Laurent Brunner, Directeur de l’Opéra de Versailles : « Nous avons assisté à la naissance d’un nouvel opéra »
Laurent Brunner, Château de Versailles Spectacles fête sa dixième saison. En quoi est-ce important ?
C’est l’occasion de faire un premier bilan : les premières années, on tâtonne. Après dix saisons, on peut penser qu’on a atteint un plateau, une sorte de maturité, et que les saisons qui viennent seront dans une certaine continuité. Nous avons assisté à la naissance d’un nouvel opéra. À l’origine, il n’y avait pas ce potentiel du tout. La première saison, nous avons d’ailleurs programmé 30 spectacles. Nous en avons 110 cette saison, ce qui nous donne une place significative, d’autant que nous avons des spécificités fortes. D’abord, son financement, sans subvention publique, est un cas unique en France pour un opéra. Ensuite, dans un souci de cohérence avec le lieu, nos dix productions scéniques concernent cette année des œuvres composées avant 1753. Au contraire des autres maisons d’opéra, l’exception chez nous est de programmer des œuvres du XIXème ou du XXème siècle, ce qui nous arrive tout de même ! L’offre pour ce répertoire est abondante en région parisienne, avec des salles qui ont des jauges considérables par rapport à la notre qui fait 600 places, et qui peuvent donc faire venir des solistes de premier plan. Nous le faisons donc uniquement, et avec plaisir, lorsque je trouve un lien avec le lieu, le programme ou une typologie de pratique comme une interprétation sur instruments anciens.
Quel était le projet d’origine ?
Il n’y a pas de projet d’origine. Quand je suis arrivé en 2007, la mission de Château de Versailles Spectacles était de faire les grandes eaux et des spectacles nocturnes sur gradins. L’Opéra était alors fermé pour deux ans de travaux de mise en sécurité et n’avait pas vocation à être utilisé différemment à sa réouverture qu’avant sa fermeture. C’est-à-dire pour l’extraordinaire : l’Opéra a été construit pour les mariages royaux. Il n’a donc servi que 38 fois durant les 19 années de monarchie. Ensuite, il ne s’y passe plus rien jusqu’en 1837, date où Louis-Philippe le rouvre pour en faire un musée : il n’y a toujours pas de spectacles. Dès lors, il n’est utilisé comme théâtre que trois fois jusqu’en 1871, date où le sénat s’installe dans la salle. Une fois que le sénat déménage et après des travaux, il rouvre de nouveau en 1957. Mais il n’y a toujours pas de budget, seulement des événements ponctuels. Ce n’est que dans les années 1990 que le CMBV [Centre de Musique baroque de Versailles, ndlr] y produit des concerts de manière plus régulière. Quand Jean-Jacques Aillagon (président du Château à l’époque) m’a recruté, j’ai négocié de pouvoir garder les marges financières que je parviendrais à trouver pour développer une programmation dans l’Opéra. C’est ce que nous avons fait.
Cette prépondérance du baroque correspond-elle aussi à vos goûts personnels ?
Je suis né dans la musique baroque, quand elle a de nouveau éclos dans les années 1980. Dans cette musique se sont investis des interprètes comme Malgoire, Christie ou Minkowski, dans une démarche différente, parfois pointue, parfois pertinente et impertinente, qui m’a intéressé. Au-delà de cette affinité pour le baroque, j’ai une affinité pour l’histoire, l’architecture, mais aussi la peinture. Je connais bien mon sujet : j'ai assez vite une idée précise de la distribution, du chef ou de l’instrumentarium idoines pour une œuvre inconnue du XVIIème siècle.
Vous vouez d’ailleurs une certaine fidélité aux artistes que vous invitez : à quoi est-ce dû ?
La fidélité se construit avec ceux qui prennent les mêmes voies de travail que nous. Par exemple, les projets de Pichon, que nous accompagnons depuis longtemps, doivent nous ressembler un peu. Il y a aussi une réalité liée à la notion d’exclusivité parisienne qui implique un fonctionnement en écuries : le compagnon de route d’une salle va avoir des difficultés à monter un projet dans une autre. Cela explique que je travaille peu avec Emmanuelle Haïm ou Jérémie Rhorer, qui travaillent beaucoup au Théâtre des Champs-Élysées. À l’inverse, Raphaël Pichon n’est pas au TCE, alors qu’il va avoir plusieurs projets chez nous, à l’Opéra et à la Chapelle. Les jeunes ont besoin d’être accompagnés sur le long terme : c’est ce que je fais avec Gaétan Jarry ou Valentin Tournet. Cela leur permet de vendre leurs projets ailleurs, de les faire mûrir : à l’opéra comme au théâtre, plus on joue une œuvre, mieux on la joue.
