Catherine Trottmann avant les Victoires de la Musique Classique : « Transmettre le bonheur que j'ai à chanter »
Catherine Trottmann, votre année 2017 commence très bien, avec une nomination parmi les Révélations Artiste Lyrique aux Victoires de la Musique Classique. Où étiez-vous quand on vous a annoncé la nouvelle ?
J'étais chez moi, je m'apprêtais à partir à un concert, non pas pour être sur scène mais pour tourner les pages d'un ami [rires].
Quelle a été votre première réaction ?
J'ai eu très peur, de ne pas être à la hauteur. Je me suis demandée si c'était justifié, si j'allais être convaincante. C'est le syndrome de l'imposteur dont souffrent de nombreux artistes.
Que vous apporte cette nomination aux Victoires ?
Ce travail pour les Victoires m'a fait beaucoup de bien pour accepter ma place, m'assumer, remplir mon rôle. J'ai toujours eu un gros problème de légitimité et ce genre de moments permet de dépasser ces peurs.
Comment vous préparez-vous à cet événement du 1er février ?
Pour le moment je relis du répertoire et je fais des propositions pour trouver le morceau le plus adapté, je prends des cours de chant et j'essaie de trouver le calme intérieur pour aborder cet événement avec sérénité.
Avez-vous déjà écrit un discours au cas où vous gagneriez ?
Je n'ai pas écrit de discours [rires] et je pense que je n'en écrirai pas mais j'ai quelques idées. Je sais en tous cas qui je vais remercier.
Quel message avez-vous envie de transmettre au public qui vous découvre et qui pourrait voter pour vous ?
J’aimerais surtout le remercier. Le partage avec le public est une chose essentielle dans ce métier. Sans eux, nous ne serions tout simplement pas là.
Catherine Trottmann en Zerlina (2012) (© DR)
Connaissez-vous et pouvez-vous nous dire quelques mots sur les autres révélations Lyriques 2017 : Raquel Camarinha et Lea Desandre ?
Je connais Raquel du Conservatoire où nous avons étudié en même temps. En revanche je n’avais croisé Lea qu’une fois à un concert mais nous avons beaucoup d'amis communs. Ce sont toutes deux de très belles artistes, avec des qualités humaines, et j'ai beaucoup d'admiration pour elles.
Connaissez-vous certains artistes nommés dans d’autres catégories ?
Oui, je connais la plupart d’entre eux. J’ai chanté avec le pianiste Guillaume Bellom lors d’un concert au festival des Arcs l’été dernier. Enfant, j'ai étudié au Conservatoire de Dijon comme Adélaïde Ferrière (marimba), j’ai même eu sa mère comme professeur ! J'étais contente de la retrouver parmi les révélations. J'avais déjà pu applaudir le claveciniste Justin Taylor en concert. Adam Laloum est un artiste que j'admire énormément. Il joue trois notes au piano et me tire les larmes. J'ai chanté avec lui il y a quelques années une adaptation des Lieder de Brahms, écrits à l’origine pour piano, alto et mezzo et que nous avons joués avec le clarinettiste Raphaël Sévère. Patricia Petibon est une de mes idoles depuis que j'ai commencé le chant. J'adore l’investissement scénique de Stéphanie d'Oustrac. Marianne Crebassa est de la génération qui m'est la plus proche. J'ai beaucoup écouté son disque Oh Boy ! que j'ai trouvé tout simplement parfait.
Est-ce que vous regardez vous-même en spectatrice les cérémonies de ce genre ?
Oui, d’abord parce que j'ai toujours des amis qui chantent. Mais déjà enfant je me souviens que je téléphonais pour voter pour les révélations le soir de la cérémonie.
D'une manière générale, est-ce que vous avez le temps de vous intéresser à l'actualité lyrique ?
