Synopsis
Lady Macbeth du district de Mzensk
Mariée à Zinovy, Katerina se morfond, tyrannisée par son beau-père Boris. Lorsqu'elle rencontre Sergueï, la passion qui s'éveille en elle vire à la folie : après avoir assassiné Boris et Zinovy, elle est arrêtée et conduite au bagne.
Met Live Tosca
Création de l'opéra
Lady Macbeth du district de Mzensk (nom d'une ville située à 300 km au sud de Moscou, à l'Est de l'Ukraine et de la Biélorussie également traduite "Mtsensk", la lettre russe ц se prononçant "ts") est un opéra en quatre actes et neuf tableaux -ou scènes- composé par Dmitri Chostakovitch sur un livret d'Alexandre Preis, d'après le roman russe éponyme écrit en 1865 par Nikolaï Leskov. Ce texte s'inspire d'un fait divers criminel (comme Wozzeck d'Alban Berg composé quelques années avant Lady Macbeth). Au fait divers russe d'une femme assassinant son beau-père, Nikolaï Leskov ajoute dans son histoire un amant (Sergueï) mais aussi un jeune neveu (Fiodor) qu'elle tue également : ces complots meurtriers expliquent le surnom qui lui est donné de Lady Macbeth (d'après le personnage de Shakespeare, qui inspire son mari Macbeth à commettre des meurtres pour devenir Roi d'Écosse). Ce principe de donner un surnom shakespearien à un personnage romanesque mais inspiré de la réalité avait été employé quelques années plus tôt par Tourgueniev dans Le Hamlet du district de Chtchigry (personnage misogyne, en référence à l'abandon d'Ophélie par Hamlet chez Shakespeare).
Le compositeur Chostakovitch et son librettiste Preis décident toutefois d'atténuer l'horreur du personnage principal dans Lady Macbeth du district de Mzensk. Ils suppriment le personnage du jeune Fiodor (pour que ce ne soit plus à l'anti-héroïne de le faire), elle apparaît comme une victime de son amour (pour un employé de son mari, parce que celui-ci la délaisse) et de la société patriarcale des Tsars (elle est maltraitée par son beau-père et les hommes traitent généralement mal les femmes). Elle est finalement déportée au bagne, trompée et se tue en se jetant dans le fleuve glacé de la Volga avec sa rivale, prisonnière prostituée.
Immédiatement après la création de son précédent (et premier) opéra, Le Nez, le 18 juin 1930 au Théâtre Maly de Léningrad, Chostakovitch est intéressé par la réédition du roman de Nikolaï Leskov pour en faire un opéra. Le librettiste Alexandre Preis (qui avait déjà signé le texte du Nez) écrit très rapidement le nouveau texte, la partition prend ensuite deux années à être composée (entre le 14 octobre 1930 et le 17 décembre 1932) car Chostakovitch travaille à d'autre œuvres et vit une histoire sentimentale avec Nina Varzar, celle qui deviendra sa femme et à laquelle sera dédiée Lady Macbeth. Dès que l'opéra est achevé, il est mis au programme et répété par le Théâtre Maly de Leningrad (comme pour Le Nez). L'œuvre y sera ainsi créée le 22 janvier 1934, mais Moscou (au Théâtre d'art) la programme également deux jours plus tard (sous le titre Katerina Izmaïlova, nom du personnage principal). Cette création quasi simultanée et rarissime rappelle d'autres exemples exceptionnellement attendus tels que la double création de La Ville morte le 4 décembre 1920 à Hambourg et Cologne ou la fin du monopole de Bayreuth sur Parsifal.
Il n’y a pas loin du Capitole à la roche Tarpéienne. Comme le rappelle la maxime latine, la Coline du Capitole (lieu de l'honneur ultime réservé aux Généraux à Rome) a pour extrémité au sud-ouest une falaise (la roche Tarpéienne) d'où étaient jetés les criminels. Chostakovitch constatera avec cet opéra que la maxime s'applique cruellement au régime soviétique. Lady Macbeth du district de Mzensk reçoit d'abord un accueil unanime durant des présentations privées (avec des critiques et des membres du Parti Communiste), avant un triomphe lors de la première publique. L'œuvre poursuit sur cette lancée pendant deux années, cumulant 80 représentations à Leningrad et une centaine à Moscou. Elle débute aux États-Unis dès 1935, le 31 janvier à Cleveland, le 5 février à New York, le 5 avril à Philadelphie avant de revenir faire un tour d'Europe l'année suivante.
Mais Staline et les hauts dignitaires du Parti assistent à l'œuvre le 26 janvier 1936 lors de la troisième production, au Bolchoï. Deux jours plus tard paraît l'une des plus terribles condamnations dans l'histoire de l'art : "Le chaos remplace la musique", un article non signé dans La Pravda (ce qui sous-entend qu'il émane directement du Régime, voire de Staline lui-même) condamne une œuvre "discordante", "confuse", un "chaos" loin des canons esthétiques compréhensibles du peuple. Le 6 février, un autre article condamne également le troisième ballet de Chostakovitch, Le Clair ruisseau (avant d'autres articles, que l'artiste accusé recueille en coupures de presse dans un album). La société entière tourne alors casaque contre le compositeur. Le Parti condamne ces œuvres, frappées d'interdiction. Chostakovitch doit attendre la déstalinisation de l'Union Soviétique, soit une dizaine d'années après la mort de Staline pour reprendre son opéra à Moscou, mais dans une version remaniée et atténuée toutefois (il lui donne même un autre numéro d'opus et un autre nom : l'habitude est prise de parler de Lady Macbeth du district de Mtsensk opus 29 pour la première version composée entre 1930 et 1932, mais de Katerina Ismailova opus 114 pour celle de 1954-1963). C'est dans cette version de 1963 que l'œuvre est reprise cette même année à Londres, puis créée en France (à Nice en avril 1964) avant un tour du monde. La version d'origine reprend son monopole à partir des années 1980 et elle marque également les premières années de Bastille, entrant au répertoire de l'Opéra de Paris le 4 février 1992 (deux ans et demi après l'inauguration de la Bastille), mise en scène par André Engel et dirigée par Myung-Whun Chung. Elle y revient en 2009 dans une nouvelle production de Martin Kusej puis en 2019 par Krzysztof Warlikowski.