Les Chantres du CMBV : une formation professionnelle au service des vocations
La Maîtrise du Centre de musique baroque de Versailles (CMBV) recrute chaque année sur concours ses Chantres (chanteurs de 18 à 30 ans, français et étrangers) pour intégrer le cursus de formation professionnelle supérieure de chant baroque (temps plein avec statut étudiant), reconnu comme référence mondiale, associant cours théoriques et pratiques, master-classes et mises en situations professionnelles.
Formation complète
Le cursus concentré sur deux années se veut en effet complet, aussi bien dans son contenu, son fonctionnement que ses perspectives, comme nous le détaille Denis Skrobala, Administrateur de la Maîtrise du CMBV depuis 2002 : "Le succès du cursus tient à l'équilibre entre formation théorique et pratique, entre spécialisation et professionnalisation. La formation se décline dans toutes les disciplines musicales (chant soliste et chœur, interprétation, solfège chanteur, musique de chambre vocale, ornementation, déclamation française, latine, italienne, allemande, danse et gestuelle, basse continue, direction de chœur, etc.) et nos étudiants mettent en pratique ces compétences sur la scène, immédiatement et tout au long de leur formation via les Jeudis musicaux et les productions, avec nos enseignants, ainsi que des chefs invités et au sein des ensembles professionnels."
Le cursus apporte ainsi cette formation complète, en termes de compétences musicales, "mais aussi pour l'intelligence sensitive, sensible et relationnelle : une grande responsabilité dans le sens du collectif. La formation comprend en effet à parts égales des cours individuels (avec son travail technique poussé) et des cours en collectif permettant l'épanouissement de nos étudiants comme artistes et membres d'un groupe. Les Chantres du CMBV constituent un chœur école formant nos jeunes à développer leur capacité de travail en commun, dans un esprit de troupe qui est très précieux pour s'intégrer dans d'autres ensembles professionnels."
"La formation a tout de suite pris sur moi, témoigne et confirme l'ancien chantre Antonin Rondepierre. J'ai été emporté par la richesse de ces rapports humains, la disponibilité des professeurs pour travailler très régulièrement en cours individuel et les mises en communs rythmées par chaque concert. C'est un cercle vertueux : plus on travaille, plus on approfondit notre art avec toute l'équipe pédagogique, et plus on chante. Ce sont des années formidables où j'ai appris mon métier. Il y a eu un avant et un après : en entrant j'étais un jeune, content de chanter, en sortant j'étais un artiste formé." Des propos qui résonnent avec ceux de l'ancienne chantre Eugénie Lefebvre pour qui la précision et la richesse de cette formation a également eu des conséquences très concrètes et précieuses en termes de connaissances et de pratiques : "En arrivant, j'avais un peu l'impression qu'il y avait UNE musique baroque. En sortant, j'avais travaillé, répété, et interprété en concerts LES musiques baroques dans toutes leurs richesses : bien entendu le grand style baroque français du XVIIe siècle dont le Centre et son Directeur pédagogique et musical-chef de chœur Olivier Schneebeli sont spécialistes, mais aussi de manière riche et approfondie le baroque français du XVIIIe, ainsi qu'avec les chefs de chant, la musique italienne, anglaise ou allemande. J'en suis sortie munie d'une boîte à outils pour m'adapter aux esthétiques particulières de chaque ensemble."
La spécificité du cursus des Chantres au CMBV consiste en effet à associer travail individuel et interprétations en collectif, chaque jeudi en concert au Château de Versailles (dans la Chapelle royale, voire la Galerie des Batailles). Cette richesse est essentielle pour les étudiants et distingue le CMBV des autres établissements, comme nous le confirme l'ancien chantre Antonin Rondepierre qui a rejoint le Conservatoire National de Paris après le CMBV et a constaté la différence : "Au CMBV, nous sommes 17 chantres, ce qui permet à la fois un travail individuel et un esprit de groupe. Nous sommes réunis par un répertoire et une ambiance commune dans notre bâtiment (avec même notre cuisine), tout en ayant souvent un professeur et une salle de travail pour chaque élève." "Nous passons beaucoup de temps ensemble, confirme l'ancien chantre Thierry Cartier. C'est une troupe, un vrai ensemble humain : nous trouvons un équilibre à 17 pendant toute une année, partageant les solos et trouvant de fait une entente, un accord."
