Création exaltée sous les ors byzantins au Festival de Ravenne
Le Ravenna Festival articule les arts du spectacle (danse, théâtre et musique) en réunissant des artistes internationaux et locaux, le tout avec la promotion d’un patrimoine unique, l’héritage byzantin de cette ville de Ravenna, où, après la chute de Constantinople, se réfugièrent à la Renaissance, nombre de chrétiens d’orient.
Joseph Haydn, après avoir entendu maints oratorios de Haendel lors ses séjours anglais, se lança dans l’entreprise de "La Création", sur un ancien livret anglais, inspiré de la Bible et du Paradis perdu (Paradise lost) de Milton, puis traduit en allemand par Gottfried van Swieten. La Création du monde, des éléments, des animaux, puis de l’humanité, est narrée par trois anges, Gabriel (soprano), Uriel (ténor) et Raphaël (basse), soutenus par l'orchestre et secondés par le chœur, jusqu’à l’entrée d’Adam (basse) et Ève (soprano). À la différence de Haendel, Haydn resserre le discours en une œuvre dense et d’une grande variété d’écriture, avec ça et la des réminiscences de mélismes mozartiens.
L'orchestre, l’Accademia Bizantina dirigée par Ottavio Dantone restitue l'éloquente évocation des éléments par l’usage d’une gamme très riche et subtile de nuances dynamiques, le tout avec un art du contraste brusque et une riche palette de couleurs. La phalange de format « Mozart » fait corps avec son chef, lequel sculpte le son, vibrant et homogène, avec des pupitres équilibrés et une virtuosité saisissante dont jaillit la lumière. Le Philharmonia Chor Wienpréparé par Walter Zeh s’adonne à la même qualité et au même raffinement : il amplifie les éléments des parties solistes, lui aussi dans toutes les nuances dynamiques. La qualité de la prononciation s'allie à la virtuosité d’exécution des coloratures.
La représentation de la création des animaux, parfois cocasse dans la musique, est hélas moins bien relayée par les solistes concernés. Martin Vanberg, en Uriel, dispose d'un ténor de format mesuré, manquant de la dimension nécessaire à l'œuvre et à l'acoustique. La voix peut évoquer celle attendue chez les évangélistes de Bach, mais sans le déploiement spatial ni l’aisance scalaire qui vont avec (notamment le grave peu audible, et l'aigu serré).
Charlotte Bowden, pour la partie de Gabriel, dispose d'un coloris comparable mais sa projection et son étendue viennent irradier dans les tutti avec efficacité. La prononciation est de qualité, les coloratures aisées, le vibrato nerveux et subtil à souhait mais les attaques sont souvent en voix droite avant de se libérer.
André Morsch prête sa voix de baryton-basse à Raphaël. Le timbre est séduisant et chaleureux, mais presque toujours feutré. La sonorité s'apprécie dans la veine des mélodistes, mais obère un peu le réel souci d’expression dramatique qu’il démontre tout de même, en particulier en assumant la partie d’Adam. Les graves sont audibles avec la complicité raffinée du chef, les aigus sont assez sonores.
Le public, qui emplit cet écrin patrimonial et esthétique, témoigne de son enthousiasme envers la soirée et les artistes.