Maria by Callas, exposition à La Seine Musicale
La Seine Musicale inaugurée en avril dernier sur l'île Seguin au Sud-Ouest de Paris se veut un pôle culturel, accueillant des concerts de musique actuelle (Bob Dylan, Herbie Hancock ou Michel Sardou) comme de musique classique (retrouvez nos comptes-rendus), tout en hébergeant l'Académie Jaroussky ainsi que des expositions. La première d'entre elles est dédiée à la première chanteuse lyrique d'entre toutes : Maria Callas, La Divina.
L'exposition propose un parcours à travers la vie de La Callas, guidé par sa voix (en italien, en anglais parfois, mais surtout dans son excellent français : la parole remet immédiatement à l'oreille les échos de sa Carmen, puis de tous ses rôles). Le spectateur reçoit à l'entrée un casque audio muni d'une zappette, il lui suffira alors de pointer et cliquer vers les nombreux documents dans les salles et le long couloir serpentant sur 800 m² de surface d'exposition pour entendre La Callas narrer sa vie en interviews et chanter ses plus grands rôles.
Les documents vidéos exceptionnels brossent littéralement l'intégralité de la carrière (qui se confond avec la vie) de La Callas : depuis le premier enregistrement amateur d'une de ses prestations scéniques (la Norma de Trieste en 1953), jusqu'aux dernières images de ses vacances, avant celles de ses obsèques dans les rues de Paris, son cercueil chargé de fleurs salué par les "Bravo !"
Une longue fresque parcourt l'exposition, présentant chronologiquement les jalons de sa carrière en autant de lieux conquis (Athènes, Italie, Mexico), de rôles (Lucia et Traviata notamment), présentant aussi son histoire. Bien avant "Masterclass" et "Ultime tournée", "Métamorphose" est une élégante métaphore pour témoigner de sa transformation physique au milieu des années 1950 (les dizaines de kilos perdus et l'allure de diva acquise, volontairement modelée sur Audrey Hepburn dans Vacances romaines). "La Sainte famille" reproduit sa loge, avec table de maquillage mais surtout la Madone de Giambettino Cignaroli sans laquelle elle refusait de monter sur scène.
Les salles sont pleines d'objets (bijoux, costume, pochettes de disques, photographies dédicacées ou de vacances, tickets et programmes de représentations comme autant de jalons dans l'histoire de la musique).
Pourtant, tout du long, La Callas dissimule derrière un rire et des périphrases une vie de souffrance, dès ses premiers souvenirs de jeunesse avec le travail musical acharné imposé par sa mère. La jeune artiste poursuivra le labeur, mais finira par couper les ponts avec sa mère, provoquant un scandale public pour la désormais célèbre Callas (au point que son père fera son unique apparition télévisée pour défendre publiquement sa fille). D'autres séparations brutales attendent Callas et parsèment l'exposition, notamment le divorce avec son mentor et impresario Giovanni Battista Meneghini en 1959 et la rupture déchirante d'avec Aristote Onassis dont elle apprend à la télévision en 1968 le mariage avec Jacqueline Kennedy.
Car Maria Callas est présentée dans ses éclatants triomphes (Tosca et Norma à Paris en 1964, la sublime collaboration avec George Prêtre), mais aussi dans ses pires désastres (comme cette Norma de Rome le 2 janvier 1958 durant laquelle est abandonne la scène, sans voix) ou son triste retour avorté avec les répétitions secrètes au Théâtre des Champs-Élysées en 1976. Véritable pop-star, ses frasques sont étalées en couverture des magazines people, présentés dans cette scénographie qui placarde aussi ses lettres d'amour sur les murs.
L'exposition riche prend aussi des allures de rétrospective, abordant le pan cinématographique de sa carrière, la collaboration essentielle avec Visconti mais aussi la Médée de Pasolini que Callas interprète sans voix (sublime témoignage de son talent unique d'actrice).
S'asseyant dans un bon vieux canapé ocre très confortable, face à une antique télévision diffusant un reportage avec La Callas et devant son piano, le tout reconstituant l'appartement de la Diva au 36 avenue Georges Mandel, le visiteur mélomane pourra méditer sur la carrière incandescente de cette artiste et sur des paroles de 1969 qui résonnent avec le tout début de l'exposition et de sa vie : « Ce n'est pas un devoir, ce n'est pas un sacrifice, c'est un amour ».
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