Dans ce répertoire baroque, vous programmez de la musique sacrée à la Chapelle Royale. D’où est venue cette idée ?
J’ai toujours fait des concerts dans des églises : j’ai commencé là. Quand j’ai pu avoir à la fois un théâtre et une église, je ne me suis pas privé ! Je crois beaucoup au sens des lieux : faire de la musique sacrée, française ou étrangère d’ailleurs, dans la Chapelle Royale, cela a du sens, comme cela peut en avoir de jouer un Mozart créé en 1780 dans un opéra inauguré en 1770, même si l’acoustique n’y est pas meilleure qu’ailleurs.
Au-delà du baroque, sur quels critères travaillez-vous les répertoires plus tardifs ?
Nous pouvons jouer à Versailles des œuvres qui y trouvent leur sens. Programmer, une fois de temps en temps, une grande œuvre du répertoire, comme Carmen ou Traviata que nous avons jouées, permet de faire redécouvrir la salle comme un opéra. Lorsque je programme ces œuvres, à moins d’en faire la production du siècle, j’intéresse tout de suite beaucoup plus un public local, et moins un public francilien (notre public vient globalement de l’ouest francilien, c’est-à-dire du Châtelet à Rambouillet et Saint-Germain-en-Laye), qui a un choix bien plus large pour ces ouvrages.
Vous programmez cette année un Festival Berlioz : quel est le lien avec Versailles ?
Berlioz, notre grand compositeur français (même s’il n’en a jamais eu les honneurs), a joué un seul et rarissime grand concert à Versailles en 1848, dans un décor fastueux, le Palais de marbre rehaussé d’or, qui vient d’être rénové, et qui avait été créé en 1837 pour l’inauguration du musée du Château de Versailles restauré par Louis-Philippe. Ce n’est pas un décor pour faire du théâtre, mais il sera très bien pour la Symphonie fantastique par Gardiner [notre compte-rendu de ce spectacle], ainsi que pour la version concert de la Damnation de Faust [à réserver ici], des œuvres datées de 1830 et 1846 et qui viennent donc plus ou moins borner le règne de Louis-Philippe (1830-1848). Célébrer Berlioz était une évidence, tout comme nous célébrerons Beethoven qui est né l’année de la construction de l’Opéra Royal. Nous ferons Fidelio, mais pas mis en scène.
Ferez-vous un jour de la création ?
Cela coûte trop cher par rapport à notre budget. Il y a des opéras qui ont des subventions et dont c’est la mission. Ce n’est pas dans ce registre que nous serons les meilleurs, et ça n’est pas là que le public nous attend. Par ailleurs, les compositeurs qui ont des projets liés au Château de Versailles ne font pas la queue. J’arrive en revanche à faire des créations sur la danse, car ça y est plus facile.
Vous faites régulièrement des coproductions : est-ce important ?
Oui, c’est important. Par exemple, Caen a le même fonctionnement que nous, avec peu de personnel : ils ont comme nous l’habitude de ne prendre en charge qu’une partie d’un projet en travaillant avec des prestataires. Cela facilite nos collaborations. Quand vous êtes un opéra de grande ville, avec des ateliers de décors et de costumes, et des techniciens permanents, vous êtes dans une autre logique car vous devez les occuper, quitte à ce qu’il y ait trois productions de Carmen la même année. Cela ne nous empêche pas de faire aussi des coproductions ou de l’accueil de productions avec Nancy, Dijon ou Rouen. En ce qui nous concerne, faire une coproduction veut d’abord dire apporter de l’argent, car nous n’avons pas de moyens techniques à apporter : il faut que cet argent soit réellement nécessaire à la réalisation du projet, sinon, cela n’a pas de sens.
Qu’en est-il de vos coproductions internationales ?
