À propos de ce lieu
Le Teatro di San Carlo est le plus vieil opéra encore utilisé de nos jours. Fondé à l’initiative de Charles III d’Espagne, œuvre des architectes Giovanni Antonio Medrano et Angelo Carasale, son inauguration le 4 novembre 1737 est en effet antérieure de plusieurs décennies à celle de la Fenice vénitienne et de la Scala milanaise. Avec sa disposition innovante en fer à cheval, la salle deviendra le modèle des théâtres dit « à l’italienne » qui se construiront dans toute la péninsule puis dans toute l’Europe. D’une capacité conséquente pour l’époque, avec près de 1 400 places, la salle traduit la réalité politique d’alors, puisqu’elle est voulue comme une démonstration de pouvoir du roi : le Teatro di San Carlo est adossé au palais royal, et les bâtiments communiquent, ce qui permet au roi d’aller directement jusqu’à sa loge sans passer par l’extérieur.
La première œuvre qui y est donnée est Achille in Sciro de Domenico Sarro, sur un livret de Métastase. A cette époque, le baroque napolitain est en pleine floraison, et la salle accueille les plus éminents élèves des conservatoires de la ville, comme Leonardo Vinci, Niccolò Jommelli, Niccolò Porpora et Domenico Sarro. Il s’y joue seulement des opera seria, les opéras bouffe se donnant dans d’autres salles de la ville, tradition que se fait ressentir longtemps dans l’histoire du théâtre. Naples attire également des personnalités comme Christoph Willabald Gluck, qui y crée sa version de La Clémence de Titus (1752) et Johann Christian Bach, qui y produit deux œuvres, Catone in Utica (1761) et Alessandro nell’Indie (1762). Un peu plus tard, les deux personnalités majeures sont Domenico Cimarosa et Giovanni Paisiello. Ce dernier est nommé « surintendant de l’Orchestre de San Carlo » à partir de 1787.
Le début du XIXe est une période faste pour Naples, qui voit la création d’œuvres destinées à rester au répertoire. La période bonapartiste voit d’importants travaux, notamment la création de la façade entre 1808 et 1809, qui a l’aspect néoclassique que nous connaissons actuellement. C’est également l’arrivée du grand impresario Domenico Barbaja à la tête du San Carlo. Il y restera jusqu’en 1840. C’est en partie grâce à l’influence de ce dernier que peu après la chute de l’Empire, Rossini accepte de devenir Directeur musical de la salle, où il crée Elisabetta, regina d’Inghilterra
C’est ensuite Donizetti qui prend la direction du San Carlo de 1822 à 1838. Son contrat draconien avec Barbaja l’oblige à composer quatre opéras par an. Quoiqu’il ne tienne finalement pas cette cadence implacable, il crée toutefois plus de dix-neuf de ses œuvres pour la salle, et non des moindres : Lucia di Lammermoor (1835) en premier lieu, mais aussi Maria Stuarda (1835) et Roberto Devereux (1837). A la même époque, le San Carlo voit également une création de Bellini, Bianca e Fernando (1825).
Au moment des troubles liés au Risorgimento, la répression politique empêche Naples d’accueillir une autre première historique. En effet, si Verdi ne peut manquer de passer par le San Carlo, où il crée deux opéras, Alzira (1845) et Luisa Miller (1849), il ne peut y donner Un Bal Masqué, alors même qu’il compose l’œuvre pour Naples. Cette histoire de régicide semble séditieuse au pouvoir local, qui interdit la première. L’œuvre est finalement créée au Teatro Apollo de Rome en 1859.
À partir de la fin du XIXe, la salle accueille moins de premières importantes, mais s’ouvre à Wagner, sous l’impulsion du maestro Giuseppe Martucci. La première moitié du XXe est également freinée par les conflits ambiants. Le San Carlo est d’ailleurs la première scène italienne à rouvrir après la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Dans la seconde moitié du XXe, la salle est marquée par la venue des plus grands chefs et des plus grandes voix de l’époque, à commencer par Karl Böhm qui y donne un Wozzeck mémorable en 1949. La même année, Maria Callas y effectue sa prise de rôle d’Abigaïlle dans Nabucco. Plus tard, Igor Stravinsky, Luciano Pavarotti, Montserrat Caballé, Placido Domingo et Riccardo Muti ne manqueront pas de s’y produire.
La salle accueille environ dix opéras par saison, aussi bien des mises en scène propres que des productions d’autres scènes italiennes. Depuis 2010, quelques mises en scène ont lieu au Teatrino di Corte, le plus souvent des œuvres baroques, qui mobilisent des ensembles de taille réduite.