"Le Chant de la Terre", prochain album de Jonas Kaufmann
Attendue par beaucoup, la sortie du prochain album Das Lied von der Erde suit de près la Dolce Vita pleine de tubes rassemblés par le ténor (lire notre compte-rendu de l'album en cliquant sur ce lien). Mais cette fois-ci, Jonas Kaufmann mène ses auditeurs sous des cieux musicaux bien plus graves et mélancoliques. La star lyrique enregistre avec le Wiener Philharmoniker sous la direction de Jonathan Nott, reprenant ainsi les mêmes musiciens avec lesquels il avait chanté l’œuvre au Théâtre des Champs-Elysées, en juin 2016. Dans ce nouvel enregistrement, il semblerait que Jonas Kaufmann choisisse à nouveau de s'approprier les deux voix de cette vaste symphonie écrite pour ténor, alto, et grand orchestre. Si le chanteur s'est fait remarquer pour sa finesse vocale dans les précédentes prestations de l’œuvre, la démarche n'en demeure pas moins ambitieuse et risquée.
Il n'empêche que les aigus concentrés ainsi que la nuance voilée de sa voix s'accordent parfaitement aux harmonies luxuriantes et aux glissandi mélancoliques de la partition mahlerienne. Pour cet opus, le compositeur s'est inspiré de poèmes chinois rassemblés dans le recueil La Flûte Chinoise de Hans Bethge. Gustav Mahler traverse alors une période difficile de sa vie : sa fille vient de mourir, il apprend qu'il souffre d'une faiblesse cardiaque et est contraint à démissionner de son poste de directeur de l'Opéra de la Cour de Vienne. Ces circonstances lui inspirent la composition du Chant de la terre qui rappelle la vanité de la vie qui passe et flétrit, chose que le compositeur semble pressentir puisqu'il meurt quatre ans plus tard. Après l'arrêt vocal et la période difficile traversée par Jonas Kaufmann, c'est donc une œuvre profonde et grave qu'il nous offrira d'entendre dès les premiers mois du Printemps. Pour patienter, nous vous proposons l'une des versions de référence, interprétée par Kaufmann en mai 2011 à la Philharmonie de Berlin sous la direction de Claudio Abbado. Voici le premier Lied de l'œuvre, Das Trinklied vom Jammer der Erde (Chant à boire de la douleur de la terre) :
Bien que s'ouvrant sur une fanfare retentissante, le premier des six Lieder de cette symphonie lyrique alterne entre l'amertume devant le caractère éphémère de la vie et l'exaltation de celui qui contemple le Printemps en fleur. Une nuance aigre-douce émane de ce mouvement porté par les aigus déchirants du ténor, laissant déjà résonner l'approche de la mort : "Dunkel ist das Leben, ist der Tod" (Sombre est la vie, sombre est la mort). Plus léger est le troisième mouvement, "Von der Jugend" (De la jeunesse) qui dépeint les paysages colorés et pleins de vie de la Chine :
En dialogue avec les flûtes aux accents pentatoniques, Jonas Kaufmann colore ce scherzo (petite pièce divertissante) d'une voix sautillante aux détachements et maintiens parfaits. Cet épisode joyeux, suivi de deux autres, offre un éclat léger avant le tragique Adieu final.
L'habitué des enregistrements fait donc une pause dans ses séries d'albums thématiques, dont les précédents étaient soit tournés vers le répertoire italien avec Nessun dorma en 2015 rassemblant des airs pucciniens, et Arias véristes en 2010, soit vers le répertoire allemand avec Nostalgie germanique en 2009 ou romantique dans Arias romantiques en 2007. Nous pourrions peut-être nous attendre à un prochain album consacré au répertoire français dont le ténor ne nous a pour l'instant donné que quelques pépites de Bizet, Massenet et Gounod dans l'album des Arias romantiques et bien sûr une prestation inoubliable dans le rôle-titre de Werther à l'Opéra de Paris en 2010.
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