Depuis près de 30 ans, l’Opéra Atelier de Toronto fait de l’opéra en français, d’époque XVIIème-XVIIIème, dans la troisième ville d’Amérique du Nord. Ils jouent ça 10 fois dans une salle de 2.000 places, devant un public uniquement anglophone. Je ne partage pas entièrement leur esthétique, mais quand ils font Médée ou Actéon et Pygmalion, je prends car il n’y en a pas en stock. Leurs mécènes permettent à ce projet de venir. De leur côté, ils gagnent en légitimité : c’est une chance folle pour tout le monde.
Pour Phaéton avec Perm, nous avons permis à ce projet de se faire. Jouer ça chez nous, c’est logique, mais que eux le fassent chez eux, c’était de la folie. Pourtant ça a été vécu là-bas quasiment comme un acte de création contemporaine. C’était la première fois qu’on y jouait une tragédie baroque française depuis Catherine II [au XVIIIème siècle, ndlr] ! C’était très éloigné de leur nécessité. C’est la même chose quand Boston monte Scylla et Glaucus de Jean-Marie Leclair. Leur tendre la main est aussi une manière de faire rayonner là-bas notre culture : il faut que le reste du monde s’empare de notre culture si on veut la faire vivre.
Nous jouerons l’an prochain Les Fantômes de Versailles de John Corigliano. Quoi de plus intéressant que cette œuvre commandée par le Met pour son propre centenaire. Nous avons demandé à Francesca Zambello, qui dirige le Festival de Glimmerglass, de le faire. Le Festival le jouera en juillet 2019, et nous au mois de décembre.
Allez-vous faire de la production ?
Oui, l’année prochaine, bien que nous n’en ayons quasiment jamais fait jusque-là. Dans cette configuration, nous décidons, nous faisons fabriquer, et nous montons le spectacle. Ensuite, si d’autres veulent acheter ou coproduire, ils seront les bienvenus. Nous ferons aussi un opéra du XXème siècle. Pour cela, on va monter un orchestre qui s’adaptera à nos besoins. Aujourd’hui, si j’invite un orchestre, je dois prendre un package avec l’orchestre, le chœur et le chef, ce qui ne m’intéresse pas toujours. Par exemple, pour faire un récital, je n’ai pas réellement besoin d’une formation constituée existante, mais plutôt de souplesse.
Sur quel projet ferez-vous de la production ?
L’année prochaine, nous fêterons les 250 ans de l’Opéra Royal. Nous ferons une production du rarissime Richard Cœur-de-Lion de Grétry. Par ailleurs, la dernière note jouée à l’Opéra Royal sous la monarchie en est extraite, puisque l’un des airs (« Ô Richard, Ô mon roi ») avait été chanté dans un banquet des gardes du corps, cinq jours avant la fuite de la famille royale : il y a donc un lien très fort entre cette œuvre et le lieu. Ce sera en production car personne ne le fera autrement.
Au-delà de la Chapelle, vous cherchez à utiliser de nombreux espaces du Château pour vos concerts : comment cela s’est-il fait ?
J’ai fait ce qu’on m’a dit de ne pas faire, en suivant mes convictions et dans le respect des lieux. J’essaie de trouver des concepts qui permettent de faire passer des moments d’exception au public. L’œuvre peut le faire, la disposition dans le lieu aussi. Cela nécessite souvent de changer des habitudes, de faire face aux peurs que cela suscite. J’ai assez souvent créé des lieux de spectacle dans des architectures ne disposant pas de programme, d’équipe ou de budget. Cela se fait de manière très pragmatique : on essaie des choses et on améliore au fur et à mesure, en en mettant un peu plus tous les ans. Lorsqu’on fait des spectacles dans des lieux du musée, comme la Galerie des glaces ou la Chambre du roi, on le fait en dehors des heures de visite. Cela n’impacte donc pas l’activité du musée. Cela nécessite en revanche de faire admettre à un établissement qui est là depuis 250 ans qu’on ne va pas abîmer le Château, et qu’au contraire on va le faire vivre autrement. D’ailleurs, le seul moyen de conserver vraiment l’Opéra qui existe dans le Château, c’est de le faire vivre.
Quels sont les prochains lieux que vous aimeriez utiliser ?
