Rouen 2018/2019 : la Chapelle Corneille se mesure à l'Opéra
Nommé à la tête de l'Opéra de Rouen Normandie au début de la saison dernière, la programmation 2018/2019 est donc la première de Loïc Lachenal. Outre une refonte complète de l'identité visuelle (le beau rouge emprunté aux sièges cède la place à des ronds couleur bronze : reprenant les trois O de Opéra rOuen nOrmandie), la prochaine programmation reprend des marqueurs de l'institution, apporte sa nouvelle touche et déploie de manière impressionnante les activités de la Chapelle Corneille. Cette étape est également l'occasion de rappeler les grands axes de l'Opéra de Rouen reconnu "Théâtre lyrique d'intérêt national" : Les créateurs et les expressions majeurs de notre temps, Résidence d’artistes, Laboratoire de création, Participation, découverte et grandes passions collectives, Terre de rencontres et de partages.
Comme à Limoges (avec presqu'exactement la même distribution), Rouen présentera la Butterfly de Puccini dans l'univers otaku des fans occidentaux du Japon (un programme en lien avec l'événement "Triple Bill #1 Hip hop et Japon"). Comme à Compiègne, Rouen présentera Faust d’après Berlioz (avec presqu'exactement la même distribution). Comme à Angers Nantes, Toulouse, Toulon, Limoges, Mam'zelle Nitouche amènera un ton d'opérette et sa même équipe (dont Olivier Py travesti).
Par contre, si Le Comte Ory de Rossini voyageait du Comique à Versailles et Liège dans la mise en scène de Podalydès, Rouen proposera une production du Théâtre de Bienne Soleure signée (décorée et costumée par) Pierre-Emmanuel Rousseau.
Autre œuvre d'un répertoire considéré comme léger : Les Parapluies de Cherbourg, comédie musicale ou plutôt "drame en-chanté" avec chanteurs, danseurs, musiciens et vidéo en direct rendra hommage au célèbre film de Jacques Demy et surtout à la musique de Michel Legrand, non pas comme au Châtelet en 2015 dans la mise en scène de Vincent Vittoz avec Natalie Dessay et Laurent Naouri, mais en Normandie dans la direction artistique et conception du décor de Mohamed Yamani et Patrick Leterme, la mise en espace d'Emmanuel Dell’Erba et Patrick Leterme avec les interprétations de Camille Nicolas, Jasmine Roy/Marie-Catherine Baclin, Gaétan Borg, Grégory Benchenafi, Pati Helen Kent, Julie Wingens, Franck Vincent, Romina Palmeri.
Comme au TNP de Villeurbanne, Rouen présentera le Journal d’un disparu de Janáček mis en scène par Ivo Van Hove avec une distribution pour moitié renouvelée.
Comme de tradition et comme nulle part ailleurs (mais menant cette formidable initiative avec le Bregenz Festival et le Théâtre des Champs-Élysées), Rouen propose un nouvel opéra participatif. Excellent choix a priori pour cette saison (après le Barbier de l'année dernière aux extraits trop difficiles pour les têtes blondes), tout le monde pourra chanter avec Carmen l’étoile du cirque (Éléonore Pancrazi), Don José le gardien du cirque (Samy Camps), Escamillo l’homme de fer (Jean-Kristof Bouton), Micaela l’assistante du lanceur de couteaux (Hélène Carpentier), Mercedes la trapéziste Marie Kalinine, Le Dancaïre lanceur de couteaux (Mathieu Dubroca), Remendado le fakir (David Tricou), Zuniga le propriétaire du cirque (Bruno Bayeux) et des acrobates. Une version concentrée en 1h10 dans la mise en scène d'Andrea Bernard et sous la direction d'Alexandra Cravero. Un second programme participatif sera proposé : "Jeux de guerre, jeux de vilain - Un oratorio pacifiste" avec des chansons sur la Première Guerre Mondiale (pour le centenaire en novembre 2018) par la Maîtrise du Conservatoire et les Ateliers Chœur de foule.
Enfin (concernant le programme de l'Opéra), Eugène Onéguine de Tchaïkovski sera proposé dans la mise en scène de Marie-Eve Signeyrole "d’après une production originale de l’Orchestre National de Montpellier" (et dont nous avons rendu compte lors de son précédent passage à Limoges).
Également à noter dans la programmation de l'Opéra : David Bobée mettra en scène Louées soient-elles, hommage aux femmes fortes, indépendantes, guerrières, passionnées compilées dans les opéras, oratorios et cantates de Haendel, interprétées par la Soprano Yun Jung Choi, la mezzo-soprano Aude Extrémo, l'acrobate Elise Bjerkelund et la "reine Performeuse" Rébecca Chaillon.
