Selon nos sources, l'incident s'est produit lors de l'acte II où Katerina (Aušrinė Stundytė) et son amant Sergueï (Pavel Černoch) tuent le mari Zinovy Borisovitch (John Daszak). Un orteil de la chanteuse aurait été sectionné, pris entre le pied de son partenaire et la grille du décor. La soprano a pu poursuivre sa prestation jusqu'à la fin de la première partie avec un pansement, mais la décision de la conduire aux urgences a été prise à l'entracte. Faute de doublure pour ce rôle intense, véritable défi vocal et théâtral (pour lequel Aušrinė Stundytė avait été acclamée par le public et la critique), la seconde partie de la représentation a dû être annulée. 

La question de cette absence de doublure est soulevée par de nombreux spectateurs déçus : contrairement au Metropolitan Opera House de New York qui avait pu faire entrer Gregory Kunde le mois dernier en cours de représentation durant Samson et Dalila (contrairement également à l'incident de 2006 à La Scala de Milan où Roberto Alagna avait été remplacé au pied levé par Antonello Palombi en jean chemise). Parmi les 145 représentations de l'œuvre recensées dans le monde par nos soins ces dernières années, seules 19 chanteuses ont déjà interprété le rôle, parmi lesquelles trois accaparent 40% des dates -Eva-Maria Westbroek (27 dates), Svetlana Sozdateleva (16 dates) et Evelyn Herlitzius (14 dates)-, ce qui laisse peu de possibilités d'avoir en coulisses une chanteuse maîtrisant le rôle, d'autant que le faible nombre de représentations de cette production (sept) ne permettait pas de proposer une seconde distribution (comme c'est le cas sur Carmen à Bastille où Alagna a pu être remplacé par Borras). 

La chanteuse serait sortie de l'hôpital ce mercredi, mais ne sait pas si elle pourra poursuivre la série de représentations (il en reste cinq), le rôle étant très physique (l'option consistant pour elle à jouer avec des béquilles ne conviendrait pas à la vision du metteur en scène). L'Opéra de Paris nous informe que la décision doit être prise demain matin. Quoi qu'il en soit, une remplaçante serait prévue dans le cas où la soprano serait contrainte de renoncer. 

   Mise à jour : par un communiqué du 11 avril 2019 à 12h34, l'Opéra de Paris annonce que son « état de santé  lui permettra de reprendre le rôle dès la prochaine représentation qui aura lieu ce samedi 13 avril à 19h30 à l’Opéra Bastille. »

Bien que les Conditions générales de l'Opéra de Paris ne prévoient aucun remboursement lorsque la représentation a pu avoir lieu jusqu'à la moitié du spectacle, ce qui était le cas ce mardi, une invitation pour une date ultérieure ou un bon d'achat d'une valeur de 50% du prix du billet sont proposés aux spectateurs. 

Ces événements n'affectent pas uniquement le public présent lors de la représentation, mais inquiètent également les auditeurs de France Musique (un enregistrement est prévu le 13 avril pour une diffusion ultérieure) et les spectateurs au cinéma (dont le programme UGC Viva l'opéra !), qui prévoit une retransmission en direct le 16 avril. La captation audio-visuelle de la production FRA (François Roussillon & Associés) sera diffusée en direct à l'étranger dans 14 pays (Autriche, Belgique, Suisse, Allemagne, Danemark, Espagne, Finlande, Grande-Bretagne, Irlande, Italie, Maroc, Pays-Bas, Roumanie et Tunisie) et en différé en Australie et au Canada. 

Cette blessure n'est pas le premier incident survenu à l'Opéra de Paris. En 2016, pendant la répétition générale de Tosca, Jean-Philippe Lafont avait dû être conduit à l'hôpital après une blessure causée par une chute de plusieurs mètres derrière la croix des décors. Cela l'avait contraint à annuler toutes les représentations. Quelques mois auparavant (février 2016), un mur du décor de Werther pesant environ une tonne s'était écroulé, blessant trois techniciens, dont un grièvement. La saison précédente, une personne avait chuté de 1,50 mètre lors d'une répétition de La Flûte enchantée.

Joyce DiDonato avait pour sa part continué à chanter (en fauteuil roulant) Le Barbier de Séville, alors qu'elle s'était fracturé la jambe durant le spectacle au Royal Opera House de Londres en 2009.

Au-delà de ces considérations pratiques, souhaitons un prompt rétablissement à Aušrinė Stundytė !