Love and Violence (George Benjamin).
Le troisième blockbuster sera Mozartien : Les Noces de Figaro en nouvelle production avec l’Opéra des Flandres. Dans une pratique qui a le vent en poupe, c'est un cinéaste qui réalisera sa première mise en scène d'opéra : Olivier Assayas. Stefano Montanari dirigera Le comte et la comtesse de Nikolay Borchev et Mandy Fredrich, Figaro et Susanna d'Alexander Miminoshvili et Katharina Konradi, Cherubino de Giuseppina Bridelli, Marcellina d'Agata Schmidt, Bartolo de Piotr Micinski.
Autres lieux d'exploration pour l'Opéra de Lyon (et fréquentés par nos comptes-rendus) : le Théâtre de la Croix-Rousse et le Théâtre de la Renaissance (à Oullins) accueilleront The Pajama Game (comédie musicale, "Le plus grand succès de l’année 1954 à Broadway"), livret de Georges Abbott et Richard Bissell, musique et chansons de Richard Adler et Jerry Ross prouvant que le monde lyrique a un très vaste champ d'inspiration. Cet opus résonne d'ailleurs avec une création mondiale récente : 7 Minuti de Giorgio Battistelli mettait en scène le mois dernier à Nancy un conflit syndical autour de 7 minutes de pause, The Pajama Game met en musique le roman de Richard Bissell intitulé 7½ Cents sur une lutte syndicale pour une augmentation de salaire de 7 centimes et demi dans une fabrique de pyjamas.
La Croix-Rousse proposera également I was looking at the ceiling and then I saw the sky de John Adams. Étonnant hasard, l'œuvre vient tout juste (le mois dernier) d'être représentée à Liège mise en scène par Marianne Pousseur, à Lyon ce sera la version par Macha Makeïeff (collaboration avec La Criée de Marseille), interprétée par les Solistes du Studio de l’Opéra de Lyon.
Ces mêmes solistes obtiendront certainement bien davantage que la philosophique clémence de Titus Engel à la battue pour la reprise de L’Enfant et les Sortilèges de Ravel dans la conception vidéo de Grégoire Pont (notre compte-rendu).
Dernière coïncidence étonnante (et aussi portée par les Solistes du Studio maison), comme l'Opéra Comique le mois dernier, Lyon adapte Hänsel et Gretel d'Engelbert Humperdinck et la renomme, de la même exacte manière : Gretel et Hänsel (mais cette fois mis en scène par Samuel Achache et dirigé par Karine Locatelli).
Dernier lieu exploré par la programmation : le Théâtre du Point du Jour dans le 5ème arrondissement de Lyon. Exploration qui sera même spatiale avec La Lune de Carl Orff (montrant ainsi une toute autre facette que les imposantes Carmina Burana). Ce "Petit théâtre de monde en un acte" sur un livret du compositeur d’après un conte des frères Grimm, sera donné en version pour deux pianos, orgue et percussions. Il signera donc une troisième collaboration pour le vidéaste Grégoire Pont et le metteur en scène James Bonas à Lyon (la première loin de Ravel, après L’Enfant et les Sortilèges et L'Heure espagnole).
Enfin, côté concerts, outre le programme symphonique (Messiaen/ Chausson/Tchaïkovski) Daniele Rustioni emmènera la soprano Erika Baikoff avec Mahler/Mendelssohn, Marie-Nicole Lemieux chante Vivaldi (avec l'Orchestre des lieux confié à Stefano Montanari), Ian Bostridge et le pianiste Julius Drake Beethoven/Schubert, mais aussi un Concert Circé/Desmarest par Les Nouveaux Caractères de Sébastien d’Hérin.