Évidemment, je vais aux spectacles dès que possible, cela m'intéresse beaucoup et me nourrit artistiquement. Certaines productions m'ont particulièrement marquée. Récemment, j'ai été bouleversée par les Dialogue des Carmélites de Poulenc par Olivier Py au Théâtre des Champs-Élysées, avec des chanteuses françaises que j’admire profondément : Patricia Petibon, Véronique Gens, Sandrine Piau ou encore Sophie Koch. J'ai été récemment à Bastille voir Cavalleria Rusticana et Sancta Susanna [notre compte-rendu est à retrouver ici]. J'ai le souvenir d'une expérience incroyable à Vienne concernant Garanca : elle chantait sur scène le rôle d’Octavian (Le Chevalier à la rose de Strauss) j'étais en coulisse, et son aura rayonnait au point que je pouvais la sentir à plusieurs mètres d’elle, c’était fascinant !
À partir du 3 mars, vous chanterez le rôle principal dans Tistou et les pouces verts d'Henri Sauguet, un opéra participatif à l'Opéra de Rouen et très différent de ce que vous avez déjà chanté. Pourriez-vous nous parler de cette œuvre ?
Il s’agit d’un opéra pour enfants avec la participation d’enfants. C’est un rôle que j’aborde différemment parce que j'ai beaucoup de texte parlé, ce qui est inhabituel pour moi. Je suis très curieuse et enthousiaste de voir ce que cela va donner. Les répétitions commencent le 7 février. Je travaille seule pour le moment et ma préparation se passe bien, mais je n’ai aucune idée de quel sera le résultat final !
En avril, vous allez reprendre le rôle de Tisbé dans La Cenerentola de Rossini mise en scène par Sandrine Anglade à Limoges. Comment aborde-t-on un tel rôle de composition : celui d'une enfant gâtée et vaniteuse qui méprise Cendrillon ?
Ce n'est pas facile ! C'est sans doute ce rôle qui m'a donnée le plus de mal. D'abord, il ne faut pas du tout se prendre au sérieux. Ces personnages ont une dimension ridicule qui exige de laisser tomber sa fierté. J'avoue que la méchanceté brute n'est pas dans ma nature, et heureusement. La première fois que j’ai chanté ce rôle, je dois dire que j'étais très malheureuse. Le soir en rentrant je pleurais au téléphone, je n'aimais pas ce personnage et je me demandais comment le rendre crédible. Mais vient un moment où on se prend au jeu, on réalise qu'il y a une distanciation et quelque part, ces personnages sont drôles et puis ils mettent en valeur la petite Cendrillon !
On vous a déjà entendue dans plusieurs rôles mozartiens : Ramiro dans La Fausse Jardinière, Chérubin dans Les Noces de Figaro. En juin, vous allez prendre le rôle de Zerlina dans Don Giovanni à l'Opéra de Lausanne. Comment considérez-vous ce personnage ?
Je suis ravie de prendre ce rôle, je l'adore. J'ai énormément d'affection pour Zerlina. Elle est très naturelle, c'est une fille du peuple, elle est forte et sans filtre. Elle a un sacré caractère et une grande soif de vivre : il faut la voir avec Masetto, elle sait ce qu’elle veut et elle le mène par le bout du nez. Je suis d'autant plus contente d'avoir enfin l'occasion de l’interpréter que j'avais dû refuser ce rôle deux fois pour des raisons d'agenda.
Quelle image voulez-vous donner de Zerlina lorsque vous l'incarnerez ?
Je vais me laisser guider par la mise en scène, mais j'ai aussi envie de montrer la force dans sa jeunesse.
Catherine Trottmann (© DR)
Revenons sur votre parcours : vous avez commencé à étudier la flûte traversière dès six ans. Qu'est-ce qui vous a donné envie de vous consacrer au chant ?
Le chant a toujours été dans ma vie, je m'exprimais en chantant dans la vie quotidienne. Pour mes parents, il était évident que je devais en faire quelque chose mais je n'étais pas spécialement attirée par l'opéra que je ne connaissais pas si bien que cela, la voix lyrique n’étant pas forcément naturelle pour un enfant. J'avais des cours de solfège au conservatoire à Dijon, j'étais en Classe à Horaires Aménagés Musique et en m'entendant, mes professeurs m'ont eux aussi invitée à travailler ma voix. À 14 ans et demi j'ai donc tenté l'entrée dans la classe de chant à Dijon, j'ai poussé cette porte avec curiosité, sans trop savoir à quoi m'attendre, voire même si cela me plairait. Mais le chant s'est tellement ancré que je ne pouvais plus m'en séparer et tout est allé très vite.
