Avant-premières jeunes : la petite révolution de l'Opéra national de Paris
Le 4 décembre 2008, Stéphane Lissner initiait déjà à La Scala une représentation dédiée au jeunes à 10 euros avant sa très huppée ouverture de saison où les prix grimpent jusqu'à 2000 euros. Aujourd'hui, c'est aux lignes de l'Opéra national de Paris qu'il s'attaque. Et pour sa première saison, l'homme frappe fort. Treize avant-premières au tarif unique de 10 euros ont été mises en place pour les jeunes de moins de 28 ans. Hormis le ballet Gisèle, il s'agit uniquement de nouvelles productions avec des chanteurs comme Sonya Yoncheva, Olga Peretyatko, sur des mises en scène et chorégraphies d’artistes signées Romeo Castellucci, Krzysztof Warlikowski, ou encore Anne Teresa de Keersmaeker. Ce samedi 5 décembre, le casting trois étoiles affiche Jonas Kaufmann, Sophie Koch et Bryn Terfel sur une mise en scène d'Alvis Hermanis. De quoi faire saliver quand on pense que le prix moyen d'une place à l'Opéra de Paris est de 101 euros... Sept ans après l'initiative de la Scala, à Bastille, il y a comme un vent de révolution dans l'air.
Sophie Koch et Jonas Kaufmann dans La Damnation de Faust © Felipe Sanguinetti / OnP
A voir tous ces jeunes sortir à l'entracte dans le froid pour parler d'Hermanis, Kaufmann, Koch, de la direction de Philippe Jordan ou des chorégraphies d'Alla Sigalova, on se dit qu'un cap a été franchi, qu'il y aura un après. Des petits groupes se forment. Des nuages de fumées s'envolent entre deux commentaires. Anne Laure, 27 ans, employée de mairie, découvre un art qu'elle imaginait. C'est sa première fois à l'opéra. « Je m'attendais à quelque chose de classique, alors j'ai été assez surprise au début. Cela m'a même pris un peu de temps pour rentrer dedans. », raconte-t-elle. Accompagnée de Quentin, elle écarquille ses grands yeux bleus pour nous dire qu'elle « n'aurait jamais pensé aimer l'opéra ».
Replié au chaud près de l'espace librairie de l'institution, François, 20 ans, étudiant en lettres, était déjà venu. Il a fait le déplacement depuis les Yvelines. « C'est une amie qui m'a prévenu. Je ne connaissais pas la musique de Berlioz, explique-t-il. C'est fantastique. J'aime beaucoup les chorégraphies et la mise en scène, tous les chanteurs sont très bons.»
L'avant-première de La Damnation de Faust le samedi 5 décembre 2015 © C. Leiber / OnP
Fin de La Damnation. Sourire aux lèvres, Boris, jeune actif de 28 ans, sort bras dessus bras dessous avec son amie dans le flot de jeunes qui se dirige vers les portes. Pour lui, amateur d'opéra, « ça fait bizarre de voir autant de jeunes. C'est un public qui se comporte bien mieux, qui est plus serein et plus ouvert. » C'est sûr, les huées réservées à Alvis Hermanis, qui s’élèveront quatre jours plus tard lors de la première, semblent bien loin. Ce soir, la salle a applaudi debout, fière d'être là.
Conquis, Youssef ne l'est pas tout à fait. Avec son ami Axel, le jeune homme de 20 ans distingue volontiers les œuvres pour lesquelles il pourrait mettre le prix et les autres. « Dix euros, je les mets avec plaisir mais au-delà de 45 euros, impossible ». Dans le hall, en plein débat, Clémence, 22 ans, s'interroge : « Les avant-premières jeunes, c'est bien joli, ça fait une belle image mais au final les autres représentations restent très chères. J'y retournerai tout de même car je ne voudrais pas louper l'occasion. Surtout qu'il suffit juste de se connecter au bon moment. »
Le 9 novembre, les avant-premières de La Damnation de Faust étaient parties en quelques heures. Il fallait même s'y prendre à deux fois pour acheter sa place : le serveur du site de l'Opéra de Paris avait buggé en raison de l'affluence. Prochaine date à retenir : Le Trouvère de Verdi avec Anna Netrebko en ligne le 5 janvier. A vos agendas !
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