Le jeune sage et le vieux fou : Méhul à l’honneur à l’Opéra de Reims
L’Ensemble Les Monts du Reuil se fait une spécialité de permettre au plus grand nombre de découvrir des œuvres composées entre la fin du 18ème siècle et le début du 19ème, soit en pleine période révolutionnaire, puis étant tombées dans l’oubli. C’est le cas de cette œuvre de Méhul, Le jeune sage et le vieux fou, programmée par l’Opéra de Reims. En ce jeudi après-midi, c’est un public scolaire qui est invité à assister à une réduction de l’ouvrage (plusieurs airs ont dû être coupés afin d’adapter la durée du spectacle à l’âge des spectateurs). Ce public exigeant rit de bon cœur devant les facéties et quiproquos prévus par le livret. Afin d’assagir son père, un jeune philosophe cherche à lui trouver une épouse, quitte à lui promettre de se marier également. Justement, une jeune femme et sa tante font leur connaissance : il ne reste plus alors qu'à déterminer comment agencer les deux couples pour satisfaire au mieux tous les protagonistes. Entre désirs propres et renoncements altruistes, les fiancés en herbe peinent à trouver leur moitié.
Hadhoum Tunc dans Le Jeune sage et le vieux fou (© Florent Mayolet)
La mise en scène de Juan Kruz Diaz de Garaio Esnaola repose sur un jeu de panneaux qui se meuvent au fil de l’opéra pour figurer divers espaces et états psychologiques. Les décors sont ainsi bien ordonnés au lever de rideau, présentant une peinture mat (figurant la rigidité d’esprit du jeune sage), avant de se trouver de plus en plus disloqués. Les panneaux retournés présentent alors des miroirs qui questionnent les intentions des personnages et mettent en exergue la symétrie des couples à former. Les panneaux s’envolent finalement, renvoyant des projections lumineuses à travers la salle, lorsque le philosophe cède à ses sentiments.
Denis Mignien et Hadhoum Tunc dans Le Jeune sage et le vieux fou (© Florent Mayolet)
L’ensemble, composé de dix instrumentistes, est positionné sur scène et s’intègre à cette mise en scène : d’abord assis autour d’une longue table (dont le piano-forte forme l’une des extrémités) en fond de scène, ils jouent plus tard à « Un, deux, trois, soleil » avec les chanteurs. Maîtrisant son sujet, il rythme le propos (à l’image des ravissants violons sautillants) sans jamais couvrir le chant.
Le Jeune sage et le vieux fou par Juan Kruz Diaz de Garaio Esnaola (© Florent Mayolet)
Les solistes caractérisent chaque personnage, montrant une réelle attention portée à la direction d’acteurs. En revanche, les hésitations sur le texte, dont la compréhension est parfaite de bout en bout sans surtitres, sont nombreuses (probablement générées par les coupures spécifiques à cette représentation scolaire, qui perturbent forcément les automatismes). Vocalement, les quatre solistes présentent des voix ayant en commun leur générosité et leur manque de structure. La soprano Hadhoum Tunc (entendue récemment dans Little Nemo à Nantes) interprète Cliton, le jeune philosophe. Sa voix est lyrique et très à son aise dans ce répertoire, à l’exception de quelques passages plus introspectifs dans lesquels un voile semble la gêner. Son père Merval est campé par Denis Mignien, qui place la priorité sur sa prestation théâtrale, drôle et engagée, plus que sur son chant, propre mais sans sel. La tante Elise bénéficie de la folie d’Antonine Bacquet, qui se montre nuancée mais dont la projection manque parfois de vigueur. Enfin, la jeune Rose d’Anne-Marie Beaudette est exagérément niaise dans ses parties parlées. La beauté du timbre en est toutefois d’autant plus frappante dans les parties chantées. Sa voix profonde et son phrasé baroque font la démonstration de la technique de l’interprète qui dispose en outre de très beaux aigus. L’Ensemble Les Monts du Reuil affiche déjà de nombreux projets, dont Ôlyrix ne manquera pas de se faire l’écho.