Trop vite ?
Pas trop vite, mais il est vrai que je suis très rapidement passée vers une orientation professionnelle, dès 15 ans je voulais devenir chanteuse, je me renseignais. Au commencement de mes études, on me disait d'attendre d'être en troisième cycle, sauf que je suis passée au deuxième cycle en un an, puis au troisième cycle à nouveau en un an ! L'étape d'après était le Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris. Je n’avais aucune idée du niveau requis mais en regardant leurs cursus sur internet, je voyais 1er, 2ème et 3ème cycles, donc je me suis dit naïvement que c'était abordable [alors qu'il s'agit de cycles nationaux supérieurs, bien plus avancés que les cycles de conservatoires régionaux, ndlr]. J'y suis allée simplement avec mon bonheur de chanter et cela s'est très bien passé.
À partir de quand la tessiture de mezzo-soprano s'est-elle précisée pour vous ?
Immédiatement, dès la première année de chant. Ça a toujours été une évidence. Les gens se posent souvent la question vu ma voix de mezzo aigu, un peu entre-deux, mais pour moi le répertoire a toujours été assez clair.
Durant votre formation, quel est le professeur qui vous a le plus marquée ?
Mes trois professeurs de chant : Roselyne Allouche, Glenn Chambers et ma professeure actuelle Elène Golgevit qui est particulièrement importante pour moi dans cette aventure des Victoires. Elle me soutient, me conseille pour le répertoire, et elle était là le soir du concert des Révélations [diffusé sur France Musique le 12 janvier dernier]. J'ai également plusieurs pianistes coachs, des chefs de chant avec lesquels je travaille.
Quels ont été les conseils les plus importants dans votre apprentissage du chant ?
D'accepter d'être moi-même. Nous avons tous des fantasmes de ce qu'on a entendu et qu'on veut reproduire. Il y avait donc tout un travail psychologique à mener, me permettant d'accepter mon timbre, de ne pas trafiquer. Elle m'a aidée à épurer ma technique et je lui en suis très reconnaissante. Je suivais inconsciemment des voix que j'admirais : j'adore les voix graves, sombres, larges. J'aurais rêvé d'être Dalila ! Mais Elène m’a aidée à accepter d'être l'artiste que je peux et dois être.
Avez-vous des modèles de mezzo ?
J'ai une affection énorme pour Joyce DiDonato [retrouvez ici notre compte-rendu de son récent récital à Garnier] notamment pour sa personnalité artistique, tellement généreuse et vraie : elle me fait un bien fou. J'adore le timbre de Garanca, la personnalité scénique de Stéphanie d'Oustrac, la sensibilité de Kožená, il y en a tellement, c'est difficile de faire un choix !
Quelle est la chose la plus importante que vous ayez apprise concernant votre technique de chant durant votre formation dans la troupe de l'Opéra d'État de Vienne ?
Le fait que chanter sur une scène aussi immense exige de projeter encore plus le son. Cela permet de gagner en puissance et en résonance. La difficulté à Vienne tient à l'acoustique mais encore davantage au fait qu'il n'y a pas de fosse, l'orchestre est au niveau de la scène, il faut donc donner d'autant plus. Toutes les voix sonnent petites là-bas, il faut donc rester ce que l'on est.
Quel souvenir gardez-vous de cet épisode viennois ?
D'avoir passé toutes mes soirées à l'opéra, dans ma loge [les artistes de la troupe ont leur loge à Vienne]. J'ai été très bien reçue par le directeur Dominique Meyer qui est d'ailleurs français [il quittera prochainement ses fonctions : retrouvez ici notre article]. C'est aussi une expérience qui m'a beaucoup fait grandir. J'avais 21 ans, j'y étais seule et je me suis énormément réfugiée dans le travail. Cette expérience était nécessaire pour moi et m'a permis de clarifier ce que je veux faire artistiquement et pour la vie.