"Au CMBV, les musiciens s'entendent et cela s'entend dans le résultat musical", conclut sur le sujet Eugénie Lefebvre, elle qui a enchaîné ensuite sur la Guildhall School de Londres, sans retrouver non plus la même richesse pratique et collective qu'au CMBV, ce qui lui a beaucoup manqué. Idem pour David Witczak qui a ensuite rejoint le Conservatoire d’Amsterdam (faisant d'ailleurs ce voyage en compagnie de deux autres anciens étudiants du CMBV) : "Je me suis rendu compte de la différence d’expérience exceptionnelle, de toute la confiance que j’avais pu acquérir."
Le CMBV associe pleinement ses disciplines théoriques et pratiques. Denis Skrobala cite notamment en exemple deux dispositifs très recherchés : "Nous proposons une unité d'enseignement à l'édition en partenariat avec les chercheurs du centre : à partir d'une source ancienne, l'objectif est d'employer tous les éléments historiques et musicologiques pour produire une édition musicale et l'exécuter”. L'interprète de musique baroque vise cette finalité intellectuelle, consistant à s'interroger sur les contextes historiques et esthétiques de l'époque, car ils ont une grande influence sur la manière dont la musique est interprétée et reçue par le public.
Le CMBV effectue aussi des séances de performance practice, programmées par exemple pour des Grands Motets à la Chapelle royale avec Thomas Leconte (Musicologue au CMBV) en retrouvant les conditions interprétatives de l'époque : effectif, implantation, rapport du chef aux interprètes (qui impliquait d'avoir des exécutants en relais de la direction), selon la disposition spécifique dans la chapelle et d'après les plans d'époque. "Cela permet aussi de s'interroger sur l'acoustique du lieu (d'y sensibiliser nos étudiants) car nos productions vont voyager dans des lieux différents avec des acoustiques différentes, différents rapports scène-public, différentes conditions de visibilité et d'audibilité. Il s'agit de les comprendre et de les retransmettre".
Professionnalisation
L'enseignement du CMBV s'inscrit dans la pratique et entretient d'emblée un niveau de détail dans le travail avec de surcroît un rythme de représentations très soutenu grâce à des productions artistiques et ses "Jeudis musicaux", souvenirs les plus marquants que nous cite immédiatement Thierry Cartier : "Se retrouver, jeune chanteur (dans mon cas 20 ans) sur scène très vite et régulièrement à défendre des œuvres rares (voire des re-créations mondiales ou européennes) est un bonheur très formateur. Le CMBV m'a également permis de participer à des productions, l'une d'elles dès ma première année (à l'été 2018), associant l'intérêt irremplaçable d'une production professionnelle avec le temps de la vivre pleinement". Les Jeudis musicaux ont été l’occasion pour David Witczak de chanter les Grands Motets de Mondonville, dès les débuts de sa formation : il enregistrera prochainement pour un album l’air précis qu’il chantait alors en tant que jeune Chantre. Antonin Rondepierre nous cite également une production mémorable, Le Vœu de Louis XIII avec du répertoire qui l'a suivi dans sa carrière et L'Oratorio de Noël de Schütz : "Je chantais l'Evangéliste avec petit orchestre, une partie très exigeante dans laquelle je me suis senti voler." Cette union de l'apprentissage et de sa mise en pratique, Eugénie Lefebvre l'a vécue "pleinement et complètement ainsi. D'autant que j'ai rejoint le CMBV pour l'année célébrant ses 20 ans et nous avons fait énormément de concerts : après quelques semaines à peine, nous chantions par cœur avec Véronique Gens dans les grandes écuries du Château de Versailles. Olivier Schneebeli marquait au tableau les solos (attribués en plus des parties de chœur pour chacune et chacun). De quoi intégrer très rapidement le travail, d'autant que les chefs de chant et tous les professeurs sont là pour nous aider. Nous apprenons ainsi à rebondir vite, et dans le détail du style, en nous appuyant sur l'étude et la pratique des traités (en passant un par un pour écrire et inventer de l'ornementation)."
