Le loup réinventé : une aventure lyrique et jeunesse à Bastille
Cette œuvre, divisée en trois actes, renverse l'histoire traditionnelle : ici le loup échappe à des chasseurs et cherche refuge chez deux cochons effrayés qui le rejettent. Seul et désorienté, il rencontre Rosa, une jeune fille qui lui propose de construire ensemble une fusée pour atteindre la lune. Leur projet est interrompu par un chasseur qui capture le loup, mais ce dernier s'échappe. Après leur séparation, le loup atteint la maison de la grand-mère de Rosa avant elle et y trouve le chasseur déguisé, prêt à l'attaquer. Rosa arrive à temps pour sauver le loup.
La scénographie et les lumières, conçues par Stef Stessel, combinent simplicité et efficacité pour narrer cette histoire. La scène, ornée d'un petit jardin et entourée par l'orchestre, révèle des surprises telles que des portes et des arbres surgissant, culminant avec le quasi-lancement d'une roquette avec le loup à bord. Les éclairages, suivant une palette de jaunes chauds, finissent par tourner et envelopper le public, accompagnant le solo final.
Les costumes (Lotte Boonstra avec Eli Verkeyn et Stefania Assandri) sont simples mais évocateurs, avec un loup masqué, des chasseurs en tenue, des cochons avec queues en tire-bouchon, et Rosa avec sa cape rouge emblématique, complétant l'immersion dans le conte.
L'Ensemble instrumental Spectra, avec sa composition variée réunissant violoncelle, clarinette, percussions, et guitare électrique, soutient l'histoire dans un alliage musical fusionnant habilement des éléments de musique modale et contemporaine. La voix est pour sa part ancrée dans la tradition lyrique, avec un phrasé de récit à la dynamique moderne. La partition offre une progression de tension narrative, avec simplicité et cohérence, se concentrant sur un déroulé fluide qui accompagne fidèlement les actions et les émotions des personnages.
Le rôle du loup, interprété par le contre-ténor Fernando Escalona, se distingue par une présence scénique riche et une évolution marquée du personnage au fil de l’histoire. Sa voix, alliant clarté et couleur, démontre notamment sa maîtrise dans l'utilisation de la voix de tête pour atteindre des notes hautes avec une force étonnante, rivalisant avec la puissance des chanteuses.
Pauline Texier, dans les rôles de Rosa, du chasseur et d'un cochon, utilise une voix mélodieuse et douce, favorisant une clarté dans la diction essentielle à la compréhension du texte par le jeune public. Sa présence scénique communique efficacement avec des mouvements investis.
Lise Nougier, incarnant le second cochon et chasseur, offre une performance vocale puissante et chaleureuse, en accord avec son personnage d'antagoniste de l'histoire. Sa voix, riche et ample, apporte une dimension dramatique à la poursuite du loup.
La direction musicale de Ramon Theobald se distingue par son homogénéité tout au long de l'œuvre, sachant favoriser la clarté des éléments vocaux classiques avec une liberté artistique plus marquée du côté de l'orchestre. L'accompagnement instrumental, toujours au service du récit, se caractérise par une construction dramatique nuancée et une richesse sonore, notamment dans l'utilisation de percussions, riches et ludique pour le public scolaire.
Cette production offre ainsi une nouvelle perspective sur les figures traditionnellement antagonistes des contes pour enfants, invitant à une réflexion sur les préjugés. L'approche innovante de la mise en scène, la performance vocale et la composition musicale contemporaine enrichissent cette œuvre, la rendant accessible et engageante pour un public jeune.
L'accueil enthousiaste des spectateurs de l'Amphithéâtre Bastille (pour cette production de l'Académie maison) est marqué par d'intenses applaudissements. Enfants et parents, réunis pour l'occasion, manifestent leur appréciation, soulignant l'impact et la résonance de cette histoire revisitée, à travers les générations.