Gloria à l’Opéra Orchestre National de Montpellier !
Au lendemain de la journée internationale des droits des femmes, une compositrice est mise à l’honneur et il s'agit de Charlotte Sohy, malheureusement tombée dans un relatif oubli. Le programme s'amorce ainsi avec ses Méditations pour soprano et orchestre dont elle a également écrit le livret. Bien que composées en 1922, l’orchestration n’a été achevée que récemment, en 2019 par François-Henri Labey, petit-fils de la compositrice. Elles font écho par leur dimension chrétienne plus ou moins explicite dans les paroles au Gloria de Francis Poulenc qui clôt le programme avec majesté. Entre les deux se glisse l’incontournable Quarantième Symphonie de Mozart.
Victor Jacob tire le meilleur de l’orchestre résident. Il dirige à la baguette d’une gestuelle claire. L’orchestre est ainsi précis, bien coordonné dans les nuances et net dans les arrêts. Les transitions apparaissent vives mais pas abruptes ce qui renforce leur effet. Les musiciens sont engagés et suivent la cadence impeccablement même dans les rythmes les plus effrénés du dernier mouvement de la symphonie. Il se montre incisif quand il faut, en particulier les sections de violons qui dessinent les angles pointus du premier mouvement du Gloria. Une attention est aussi portée aux couleurs, en particulier pour les bois de la symphonie mais surtout dans le tableau impressionniste de Charlotte Sohy à qui il donne des accents Debussyste (notamment au troisième mouvement). Le volume général est fort et pertinent tout en s’adaptant au chant qui est mis en exergue et jamais couvert, quitte à contraster ensuite avec celui-ci dans le Gloria en particulier en proposant des élans de puissance sur les parties orchestrales. Le caractère dramatique de la symphonie de Mozart et surtout de son premier mouvement est aussi souligné, l’orchestre s’éloigne ainsi de la légèreté de ses premières compositions pour la rapprocher de Beethoven.
Le Chœur de l’Opéra National de Montpellier, préparé par Noëlle Gény, se déploie avec une progression implacable et homogène dans le premier mouvement du Gloria. Les pupitres masculins sont mis en valeur et convainquent par la fermeté de leur voix. Les harmonies avec l’orchestre comme avec la soliste sont travaillées. La synergie de l’ensemble est évidente. Les jeux avec l’orchestre puissant et solennel dans les dialogues du Qui sedes ad dexteram Patris sont fluides.
Dans le Gloria, Lucie Peyramaure marque le public par ses aigus aussi souples et tranchants qu’une fine lame. Le timbre est cristallin, ce qui convient mieux au Gloria qu’aux Méditations. Les graves y sont d’ailleurs moins exposés. Le phrasé est direct et donc percutant dans le Gloria. Il colle à la musicalité des mots, plus qu’à leur sens dans les Médiations. Dans ces dernières, les notes sont travaillées avec juste ce qu’il faut d’effets. Les vocalises clôturant la Joie (en écho probablement dans le texte au paradis) chatoient et soulignent leur connotation céleste. La ligne de chant parait cependant un peu raidie dans ces méditations, en particulier pour la Confiance. La tessiture manque aussi d’ambitus dans le grave pour révéler toutes les couleurs et la profondeur de ce texte composé à une époque où la chaleur de timbre des sopranos dramatiques était encore très recherchée.
Amenant les auditeurs à parcourir un XXème siècle spirituel, en faisant un léger détour par le XVIIIème, entre symphonie, musique sacrée et mélodie, Victor Jacob aura su révéler l’étendue et la qualité du répertoire de l’Opéra Orchestre National de Montpellier. Le public les récompense par ses applaudissements nourris et pour ceux qui n’en auraient pas eu assez, le chef reviendra dans la ville diriger Carmina Burana le mois prochain.