Les productions s’ajoutent à ces concerts hebdomadaires, selon différentes configurations et dimensions, du plus petit effectif jusqu'au plus grand. "Cette richesse est très intéressante, notamment dans notre jeune formation car elle nous permet de travailler avec différents chefs qui ont tous quelque chose à nous apporter", se félicite Thierry Cartier.
La formation est ainsi riche et intense, mais en formant les voix, elle les préserve aussi : "L'autre axe très important est l'endurance vocale : c'est une école où l'on chante à temps plein mais en pleine conscience et prudence, de soi et du style, rassure Thierry Cartier. L'équilibre des cours la semaine, plus les Jeudis musicaux, plus les productions professionnelles qui se casent dans les intervalles, le travail individuel mais toujours tendu vers le chœur m'a d'emblée impressionné. Dès les deux premières semaines, j'étais frappé par l'exigence de ce rythme intense mais en même temps par la grande endurance ménagée pour une véritable hygiène vocale (qui repose notamment sur toute la pratique d'ornementation stylistique à la française des XVIIe et XVIIIe siècle, que l'on n'apprend nulle part ailleurs)." "Je me suis senti à l'aise, confirme Antonin Rondepierre, car j'ai pu déployer la souplesse de ma voix (non encore formée) grâce à ce répertoire baroque, qui demande un grand travail stylistique mais n'impose pas aux jeunes chanteurs un violent effort lyrique (comme les rôles d'opéra)."
Les savoirs et les savoir-faire pratiqués quotidiennement par les Chantres servent donc de tremplins pour leur quotidien professionnel. La Maîtrise a formé près de 170 chanteurs depuis 1991 (année du lancement du cursus adultes) et affiche un taux d'insertion professionnelle durable de 90% dans le milieu artistique (en tant que choristes, solistes, chefs d'ensemble à l'image de Damien Guillon et son Ensemble Le Banquet Céleste ou Olivier Rault, Directeur artistique du Festival Voce Humana, entre autres exemples).
De fait, les débouchés se veulent aussi riches et larges que le cursus : "Notre apprentissage complet est spécialisé en musique baroque française mais nous formons des chanteurs généralistes avec des connaissances qui leur permettent de s'insérer dans toute formation musicale. Nos étudiants et anciens étudiants travaillent ainsi avec des ensembles de solistes, des chœurs baroques, radiophoniques ou d'opéra, etc." David Witczak n'envisageait ainsi pas sa professionnalisation spécifiquement dans la musique baroque (et pourtant au final, suite à la formation, il en est devenu un spécialiste et fait carrière dans le baroque français). "Lors de ma fin de deuxième année, ajoute Thierry Cartier, j'ai été appelé par plusieurs ensembles pour auditionner. Cela m'a permis de commencer à travailler dès ma dernière année de formation du CMBV et de poursuivre mon parcours avec des ensembles prestigieux : Correspondances, Marguerite Louise, Les Épopées, La Chapelle Harmonique, représentatifs de la richesse de cette musique baroque."