L'opéra est un art total, art de la voix mais aussi du théâtre, comment travaillez-vous votre jeu d'actrice ?
J'ai évidemment pris des cours de théâtre au conservatoire, mais j'apprends surtout dans le travail avec les metteurs en scène. Je développe ainsi ma personnalité dramatique, c'est absolument fondamental, c'est la moitié de ce métier et probablement la moitié que j'aime le plus. Chacun de mes engagements avec des metteurs en scène m'a appris quelque chose. Il y a toujours un temps d'adaptation dans le travail mais j'adore apprendre de chaque expérience, qu’elle soit facile à vivre ou non sur le moment.
Catherine Trottmann (© DR)
Vous êtes montée très tôt sur scène, quel souvenir avez-vous de votre première fois ?
C'était pour L'Enfant et les Sortilèges de Ravel. Je n'ai pas de souvenir de la représentation en elle-même. Je me souviens d'un état d'excitation générale, d'avoir vécu une autre vie pendant une heure et d'en être ressortie pleine d'endorphines. J’étais incapable de dormir après cela, et j'avais un sourire impossible à décoller.
Quelle est votre plus belle expérience lyrique pour l'instant ?
Hänsel et Gretel (Humperdinck), j'espère chanter à nouveau cet opéra.
Catherine Trottmann et Leonie Renaud - Hänsel et Gretel, duo "Prière du soir " (Abendsegen), Metz, 2014
Quel est le rôle dans lequel vous vous êtes sentie la plus à l'aise vocalement et scéniquement ?
Dans l'ensemble, j'ai chanté des rôles écrits assez exactement pour ma voix. Mais je pense qu'Hänsel avait une palette qui correspondait bien à ce que je peux faire. Sauf qu'il n'y a pas beaucoup de vocalises et c'est une partie que je développe actuellement. Scéniquement, je n'ai pas eu de préférence, mes expériences ont été très différentes (rôles d'homme, de femme, de jeune, âgé). C'est drôle à dire mais dans les rôles travestis, je me sens assez proche de ma vraie personnalité, cela demande un grand naturel, sans artifices, sans séduction, c'est l'état brut de la jeunesse.
Un artiste porte en lui tous les moments forts qu'il vit sur scène.
Quel est celui qui a été le plus difficile ?
Sur scène, je ne me suis jamais sentie en difficulté car j'ai toujours été prudente dans mes choix de répertoire : j'accepte les rôles que je peux faire, avec mes moyens vocaux actuels. Évidemment, il y a ensuite du travail pour rendre le rôle fluide.
Un rôle qui m'a énormément marquée était Das Stubenmädchen dans l'opéra La Ronde de Boesmans. Le livret est très fort, sensuel, brutal. J'avais une scène particulièrement forte à jouer où mon personnage se fait violer par un soldat dans un parc public puis abandonner sur place. C'était une production du Conservatoire de Paris, et c'est donc devant mes camarades, collègues, amis, que j'ai dû me mettre ainsi à nu (dans tous les sens du terme) et me montrer dans la plus totale vulnérabilité. J'en garde un souvenir très marqué, c'est le genre d'expérience artistique dont on ne se remet jamais totalement, et tant mieux, je crois qu'un artiste porte en lui tous les moments forts qu'il vit sur scène.
Catherine Trottmann - La Ronde de Boesmans / Scène 2, CNSMDP en février 2013 ; mise en scène: Marguerite Borie
Vous avez été nommée Révélation lyrique de l'ADAMI (Administration des Droits des Artistes et Musiciens Interprètes) en 2015. Que pensez-vous de la situation des chanteurs d'aujourd'hui ?
Pas la plus facile, parce que nous sommes de plus en plus nombreux. Cette concurrence met une ambiance incompatible avec l'art. J'aime collaborer dans la sérénité et se retrouver à 10 pour auditionner sur un même rôle rend les choses difficiles. En tant que chanteurs français aussi, nous n'avons pas la meilleure réputation, c'est donc délicat à l'étranger comme dans notre pays.
