Mort de Marie Laforêt, une Callas au théâtre et à la chanson
Maria et Marie, La Callas et Laforêt sont de la même génération et ont toutes deux pris un pseudonyme. La chanteuse d'opéra grecque Sophia Cecelia Kalos naît en 1923, elle se fera appeler Mary Anna dans sa jeunesse américaine et deviendra La Divine, alors qu'enfant elle se sentait rejetée, s'appelait elle-même la mal-aimée. L'Aimée, à l'inverse, est d'emblée le vrai nom de Maïtena (qui signifie "aimée" en basque), qui choisira elle aussi Marie tandis que Louis Malle choisira pour elle le pseudonyme "Laforêt", sans raison particulière. Son surnom sera "la Fille aux yeux d'or", son rôle-titre dans le film réalisé en 1961, d'après Balzac, par son mari Jean-Gabriel Albicocco.
Révélée, deux ans plus tôt, en jouant une scène de Pirandello (Six personnages en quête d'auteur) dans un concours sur la radio Europe n°1, Marie Laforêt construit d'abord sa célébrité en tant qu'actrice, au cinéma, mais elle forge sa légende dans le champ de la chanson française inspirée d'une immensité de racines, de traditions, de pays différents. Cet esprit world music à la française ne boude pas le lyrisme vocal et l'opéra. L'interprète manifeste très tôt dans son parcours un intérêt pour le monde de la musique classique, en chantant notamment Mon cœur se balance, sur une Romance sans paroles de Mendelssohn.
La fin du millénaire lui offre l'occasion d'unir ses talents artistiques et musicaux dans le champ du théâtre et de l'opéra en incarnant l'actrice-chanteuse de référence (l'absolue) : Marie Laforêt interprète La Divine dans la pièce Master class ou la leçon de chant de Maria Callas (écrite par Terrence McNally), au Théâtre Antoine et à l'Opéra Comique en 1997 et 1999 (interprétation couronnée par une nomination aux Molières en 2000). La pièce s'inspire des leçons de chant offertes à la Juilliard School de New York en 1971 & 1972 par la légendaire interprète alors qu'elle a terminé sa carrière (et qu'elle mourra 5 années plus tard) :
Clin d'œil de l'histoire, la période 1971-1972 qui marque les adieux de La Callas, marque le sommet dans la carrière de Marie Laforêt. La master-classe avait permis à La Callas de remonter sur des planches (certes d'un auditorium dans une école) et elle permettra trente années plus tard à Marie Laforêt de remonter sur les planches d'un théâtre en tant que chanteuse, mais dans un tout autre registre.
Marie Laforêt incarne ici à l'Opéra Comique La Callas faisant répéter un ténor dans le grand air Recondita armonia (Tosca de Puccini)
Mais avant Marie Laforêt, c'est Fanny Ardant qui incarnait ce rôle dans cette pièce au Théâtre de la Porte Saint-Martin en 1996, dans la mise en scène de Roman Polański. Pour son documentaire sur Callas, le réalisateur Tom Volf nous expliquait en interview avoir choisi Fanny Ardant d'après cette performance sur scène ainsi que le Callas Forever de Zeffirelli.
Toutefois, c'est Marie Laforêt qui prendra à bras le corps (et la voix) ce rôle, cette œuvre et ce personnage qu'elle ne lâchera plus : la pièce est adaptée, retravaillée pendant une décennie, autour de celle qui vient de s'éteindre.