L'écho a été le même pour Eugénie Lefebvre : "Le CMBV permet de tisser beaucoup de partenariats avec les chefs. C'est là que j'ai rencontré Vincent Dumestre qui m'a proposé des auditions et m'a ensuite engagée. Cela permet aussi de rencontrer des collègues (qui deviennent amis) chanteurs et instrumentistes avec lesquels nous créons des ensembles, ou bien qui montent des projets et vous rappellent ou parlent de vous. Et puis le CMBV continue de nous engager pour des projets par la suite. Benoît Dratwicki m'a ainsi proposé des engagements et permis de rencontrer d'autres chefs, notamment Christophe Rousset. Les jeudis musicaux hebdomadaires, les master-classes et les productions sont comme autant d'auditions et d'occasions de professionnalisation", conclut Eugénie Lefebvre. "Rencontrer tant d'artistes et de professeurs, dans les cours, master-classes et concerts apporte une immense richesse de conseils, de perspectives, d'expériences qui me servent dans ma carrière", confirme David Witczak. "Versailles est un immense Pôle baroque, unique au monde, grâce au CMBV et à son ouverture sur le château, renchérit Antonin Rondepierre. Le CMBV m'a permis de faire des rencontres et d'obtenir ma première audition avec l'Ensemble Correspondances (c'est désormais l'ensemble avec lequel je travaille le plus) et je ne fais presque que du baroque."
Les concerts et les productions du CMBV, et celles auxquelles ses artistes participent, permettent aussi aux Chantres de se faire connaître, de constituer leur réseau professionnel. "Les chefs qui dirigent nos étudiants vont ensuite les retrouver en situations d'auditions, les rappeler pour des engagements, explique Denis Skrobala. L'examen de chant de dernière année est aussi et déjà l'occasion pour nous d'inviter plusieurs chefs d'ensembles reconnus à venir apprécier les talents de nos futurs diplômés. Les Chantres apprennent ainsi à travailler avec grande facilité et souplesse, à s'adapter aux façons de travailler, aux rythmes, aux exigences de différents chefs et répertoires. Ils développent un haut niveau de compétence, d'adaptabilité, de professionnalisme, de réactivité (connaître sa partition en est la base) aussi bien pour les concerts que pour les enregistrements discographiques."
"La complémentarité entre formation théorique et productions professionnelles est ce qui fait la différence entre le CMBV et les autres formations supérieures et de conservatoire, confirme l'ancien chantre Thierry Cartier. Ce travail professionnel est très différent des répétitions méticuleuses de la voix chez soi : une production professionnelle avance vite, et le CMBV m'a appris à avoir beaucoup de rigueur et de réactivité sur place, à être capable de déchiffrer et de mettre en place la musique."
Les Chantres reçoivent également une formation sur la professionnalisation. Des professionnels interviennent plusieurs fois dans l'année et donnent, comme les enseignants de la maison, un certain nombre d'informations essentielles pour mener carrière : connaissance du monde artistique et de ses acteurs (ensembles, lieux, programmateurs, syndicats et fédérations, statut de l'intermittence, élaboration d'une production sur les plans artistiques, financiers, contractuels et budgétaires, pour connaître tous les outils et ressorts "ne serait-ce que dans la négociation de leurs cachets, les défraiements, la valorisation de leurs droits"). Ces séances d'accompagnement vont jusqu'à la préparation d'une audition, l'étude du CV, en faisant venir des agents qui donnent des conseils. Les anciens de la formation témoignent aussi de leur parcours professionnel, en présentent la diversité (et ils retrouvent ensuite les jeunes diplômés lors de productions professionnelles).
La formation s'appuie sur son identité mais continue de se moderniser dans ses outils : "Les jeunes chanteurs se doivent de bien maîtriser leurs modes de communication et leurs stratégies, de candidature et d'insertion dans le milieu professionnel (y compris via les réseaux sociaux, leur site internet personnel, la manière d'utiliser leur nom, leur image). Nous les conseillons aussi sur ces outils et vecteurs de promotion et de communication, ces médias indispensables et accessibles. Le CMBV a lui aussi évolué dans tous ses outils (formation, communication, recherche, édition). La musique baroque est un répertoire qui continue de susciter l'audace, l'expérimentation, la recherche de nouvelles façons d'interpréter, et nous inssuflons cette idée dans l'esprit de nos étudiants."