Est-il difficile de se faire connaître en tant que jeune chanteuse ?
Mon ancien professeur, Glenn Chambers, me disait d’aller me faire entendre le plus possible pour semer de petites graines de Catherine Trottmann partout. De fait, je me déplace beaucoup, je prends énormément le train, l'avion, je participe à beaucoup d'auditions, afin qu'un maximum de gens m'entendent, qu'ils connaissent mon nom, même si ça n’est pas pour m’engager immédiatement, et ça a souvent payé.
Si j'ai pu transmettre le bonheur que j'ai à chanter, mon travail est accompli et je suis comblée.
Le grand public a eu l'occasion de vous découvrir lors du Concert des étoiles en hommage à Pavarotti diffusé le 9 septembre dernier sur France 3. Comment avez-vous été contactée pour cette participation ? Qu'en avez-vous retiré ?
J'avais fait un concert très peu de temps auparavant à Lyon avec la soprano Norma Nahoun et qui était invitée pour cette émission. On lui avait demandé le nom d'une mezzo pour chanter le duo Norma-Adalgisa et elle m'avait très gentiment recommandée. Comme je venais, on m'a aussi proposé de chanter Rosine. Hélas pour elle, Norma n'a pas pu chanter pour raisons de santé, le duo a donc été annulé mais j'ai tout de même pu chanter mon air. C'était donc un concours de circonstances.
Je suis repartie avec des étoiles plein les yeux. La télévision a tout de même un côté magique. La caméra est comme un public mais très proche, cela induit un autre rapport et nous met très en valeur. J'ai reçu beaucoup de commentaires, des messages de fans, même des lettres (ou plutôt des mails) d'amour [rires]. C'est touchant de recevoir des témoignages de gens qu'on a pu rendre heureux un instant. Si j'ai pu transmettre le bonheur que j'ai à chanter, mon travail est accompli et je suis comblée.
"Una voce poco fa", air du Barbier de Séville de Rossini (Extrait de l'émission "Pavarotti, le concert des étoiles")
Comment choisissez-vous vos projets musicaux ?
Je veux chanter des rôles qui enrichissent ma personnalité artistique et humaine. Je veux ressortir grandie de chaque expérience scénique. J'aime la scène, j'y suis profondément heureuse, c'est pour cela que je fais ce métier. Je veux vivre sereinement cette passion. Évidemment, beaucoup de salles, d'opéras et d'artistes mythiques me font rêver, mais même si je ne coche pas toutes ces cases, je serais heureuse d'avoir réussi à faire ce métier avec bonheur.
Évidemment, il faut être honnête, en tant que jeune chanteur, on ne choisit pas complètement ses projets. Je ne pourrais pas dire "j'en ai assez de chanter ce rôle". Je choisis les rôles qui me correspondent stylistiquement et vocalement. Peu importe que ce ne soit pas dans l'opéra le plus prestigieux, c'est la musique qui m'importe.
Comment préparez-vous un programme ?
Je travaille d'abord beaucoup toute seule. Je lis le texte en entier pour prendre vraiment la tonalité du personnage. J'ai la chance d'apprendre très vite la musique, en revanche l’apprentissage par cœur me prend beaucoup de temps. J'écoute aussi de nombreuses versions. Je sais que beaucoup de collègues ne le font pas, pour ne pas être influencés, mais personnellement, je trouve que cela nourrit ma propre interprétation.
Quels sont vos prochains projets ?
L'année prochaine, ce sont des rôles travestis, le cœur de mon répertoire actuel. Je ferai mes débuts dans le rôle de Chérubin, puisque je n'ai fait que le doubler jusqu'à présent, puis dans Stephano (Roméo et Juliette de Gounod) et Siebel (Faust de Gounod). J'ai également un projet au TCE dans deux saisons : Flora dans Traviata avec Vanina Santoni [retrouvez son interview, dans laquelle la chanteuse nous annonçait cette production]. C'est le rôle de mes premiers pas au Wiener Staatsoper, une expérience un peu stressante car l'opéra de Vienne donne 300 représentations par an, c'était donc sans répétition sur scène, ni avec l’orchestre.