Le Château est ancien : beaucoup de lieux sont fragiles et mal équipés, électriquement notamment. Partout où nous voudrons aller, il va donc falloir d’abord aménager, ce qui est coûteux. Cela n’aurait pas de sens de faire un concert de clavecin avec 10.000 euros de frais techniques. Mais il est vrai que j’aime faire des spectacles d’exception dans des lieux qui le sont. Le prochain que j’aimerais explorer est le Hameau de la Reine, mais les volumes intérieurs sont très restreints : les circulations sont compliquées. Mais nous trouverons une manière de faire pour que cela ait du sens, que ce soit faisable et que ça respecte le site. Mais ces projets sont pour des petits formats, de 200 personnes maximum.
Dans ces cas, quelle est votre relation avec le musée ?
Nous payons au Château une AOT (une Autorisation d’Occupation Temporaire) et prenons en charge les coûts liés à la surveillance du musée : quand nous faisons un spectacle, nous ouvrons un espace du Château qui se garde comme n’importe quel autre parcours du musée. Ces agents, qui viennent en plus des ouvreurs, constituent un coût que n’ont pas à supporter les autres opéras. Aujourd’hui, non seulement nous ne recevons pas de subvention, mais nous payons plus d’un million d’euros par an au Château pour occuper les lieux et payer ces agents.
L’activité touristique augmente : comment cela vous impacte-t-il ?
Bien sûr, plus j’ai de spectateurs et de recettes sur les projets grand public (grandes eaux et spectacles nocturnes), plus j’ai de moyens pour financer le reste de la programmation. Mais ces spectacles sont aussi les plus sensibles aux perturbations de type attentats. En 2016, les touristes étrangers ont déserté Paris : c’est notre programmation s’adressant plus au public francilien (c’est-à-dire à l’Opéra, où les spectateurs étrangers représentent une part marginale) qui a sauvé les meubles. Le public francilien reprend ses habitudes beaucoup plus rapidement que le touriste étranger qui planifie ses vacances six mois avant. Autre exemple : cette année, les spectacles sur gradins ont été déficitaires car nous avons subi un effet Coupe du monde très négatif. Mais cela n’a pas tué l’Opéra, alors qu’il y a dix ans, cela nous aurait mis en grande difficulté.
Quel est le rôle du mécénat dans votre économie ?
Nous finirons l’année avec plus de mécènes individuels que d’abonnés. Cela vient d’abord du fait que nous avons peu d’abonnés, le public francilien nous considérant comme une offre de complément aux abonnements qu’ils ont par ailleurs à l’Opéra de Paris et/ou au TCE. Le mécène individuel a l’avantage de venir régulièrement aux spectacles et de mettre de sa poche en plus, pour soutenir un projet non subventionné. La défiscalisation est rarement la première motivation. Nous avons en plus une quarantaine d’entreprises, qui sont souvent fascinées par le modèle privé, puisque nous sommes une SASU, c’est-à-dire une filiale privée d’un établissement public. Ils y trouvent bien sûr également une visibilité, ainsi que du service.
Vous prévoyez 110 levées de rideau cette saison : comment vous projetez-vous sur la suite ?
Pour des raisons de calendrier, on ne pourra plus en faire beaucoup plus. Mais cette année, par exemple, j’ai créé une collection de disques, bien que le marché du disque soit plutôt en difficulté. Cela fait des années que j’aide financièrement des gens à faire des disques dans les lieux, qui ne génèrent aucun retour financier (moins de 1.000 euros pour une trentaine de projets). Puisqu’on paie déjà les répétitions pour le concert, nous mettons un peu plus pour des séances d’enregistrement, le preneur de son et le pressage des CD, et nous faisons ainsi ce que l’on veut. À la sortie, je saurai si j’en vends ou pas. Et que ça marche ou pas, j’en serai le seul responsable. On devrait pouvoir en sortir environ 10 par an. L’objectif n’est pas d’avoir une maison de disque, mais d’enregistrer, dans le lien au concert ou au lieu, dans des répertoires qui nous correspondent.
Vous faites aussi des DVD ?