Recrutement sur mesure
Pour entrer au CMBV en tant que Chantre, les conseils prodigués aux candidats s'inscrivent sur un double registre, la technique musicale et le projet de vie, comme le détaille Denis Skrobala : "La maturité dans la réflexion et l'élaboration du projet professionnel des candidats est déterminante : nous consacrons le temps nécessaire lors des entretiens à examiner cela de manière approfondie avec les étudiants pour être certains qu'il savent où ils vont, qu'ils ont cette maturité et cette projection vers l'avenir, qu'ils se rendent bien compte des réalités de l'intermittence, du monde artistique et professionnel qui va les engager. Durant cet entretien, nous allons vraiment évaluer cette maturité, de manière bienveillante, mais pour clairement poser la distinction dans les esprits entre chanter en amateur (même très éclairé) et se lancer dans cette profession, avec détermination, volonté, en se préparant pour la réactivité qu'implique une carrière artistique, le statut de l'intermittence, la souplesse et la richesse de travailler pour plusieurs employeurs, qu'il faut aussi aller chercher et démarcher.
Il faut être armé d'une volonté de fer et de faire, dans un environnement très concurrentiel, car la situation du spectacle vivant est compliquée, toujours plus tendue. Nous sommes aussi particulièrement attentifs aux situations de reconversions professionnelles : des jeunes de 24-25 ans qui ont fini leurs études, ont exercé une profession et parallèlement ont suivi des cours de conservatoire à un bon niveau, pratiqué le chant. Comme la musique est tout pour eux, ils passent le concours et veulent abandonner leur métier. Les candidatures sont étudiées très attentivement pour ne mettre personne en danger, jeunes ou moins jeunes." David Witczak était ainsi inscrit en Licence de Physique quand il a candidaté et a été accepté. "Le CMBV a été à ce titre un moment charnière pour moi et j'ai pu mettre en avant mon envie et mon projet de me plonger passionnément dans la musique, m'y concentrer à 100%, ne faire que cela : d'en faire un nouvel enjeu, un nouveau chapitre professionnel." Cette réflexion stratégique menée dès le recrutement va également servir à la constitution des promotions (et à l’insertion professionnelle par la suite). David Witczak, entré au CMBV à 21 ans en 2004 confirme que sa promotion s’équilibrait ainsi entre une moitié d'étudiants déjà aguerris et passionnés par ce répertoire, qui visaient à se spécialiser, et une autre qui venait aussi découvrir ce répertoire, ouvrir le champs de ses connaissances et les possibilités de sa voix.
Les entretiens constituent donc autant de moments capitaux dans la sélection, mais il s'agit de la dernière étape du recrutement et il est donc indispensable pour les candidats d'avoir bien préparé les trois tours de sélection : enregistrement de trois pièces d’époques différentes dont une de musique baroque française, suivi des auditions devant le jury et épreuves de déchiffrage ainsi que du travail individuel en cours et travail collectif en chœur. Là encore, c'est l'esprit de la formation et de l'institution qui vient guider les impétrants. La lecture musicale est donc un aspect très important dans la sélection. "Pour entrer il faut être un bon lecteur et avoir la capacité de déchiffrer rapidement et exactement une partition simple, tonale (répertoire XVIIe et XVIIIe), met en garde l'Administrateur Denis Skrobala. Chaque année de très bons chanteurs font une audition remarquable mais échouent au déchiffrage car ils n'ont pas conscience que les bases de la formation musicale et une bonne capacité de lecture constituent un préalable. Nous leur conseillons alors de parfaire leur formation initiale pour tenter à nouveau le concours ultérieurement." David Witczak avait ainsi eu la possibilité de revenir pour le privilège d’une séance de travail individuel avec Olivier Schneebeli : "C'était très impressionnant, de travailler ainsi et à ce point sur la déclamation", s’enthousiasme-t-il, la réussite au Concours d’entrée s’ensuivant annonçait ainsi d’emblée celle dans la future carrière du musicien.