An Index of Metals de Fausto Romitelli (avec la soprano Marielou Jacquard) précédera Nahasdzáán ou le monde scintillant (oratorio chorégraphique de Thierry Pécou en création mondiale), un programme Ravel–Moussorgski avec Véronique Gens et Jamie Phillips est à mentionner aussi, comme les programmes symphoniques, un Concert et dessin animé, de la Pop symphonique avec ABBA, des formes allant de la musique de chambre à la Neuvième Symphonie de Beethoven, des œuvres religieuses (Requiem de Mozart par les résident accentus et Laurence Equilbey ainsi qu'un concert vidéo Haydn, Les 7 dernières paroles du Christ en croix), sans oublier Notes gourmandes, Musique et doudou et le Big Bang Festival.
Mais une impressionnante partie de la programmation prendra ses quartiers dans la Chapelle Corneille, ce bâtiment d'exception intimement lié au légendaire auteur français, fraîchement restauré, dont nous avons eu l'occasion de vous parler et qui revient pleinement dans le giron de l'Opéra Normand avec une programmation foisonnante, d'une rare densité (en dates et en talents). Thomas Dunford viendra avec son nouvel Ensemble Jupiter et la mezzo-soprano Lea Desandre dans un programme Vivaldi. Ce sera Beethoven, Une symphonie sinon rien pour la mezzo Juliette Raffin-Gay.
Le Poème Harmonique de Vincent Dumestre (qui jouera aussi de la guitare) offrira Danza ! avec la mezzo-soprano Anna Reinhold. Keren Ann (guitare et chant également) & Quatuor Debussy. Décidément dans le thème du multi-instrumentisme, le baryton-basse Philippe Sly jouera même de la vièle à roue pour Un Voyage d’hiver mis en scène par Roy Rallo. Autre baryton-basse avec lequel il a partagé l'affiche, Nahuel Di Pierro (et l'Ensemble Diderot) donnera Bach family and friends. Enguerrand de Hys & le Trio Ayonis proposeront Aimer à perdre la raison, Karine Deshayes et Les Nouveaux Caractères de Sébastien d’Hérin Il Trionfo.
La Musique pour le temps de l’avent avec la soprano Anne-Cécile Laurent mènera au Noël baroque avec Les Musiciens de Saint-Julien, les flûtes traversière et à bec, la musette de François Lazarevitch ainsi que la Maîtrise Guillaume le Conquérant, résonant avec Per la notte di Natale (le B’Rock Orchestra et la soprano Giulia Semenzato puis la mezzo José Maria Lo Monaco pour Sentimenti) avant Lumière à la Chandeleur par la soprano Jenny Daviet.
Le Stabat Mater sera porté avec Les Talens Lyriques de Christophe Rousset, la soprano Sandrine Piau et le contreténor Christopher Lowrey. Une tessiture fort bien représentée, avec également la vedette Franco Fagioli, et l'étoile montante Jakub Józef Orliński. Les King's Singers offriront à la Chapelle l'une des étapes de leur tournée anniversaire (chroniquée à Gaveau).
Berceuses aux enfants de Médée sera l'occasion pour Eva Zaïcik de montrer ses talents de tragédienne et de les élargir du baroque vers le romantisme. Autre artiste ayant remporté un prix prestigieux, la soprano Hélène Carpentier sera entourée de la mezzo Eléonore Pancrazi du ténor Artavazd Sargsyan et d'accentus pour un programme À la lumière (Saint-Saëns, Hahn et Grandval).
Le Poème Harmonique de Vincent Dumestre parcourra Aux cours du monde (notamment la route de la soie avec Lully, Tessier et Moulinié et la soprano Claire Lefilliâtre, le ténor Serge Goubioud, la basse Geoffroy Buffière).
Les résidents accentus chanteront Bach et Purcell, Liberté : J’écris ton nom pour le centenaire de la paix (bien que ce titre renvoie à la Seconde Guerre Mondiale avec le poème de Paul Eluard parachuté sur la France occupé et mis en musique par Poulenc).
Le chant ouvrira ses frontières, vers celui de Rokia Traoré avec Mamadyba Camara à la Kora, le Chant dhrupad d'Uday Bhawalkar, le chant arabe de Ghalia Benali, le chant au N’goni d'Abou Diarra, le Fado de Katia Guerreiro, la voix d'oiseleuse de Rosemary Standley, mais également le mariage voix, banjo, mandoline, cuillères, guitare d'Harrison Kennedy.