Oui, par exemple dans le registre du cérémoniel, qui est passionnant, et que notre Chapelle, avec ses galeries, nous permet de capter de manière qualitative avec différents plans sonores. Ce répertoire est large, mais le coût en est élevé, d’autant que ce sont des œuvres qui ont été peu jouées. Autre exemple : Le Devin du Village. L’œuvre a été jouée cinq fois par Marie-Antoinette. Nous en avons produit les sixième et septième représentations : un disque vient rendre compte de ce travail, et on met le DVD en bonus.
Le rayonnement de la marque Château de Versailles est-elle aussi l’une des raisons pour lesquelles vous avez lancé cette collection de disques ?
En effet, je n’ai pas la même équation que les autres. Aujourd’hui, les maisons de disques vendent principalement leurs produits dans les grands magasins online. À l’Opéra de Versailles, nous avons un disquaire à la sortie, qui vend entre 40 et 80 unités par soir. Et puis la réunion des musées nationaux vend aux touristes toute l’année. Certes, la proportion de touristes intéressés par la Messe de Noël de Praetorius est faible, mais vu le nombre de touristes (environ six millions de personnes passent devant le comptoir), cela fait tout de même du volume. Dans ce cadre, la marque Château de Versailles est un outil de vente. Ce qu’on propose en concert est plutôt bien, donc notre public peut aussi nous faire confiance sur la qualité de ce qu’on leur propose en CD.
D’où vient la passion qui vous anime pour le lieu et pour l’histoire de ce Château ?
D’abord, je suis historien de l’art. Je n’étais pas du tout passionné par le lieu avant d’y arriver, sans doute faute de l’avoir suffisamment fréquenté. En revanche, j’étais déjà amoureux de sa musique. Ce qui m’intéresse d’abord, c’est l’enjeu humain et historique qui dépasse le bâtiment lui-même.
À titre personnel, comment vous projetez-vous sur la suite ?
Je suis bien ici et j’ai de quoi faire jusqu’à la retraite ! Je suis en CDI, donc je peux tout à fait rester jusqu’à ce que j’aie cumulé mes annuités. Je veux bien partir d’ici si c’est pour avoir mieux, mais il faut déjà trouver mieux, pour moi. Les institutions qui pourraient un jour m’intéresser sont celles qui ont des formats assez familiaux, comme le TCE ou l’Opéra Comique. Leurs projets ont plus de moyens que chez nous, sans qu’ils soient colossaux, et ils ont un très haut niveau d’exigence. Par contre, je perds dans ce cas le fun de tous ces lieux : je n’ai aucun empressement à partir ! Je serais ingrat de vouloir aller ailleurs. Le poste de Directeur de l’Opéra de Paris va se libérer, mais ils cherchent un profil international. Et puis ce n’est pas mon métier, il faut principalement gérer les syndicats et Bercy : ce qui m’intéresse, c’est la musique et le spectacle.
Quels sont les projets qui vous motivent?
Il faut qu’on arrive à faire un peu de musique de chambre, ce qui est difficile ici, car nous avons besoin d’agent pour ouvrir une salle, qu’il y ait 10 personnes ou 600 au concert. En ratio, cette musique a tendance à coûter très cher.
Je veux également développer le cérémoniel : le public ne connait pas, alors que c’est passionnant. J’ai demandé à Robert King de faire sa Cérémonie de Couronnement de Georges II de Haendel, dont on connait principalement les quatre anthems. Quand l’entrée de tambours et de trompettes est jouée par ceux qui le font encore aujourd’hui à Westminster (comme on ne leur a pas coupé la tête, ils continuent de le faire là-bas !), ça fait de l’effet. Puis, quand on arrive à Zadok the Priest, c’est la porte du ciel ! Mais la condition, c’est d’avoir tout ce qui précède.
Un opéra que vous aimeriez monter ?
J’essaie depuis 10 ans de convaincre mes camarades directeurs d’opéras de monter Marie Victoire de Respighi, œuvre française passionnante qui n’a jamais été jouée en France. Je l’ai découverte par hasard à l’Opéra allemand de Berlin. C’est le seul Grand Opéra sur la Révolution française. Il a été écrit en 1913 et il n’a jamais été créé car la guerre a éclaté. Il n’a été recréé que dans les années 90. Il y a un acte qui se passe dans les prisons sous la Terreur, avec la guillotine : c’est spectaculaire et vraiment très fort. C’est un Grand opéra en français : c’est un peu à nous !