Le concours d'entrée est donc un moment essentiel, car il prépare immédiatement à la suite du parcours de formation et professionnel. Naturellement, ce moment cause du stress aux candidats mais là encore, le CMBV le sait et sait comment le transformer. Ce stress du concours et de la réussite (notamment du déchiffrage et devant cette grande table d'examinateurs), Eugénie Lefebvre l'a ressenti mais elle avait été habituée à l'exercice par son travail dans une Maîtrise. De plus, le jury s'est montré "particulièrement bienveillant. Certains anciens Chantres étaient aussi présents et ils sont même venus me voir après l'audition pour me dire qu'ils seraient très heureux que je les rejoigne." Admise en 2007, Eugénie Lefebvre a embrassé cette formation comme une "famille" qui l'accueillait alors qu'elle quittait sa région du Nord.
Un concours d'entrée qui a également marqué Thierry Cartier : "Le concours se passe dans les locaux du CMBV, face à une immense et magnifique table avec plus d'une dizaine de personnes, au centre de laquelle présidait Olivier Schneebeli (que je connaissais et admirais comme artiste). Mais le concours s'est très bien passé car il s'agit de mettre l'accent (pour le concours et pour la formation) sur les aspects théâtraux et déclamatoires du chant, ce qui permet d'évacuer le stress. Le CMBV met l'accent à cet endroit stylistique et artistique, ce qui est infiniment précieux pour un jeune chanteur (qui pourrait avoir tendance à se préoccuper uniquement du résultat immédiat et intérieur de sa propre voix). Cette formation et cet art mettent en valeur le texte qui est chanté, la langue française et la rhétorique, la manière dont le texte a été mis en musique et dont la musique sert le texte." Thierry Cartier conseille donc aux candidats de bien se renseigner sur le style et sur l'ornementation du répertoire baroque français.
"Grâce à cette identité artistique, le stress est évacué, dès le début et sur le long terme, dans la régularité, par un travail approfondi, comme en témoigne Eugénie Lefebvre. Nous travaillons tellement dans le détail qu'il n'y a plus de place pour la peur de se tromper. Olivier Schneebeli a une expérience et une connaissance tellement incroyable avec le chœur, il sait travailler avec tant de savoir, le texte et le mot sont tellement importants pour lui qu'il ne laisserait jamais passer une phrase sans nous l'expliquer profondément et cela nous donne toute l'assurance nécessaire. En chantant, on ne pense pas seulement aux notes mais au sens, à l'interprétation. Il donne tellement d'énergie dans le concert qu'on est toujours guidé. Je n'ai donc jamais ressenti de stress, ni même de peur, même lors de concerts aussi prestigieux qu'importants : uniquement de l'appréhension pour bien faire et puis du plaisir. Fabien Armengaud qui lui succède a travaillé ainsi avec lui et sera dans cette lignée."
Profils
Les profils des chantres font la richesse de la formation, dans le recrutement, le fonctionnement ainsi qu'en vue de leur insertion professionnelle : "Nos étudiants ont environ 23-24 ans de moyenne d'âge, détaille Denis Skrobala. Ils sont tous bacheliers (avec souvent un diplôme universitaire : une Licence ou autre) et ont déjà dans de nombreux cas un Diplôme d'Études Musicales, voire un Diplôme Supérieur Professionnel de Musicien. Nous avons toutefois principalement deux profils différents et complémentaires : de jeunes musiciens qui nous rejoignent peu après le baccalauréat et qui s'engagent très tôt dans une formation professionnalisante, et des musiciens-étudiants accomplis qui souhaitent se spécialiser en musique baroque et trouvent chez nous une formation spécifique pour le répertoire français.
Cette formation est reconnue à l'international, poursuit Denis Skrobala, elle attire donc des candidats du monde entier et en retour, nos anciens étudiants peuvent faire rayonner leurs voix et projets artistiques au-delà des frontières. Parmi nos 17 étudiants actuels, quatre viennent ainsi de l'étranger (Angleterre, Canada, Chili et Brésil). Les étudiants français et internationaux ont été sensibilisés à notre formation et incités par leurs professeurs, grâce aussi aux projets artistiques et de collaboration que nous menons à travers la France et à l'international. Nous avons ainsi mis en place un projet avec le Brésil (Semaine de musique baroque à Rio) grâce à Benoît Dratwicki. Notre étudiant anglais vient sur la prestigieuse recommandation d'Edward Higginbottom (qui a dirigé la chorale du College d'Oxford pendant plus de 35 ans)."
