Des Amants magnifiques à l'Opéra de Massy
Composé puis donné en 1670 par Jean-Baptiste Lully et Molière, Les Amants Magnifiques fait preuve d’innovation et d’ingéniosité. L’enjeu est de taille pour divertir le roi Louis XIV qui apprécie toutes les formes d’art : il faut créer une œuvre à sa mesure en incluant à la fois de la danse, du théâtre et de la musique. Une sorte de première comédie musicale ! Bien que cette comédie-ballet puisse paraître banale aujourd’hui, elle se révèle d'une impressionnante nouveauté pour l'époque. Le défi de la représentation de ce samedi soir consistait donc à conserver le climat baroque de cette œuvre qui n’a pas été jouée depuis près de trois cents ans, tout en la modernisant.
Les amants magnifiques par Vincent Tavernier (© Erwan Floc'h)
La mise en scène est à ce titre très satisfaisante. Malgré un début fastidieux représentant une tempête suivie d’un plongeon dans les abysses, le public avance progressivement dans le charme "Rococo" de l’époque. Vincent Tavernier reconnaît avoir eu une importante responsabilité en dirigeant artistiquement cet ouvrage oublié. Néanmoins, l’ampleur de la présence scénique est bien visible : les trois arts certes distincts (le chant, la comédie et la danse) se partagent véritablement l'ensemble de la scène. Quand ils ne jouent pas, les musiciens prêtent une écoute amusée aux comédiens. Un réel investissement se fait sentir de la part de tous, les artistes montrant un plaisir certain à jouer. Le public entre dans les festivités comme dans une intimité royale. Les décors de Claire Niquet, faits à partir d’éléments simples mais travaillés, offrent un visuel charmant et poétique. Les costumes éclatants remplis de couleurs vives confectionnés par Erick Plaza-Cochet embellissent la salle tout en apportant une touche moderne par leur forme ou leur couleur, telles que les robes blanches ornées de pétales de fleurs. Les lumières de Carlos Perez retiennent l'attention par leur réalisme. La chorégraphie de Marie-Geneviève Massé est légère, amusante et restitue la danse typiquement baroque. La scène finale est un moment symbolique où un danseur incarnant le Roi Soleil exécute sa dernière danse, et évoque ainsi le contexte premier de ce divertissement qui fut la dernière apparition dansée sur scène du roi Louis XIV. Les spectateurs s'attendraient presque à apercevoir Lully et Molière pour couronner le tout.
Les amants magnifiques par Vincent Tavernier (© Jean-Louis Danan)
Au théâtre se mêle la musique. Le Concert Spirituel, l'un des plus prestigieux orchestres baroques français et son chef renommé Hervé Niquet se montrent à la fois professionnels et détendus. Les neuf comédiens de la pièce forment un ensemble de qualité et donnent vie à ce récit tourmenté par l’amour et la rivalité. Dans le rôle de la princesse Aristione, Mélanie Le Moine assure son rôle de gouvernante et de mère avec bienveillance. Marie Loisel joue avec aisance sa fille, la Princesse Eriphile. Cléonice, interprétée par Claire Barrabès est prometteuse. Laurent Prévôt s’est montré à la fois modeste et remarquable dans le rôle de l’amoureux secret contraint de faire face à la rivalité des deux princes joués par Maxime Costa (Iphicrate) et Benoît Dallongeville (Thimoclès). Pierre-Guy Cluzeau, dans le rôle du bouffon et conseiller Clitidas, se montre drôle et enfantin à travers ses nombreuses imitations d’animaux et ses actions farfelues. Dans les petits rôles d’Anaxarque et de Cléon, Quentin Maya Boyé et Olivier Berhault révèlent un bel investissement sur scène.
Les amants magnifiques par Vincent Tavernier (© Jean-Louis Danan)
Côté chant, la distribution est d'une aussi grande qualité. Les sur-titrages étant absents, le défi est de se faire comprendre. Les chanteurs y parviennent tout en se montrant très complices entre eux. La mezzo-soprano Lucie Roche tient les rôles de la Nymphe de Tempé et de la Prêtresse. La voix est imposante et chatoyante. Également mezzo-soprano, Eva Zaïcik possède une voix envoûtante et contrôlée. Dans le rôle de Cimène, du Premier amour et de la Première grecque, la soprano Margo Arsane capte l’attention du public par sa voix douce et légère. Quant aux hommes, ils sont délicats sur chaque note : les ténors Clément Debieuvre (Lycaste et le Deuxième grec) et Martial Pauliat (Ménandre et le Troisième amour) se révèlent légers dans leurs rôles respectifs. Les deux barytons Laurent Deleuil (Tircis) et Victor Sicard (Philinte et le Troisième amour) sont subtils dans leurs mélodies. Enfin, les basses Geoffroy Buffière (Eole et le Deuxième satyre) et Virgile Ancely (Le Triton, le Premier satyre et le Troisième grec) relèvent une voix masculine et virile.
La représentation des Amants Magnifiques à Massy est ainsi la résurrection d’une œuvre, mais également le rappel d’un genre que nous considérons comme populaire aujourd’hui, la comédie musicale. Ce chef d’œuvre, résultat de la collaboration Lully/Molière, mérite amplement de sortir de l’ombre et d’être connu d'un plus large public.
Êtes-vous déjà allé à l'Opéra de Massy ? Partagez vos souvenirs en commentaires !