In memoriam Renée Doria
Le 13 février dernier, j’ai eu le privilège de déjeuner en petit comité avec Renée Doria qui fêtait ses 100 ans dans sa maison de Seine-et-Marne. Elle rayonnait de bonheur au milieu des brassées de fleurs et des innombrables messages de félicitations reçus de connaissances et d’amis, mais aussi d’anonymes qui pour la plupart ne l’avaient pas vue et entendue à la scène. Les nombreux disques qu’elle a gravés lui conservent des admirateurs fidèles, sensibles à sa voix et sa personnalité. De 1942, date de ses débuts à l’Opéra de Marseille en Rosine du Barbier jusqu’au début des années 80 où elle mit un terme volontaire à sa carrière, elle n’a guère cessé de se produire sur les principales scènes lyriques françaises. Heureux temps où tant à Paris que dans les opéras de province, jusqu’à quatre ouvrages différents se trouvaient affichés sur le week-end et pratiquement un par soir en semaine.
Le travail ne manquait pas même si les conditions demeuraient difficiles. L’artiste apportait ses propres costumes, se maquillait soi-même et entrait en scène au terme d’une seule répétition souvent partielle. Renée Doria a connu cette période, pouvant chanter deux à trois fois de suite s’il le fallait des rôles différents. Elle a connu ensuite une période où déjà la politique artistique des théâtres se modifiait en profondeur avec la disparition des troupes, la place plus affirmée laissée au metteur en scène, au directeur musical, avec des temps de répétitions démultipliés.
Sans regret, elle s’intéressait toujours à l’actualité, au monde actuel. Depuis sa retraite, Renée Doria regardait avec assiduité les retransmissions lyriques à la télévision et se cabrait souvent devant la mise en scène des ouvrages. Mais elle appréciait aussi certains chanteurs entendus, même si l’esthétique qui fut la sienne semblait à ses yeux s’être évanouie avec le temps. Renée Doria fut à la scène Gilda, Lakmé, Leïla des Pécheurs de perles, Philine, Sophie du Chevalier à la rose, Ophélie, Manon, Lucia,... 70 rôles en tout. Sa Thaïs gravée au disque avec Robert Massard demeure une référence, tout comme Sapho de Massenet enregistrée en première mondiale. Belle mélodiste, elle se produisit aussi très régulièrement à la radio. La firme Malibran Music a réédité la plupart des enregistrements de la cantatrice.
Pour l’écouter, il suffit de rester sur Olyrix qui lui consacre un dossier phonographique édifiant.