Thierry Cartier avait entendu parler de cette formation alors qu'il chantait, en lien avec le Lycée à Périgueux, pour l'Ensemble Sagittarius de Michel Laplénie, un chœur qui fait appel à des professionnels, venant majoritairement du Centre de Musique Baroque de Versailles. Le rayonnement et la reconnaissance du CMBV l'ont ainsi marqué mais également la gentillesse de ces artistes "talentueux et sympathiques. J'ai donc décidé de me lancer dans le chant baroque grâce à l'exemple de ces chanteurs, je me suis renseigné et j'ai rejoint la formation en 2017 à l'âge de 20 ans."
Antonin Rondepierre qui a réussi le concours en 2018 à l'âge de 19 ans n'était pas davantage spécialisé en musique baroque, ni dans un circuit professionnel : "Je suivais deux cours par semaine au Conservatoire du 12e arrondissement, mais j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt tout ce que le CMBV offre en ligne (vidéos de concerts, interviews, explications fascinantes d'Olivier Schneebeli). Je me suis donc renseigné sur internet et j'ai tout de suite été attiré par cette opportunité d'une véritable pratique quotidienne, encadrée et supérieure. Le concours s'est donc très bien passé et a servi de transition entre envie et formation."
De son côté, c'est au Conservatoire de Lille que la professeure d'Eugénie Lefebvre lui a parlé du CMBV. Il faut dire que cette formation a immédiatement attiré cette fille d'un régisseur travaillant chez Jean-Claude Malgoire et qui allait voir beaucoup d'opéras baroques. David Witczak a lui aussi entendu parler du CMBV au Conservatoire de Lille, où il étudiait d’ailleurs avec Eugénie Lefebvre, mais confirmant la diversité des profils qui sont accueillis au CMBV, le baryton n’avait pas d’accointances particulières avec la musique baroque, il a découvert la formation grâce à une brochure dans le hall du conservatoire et a ensuite préparé le Concours avec sa professeure.
La promotion actuelle des Chantres accueille même un ancien Page du CMBV (élèves en classe CHAM du Collège Rameau), Cyril Tassin, en deuxième année, mais c'est plutôt une exception comme l'explique l'Administrateur : "La philosophie de la formation proposée aux Pages du Centre de musique baroque de Versailles (une vingtaine de collégiens) est très différente : les Classes à Horaires Aménagées Musique n'ont pas la vocation professionnalisante des Chantres. Le but pour les Pages est de leur offrir avant tout de l’épanouissement personnel à travers la pratique du chant en complément de leur scolarité. Les jeunes CHAM resteront toute leur vie des mélomanes, passionnés, amateurs (et ils nous donnent fréquemment de leurs nouvelles). Certains continuent au Lycée dans d'autres Maîtrises et nous les accompagnons aussi dans toutes leurs candidatures (Maîtrise de Radio France, CRR de Paris, Maîtrise de Notre-Dame pour les lycéens). Notre objectif n'est pas de pousser les enfants dans la professionnalisation : à cet âge, il faut rêver, préserver sa jeunesse et prendre son temps. Il y a une marche importante à franchir entre Pages et Chantres, entre amateurisme (très éclairé) et professionnalisme, c'est un changement drastique et un vrai choix de vie. Nous allons toutefois proposer l'année prochaine un Chœur intermédiaire en termes d'âges pour la fin du collège et le lycée en temps péri-scolaire, pour accompagner la pratique de nos grands adolescents après la mue."