Catherine Trottmann dans le rôle de Flora, La Traviata 2015 Wienner Staatsoper (© DR)
Quels sont vos projets à plus long terme ?
Chanter beaucoup de Mozart et de musique française. C'est ce dans quoi je me sens la plus convaincante. À plus long terme, j'espère chanter des rôles comme Charlotte dans Werther de Massenet. J'aimerais aussi aborder certains rôles Straussiens, comme Der Komponist dans Ariane à Naxos. Je travaille déjà des extraits de ces rôles, à petites doses mais il faut se les mettre dans le corps tranquillement en s’y prenant longtemps à l'avance.
Auriez-vous un chanteur ou une chanteuse avec lesquels vous rêveriez chanter ?
Plein ! Beaucoup de mezzos (ce qui a malheureusement peu de chances d’arriver). Mais dans toutes les tessitures y en aurait tellement, je ne peux pas en nommer certains sans les citer tous alors je préfère m’abstenir !
Avec quels metteurs en scène rêvez-vous collaborer à l'avenir ?
J'adorerais travailler avec Olivier Py, Warlikowski, Sivadier, Laurent Pelly, Katie Mitchell et bien d’autres.
Sur un plan peut-être plus personnel, à quoi ressemble une journée de chanteuse ?
Elles sont très différentes. Nous avons beaucoup de choses non artistiques à gérer malheureusement. Ce n'est pas du tout la routine du chant, il y a un million de mails auxquels il faut répondre. Je prends chaque jour un temps d'échauffements corporels, vocaux, et de travail du répertoire. Je passe beaucoup de temps à la table pour préparer mes rôles, notamment en ce moment car j'enchaîne les productions dans les cinq prochains mois. Les journées commencent rarement très tôt le matin mais elles finissent souvent bien tard.
Que ressentez-vous avant de monter sur scène ?
L'adrénaline, la peur parfois mais surtout beaucoup d'excitation. J'ai aussi mes petits rituels mais... chut.
Que faites-vous immédiatement après un concert ?
Je dîne ou bois un verre avec mes amis et collègues, et je ris beaucoup !
Est-ce que vous avez tendance à vous repasser le film du concert dans votre tête, voire à écouter ou revoir des enregistrements ?
Pas juste après. J’essaye de tourner la page : nous ne sommes pas objectifs. Pareil pour les enregistrements : si je les écoute trop rapidement je me déteste, mais je peux y trouver de bonnes choses plusieurs mois après. C'est mon côté perfectionniste.
Hormis le classique, écoutez-vous d'autres musiques ?
Oui ! chez moi je n'écoute presque que cela. J'adore Radiohead, RY X, The Do, Jeanne Added, Amy Winehouse. Je vais aussi beaucoup à des concerts.
Avez-vous le temps d'avoir une vie culturelle (cinéma, théâtre, lecture) ?
Je vais beaucoup au cinéma, c'est un monde qui me fascine. Si je n'avais pas fait de chant, j'aurais aimé y tenter ma chance. Je ne cherche pas spécialement de projets mais je vois avec plaisir des chanteuses jouer dans des films (comme Julie Fuchs dans Requiem pour une tueuse !). Je profite aussi de ma carte de la Cité des Arts qui me permet d'aller gratuitement aux musées C'est important de situer les œuvres dans un contexte artistique général, et pas seulement musical.
Est-ce que la musique suffit à votre équilibre ou bien avez-vous une passion ?
Je n'ai pas d'autre passion que la musique, mais j'adore lire, parfois des romans fantastiques en 18 tomes qui peuvent m'emmener jusqu'au bout de la nuit ! J'ai aussi besoin de passer du temps dans ma belle Bourgogne, en famille : j'y retourne dès que je peux, c'est là que je me ressource. Ces moments privilégiés sont moins fréquents pendant les productions mais je saute sur la moindre occasion d’y aller.
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