Voyage au pays de Maurice Ravel avec l'Académie de l'Opéra Comique
Cet hommage explore une tout autre facette que celle également à l'affiche de l'Opéra Comique ce mois-ci (la Salle Favart réunissait en diptyque Pulcinella d’Igor Stravinsky et L’Heure espagnole de Maurice Ravel). Loin des amants cachés dans les placards (et les horloges), le programme est avant tout pensé à destination d’un public familial, avec “Ma Mère l’Oye”, ainsi que les Histoires naturelles, public qu'il fait voyager avec les Chansons madécasses et Cinq mélodies populaires grecques, sans oublier d'offrir les deux derniers des trois mouvements du Concerto en sol avec la pianiste Héloïse Bertrand Oléari : une large palette sonore propice à l’imagination.
Dans cet esprit de joie et de bonne humeur, la soprano Ludmilla Bouakkaz ne s'en distingue pas moins par une présence scénique rayonnante. Elle utilise un vibrato léger qui enrichit sa voix, et bien que ses notes médiums soient un peu plus discrètes, ses aigus, en revanche, sont clairs et précis, accompagnés d'une bonne articulation du texte le rendant parfaitement compréhensible.
Bien que l'articulation de la soprano Camille Chopin ne soit pas totalement présente, rendant difficile la compréhension des textes, sa performance vocale s'exprime particulièrement dans les aigus, où brille son timbre cristallin. Sa ligne vocale se distingue par sa fluidité et sa précision, témoignant de son raffinement.
La soprano Floriane Derthe a une voix lyrique marquée par un vibrato rapide qui ajoute de la profondeur à sa musicalité. Elle injecte une énergie dynamique dans ses inflexions vocales, rendant sa performance vivante et entraînante. Son timbre est clair et placé, ce qui permet à sa voix de ressortir nettement, même accompagnée par l'orchestre.
Juliette Gauthier délivre un chant méticuleux avec un timbre riche et complexe dans les notes moyennes, et qui devient plus léger et fluide dans les aigus. Elle maîtrise l'art de prolonger son souffle, permettant de longues phrases musicales sans interruption.
Marion Vergez-Pascal a tendance à être légèrement en retrait, bien qu'elle brille clairement dans les passages aigus. Les notes graves de sa tessiture sont parfois difficiles à discerner lorsqu'elle est accompagnée par l'orchestre. Cependant, sa ligne vocale dessine des couleurs chaleureuses.
Abel Zamora, ténor, possède une voix au timbre doux et feutré qui attire immédiatement l'attention. Sa prononciation et son articulation sont claires et précises, ce qui rend chaque parole distincte et compréhensible. Ces qualités lui permettent de livrer des performances à la fois agréables à écouter et expressives, mettant en valeur son habileté et sa technique vocale.
Héloïse Bertrand Oléari, au piano, joue avec une grande précision, mettant en valeur chaque note de manière claire et intentionnelle. Son interprétation est profondément expressive, montrant une connexion réelle avec la musique. Elle maîtrise parfaitement la technique du clavier, ce qui lui permet de jouer les passages les plus complexes avec aisance. Sa performance est à la fois technique et pleine de vie. Elle n'hésite pas à affirmer son engagement corporel, imageant les intentions de la musique.
Benoît Grenet apporte au violoncelle un jeu profondément expressif, son visage reflétant l'émotion de chaque note. Sa performance est nuancée et subtile, montrant une grande sensibilité musicale et une connexion avec les œuvres qu'il interprète.
Marina Chamot-Leguay garde un rythme stable malgré la complexité de l'enchevêtrement rythmique de la partition de Maurice Ravel. Alternant flûte traversière et piccolo, elle délivre un son rond et joue avec une telle délicatesse que le son du clétage est imperceptible, même dans la belle acoustique de la salle Favart (et l'écoute attentive de l'auditoire).
L'Orchestre de chambre de Paris produit un son plein et chaleureux, avec des textures variées qui traduisent la richesse de l'harmonie et de l'orchestration. Chaque section contribue à cette diversité sonore, offrant un mélange équilibré et détaillé qui rend l'écoute à la fois agréable et intéressante. L'attention portée à l'équilibre des différentes parties permet à l'orchestre de créer un paysage sonore nuancé et captivant, où chaque instrument a sa place et contribue à l'effet global.
Le chef d'orchestre Louis Langrée, par ses gestes angulaires et tranchés, sculpte l'espace avec précision, chaque mouvement marquant la partition de son empreinte. Ses bras se déploient par moment, de manière plus ostensible, tissant des liens visibles avec les différents pupitres, les invitant à s'exprimer pleinement. Au fil de la performance, sa direction se métamorphose, gagnant en fluidité et en souplesse à mesure que les premières notes du piano s'élèvent.
Dès la conclusion de la première œuvre, les acclamations fusent, le public enthousiaste scandant des "bravo" en signe d'appréciation et d'admiration. La salle, accueillant un public varié notamment en âge, se transforme en un espace vibrant de convivialité et de partage culturel. La soirée, riche en couleurs musicales et émotionnelles, atteint son apogée sous une cascade d'applaudissements nourris, marquant la fin de l'événement.