L'Avenir
"La période actuelle de pandémie mondiale est évidemment compliquée pour mettre en œuvre nos missions et notre travail, admet l'Administrateur, mais nous avons la chance que nos deux cursus principaux (les artistes adultes en classes préparatoires à l’enseignement artistique supérieur et les enfants en classes à horaires aménagés) bénéficient des dérogations nationales pour suivre une partie de leur enseignement en présentiel et que le Château de Versailles continue de nous accueillir aux créneaux habituels : pour nos traditionnels rendez-vous des jeudis après-midi, maintenus en condition de concerts (mais sans public, à huis clos et dans le respect de toutes les normes). Cela nous a permis de maintenir le rythme et le volume de travail durant toute cette période."
Le programme de productions artistiques du CMBV se poursuit également, avec notamment deux grandes échéances professionnelles à venir cette saison (en espérant qu'elles puissent se tenir). David et Jonathas de Marc-Antoine Charpentier sera dirigé par Olivier Schneebeli le 16 avril prochain à l'Opéra Royal avec Les Pages et les Chantres du Centre de musique baroque de Versailles, l'Orchestre Les Temps Présents et des solistes de renom (Reinoud van Mechelen, Thomas Dolié, Jean-François Novelli, …). C'est même un Page du CMBV qui incarnera Jonathas. Edwin Crossley-Mercer et Clément Debieuvre, anciens diplômés du CMBV seront aussi de la partie, comme solistes, de même que Thierry Cartier dans les chœurs. L'œuvre sera donnée en version concert avec une dramaturgie de Thierry Péteau, le chœur chantant par cœur. La production sera captée (pour la radio, le disque, et en vidéo).
La seconde production professionnelle, de fin de saison (le 8 juillet prochain) proposera les Grands Motets de Clérambault avec les Pages, les Chantres et l'Orchestre Collegium Marianum à la Chapelle Royale. Les quatre solistes de ce concert sont des anciens Chantres : Clément Debieuvre, François Joron, David Witczak et Eugénie Lefebvre qui se réjouit de retrouver ainsi Olivier Schneebeli pour marquer le point d'orgue de sa carrière sur cinq décennies, Directeur pédagogique et musical du chœur-école du Centre de musique baroque de Versailles depuis 1991.
De nouvelles perspectives s'ouvrent désormais pour les années prochaines, notamment avec l'arrivée de Fabien Armengaud, succédant à Olivier Schneebeli à la direction musicale et pédagogique de la Maîtrise du CMBV, et avec la résidence de la cheffe Emmanuelle Haïm (2021-2023). "Nouer ainsi un partenariat avec un chef extérieur pendant deux années consécutives offre un lien privilégié, associant nos chanteurs au travail de cette cheffe et aux productions de son ensemble (d'autant qu'il s'agit de notre toute première collaboration avec Emmanuelle Haïm et son Concert d'Astrée), se félicite Denis Skrobala. Emmanuelle Haïm dirigera un jeudi musical en janvier 2022 à la Chapelle, une semaine de master-classes sur la cantate française dont elle est spécialiste et proposera d'autres rendez-vous encore. Cette collaboration par un travail plus pérenne sur deux ans vient s'ajouter aux associations régulières et continues que nous tissons avec des chefs et ensembles pour des productions (à la fin de l'année 2021, nous travaillerons ainsi notamment avec le claveciniste finlandais Aapo Häkkinen et l'Helsinki Baroque Orchestra). Fabien Armengaud va concevoir et diriger des productions en tant que chef d'ensemble avec les Pages et les Chantres et nous élaborons ainsi de nouveaux programmes et des collaborations (ainsi avec l'Ensemble Concerto Soave de Jean-Marc Aymes avec lequel nous avons déjà enregistré des Grands Motets de Pierre Robert qui sortiront à l'automne prochain sous le label Château de Versailles Spectacles, ou encore avec Pulcinella d'Ophélie Gaillard)".
Les captations se développent ainsi pour sauver des programmes en temps de crise et les auditions se poursuivent pour continuer à préparer l'avenir.