Une Flûte enchantée - le souffle participatif à l'Opéra Grand Avignon
Pour cette saison placée à l’Opéra Grand Avignon sous le thème de la Magie, le directeur Frédéric Roels, poursuit dans sa tradition de l’opéra participatif avec une version d’une heure et quart de l’un des opéras les plus célèbres de Mozart. « Une flûte enchantée - le souffle de la paix » invite le public à chanter quelques extraits depuis la salle lors de la représentation en suivant le texte rouge sur les écrans de sur-titrages, sous la direction de la cheffe d’orchestre. L'adaptation insiste sur une dimension pacifiste, visant à arrêter une bonne fois pour toutes la guerre (entre la Reine de la Nuit et Sarastro) comme le proclame le chœur final.
Pour assurer une bonne participation du public, l’Opéra d’Avignon organise en amont des ateliers d’apprentissage des chants assurés par Aurore Marchand, tout en invitant le jour J les enfants de la Maîtrise à encourager et soutenir les spectateurs timides.
Dans le but de rendre l’opéra accessible au plus grand nombre, l’Opéra organise également des ateliers à destination des personnes malentendantes et malvoyantes, avec une présentation de l’histoire en langue des signes, une tablette tactile des personnages en braille, une maquette du décor réalisée par des jeunes de l’IME Saint-Ange de Montfavet, des "ateliers vibratoires et sonores" ainsi qu'une visite tactile du plateau après le spectacle.
La mise en scène de Caroline Leboutte présente l’histoire comme un reportage en direct, assuré par Madeleine Peylet et Marco Guillemet, représentant la presse. L’histoire, adaptée aux enfants, est raccourcie et ne garde que l’essentiel pour comprendre l'intrigue et proposer, bien évidemment, les airs les plus importants de l'œuvre. Le décor, signé Aurélie Borremans, est simple, mais efficace : une rampe en bois occupant tout le plateau sert aux différents personnages de cachot, de poste de pêche, de tour, parmi d’autres utilisations. Derrière la rampe, un grand rideau blanc à lanières sur lequel sont projetées les lumières et vidéos signées Nicolas Olivier et Damien Petitot respectivement, sert à placer les personnages dans différents endroits. Les costumes, d’Aurélie Borremans également, sont riches de couleurs brillantes et donnent aux personnages un aspect féerique.
Le jeune prince Tamino est interprété par le ténor Julien Henric, dont le costume consiste tout simplement en un t-shirt et un short. Il ouvre le spectacle avec un "Zu Hilfe" plus court que la version originale, mais cela ne l’empêche pas de montrer son timbre clair et sa voix corsée avec une belle projection, qui remplit toute la salle et ressort même dans les ensembles. Il est de surcroît à l'aise dans toute la gamme, et offre une interprétation très dynamique.
La soprano Charlotte Bonnet interprète Pamina et la Deuxième Dame avec prestance sur scène. Elle fait valoir une voix ronde et charnue mais également des aigus brillants, bien soutenus et vibrés. Sarastro, le Grand-Prêtre du Royaume de la Lumière, est incarné par le baryton-basse Jean-Denis Piette, avec une voix dans l'ensemble large et projetée mais ses graves sont parfois un peu légers et ses voyelles restent par moments fermées. Il ajoute cependant à son chant un sens de l’humour drôle et attachant. La soprano franco-espagnole Inés Lorans interprète la Reine de la Nuit et la Première Dame. Elle propose un timbre clair aux aigus brillants. Sa voix très agile lui permet d’exécuter des vocalises souples et sûres. Cependant, sa présence vocale est en retrait dans les airs les plus célèbres (et difficiles), le son restant ténu et les fins de phrases peu vibrées. Le baryton Timothée Varon interprète l’oiseleur, Papageno. Très drôle et dynamique dans son jeu théâtral, il se démarque grâce à une voix qui semble naturellement puissante et profonde, avec un timbre riche. Malgré quelques petits décalages avec la fosse, il se montre réactif et arrive rapidement à rattraper le résultat sans rien montrer au public. Papagena est confiée à la mezzo-soprano Julia Deit-Ferrand (qui interprète aussi la Troisième Dame). Elle fait montre d’une voix ronde et d'un timbre velouté qui colore son chant, le tout accompagné d’un vibrato bien marqué et d’un jeu scénique très vif.
L’Orchestre National Avignon-Provence soutient les chanteurs et s’adapte facilement aux changements d’ambiance sur le plateau, comme aux changements de tempi demandés par la cheffe. Débora Waldman, comme à son habitude, déploie de grands gestes très clairs et précis, visibles de loin par le public lors des passages les plus animés.
Le spectacle se termine ainsi fusionnant les voix très distinctes des solistes avec la masse sonore venant de la salle : les voix claires des enfants de la Maîtrise et d’un public qui répond, enthousiaste, aux répliques des chanteurs en faveur de la paix et l’amour. Le public remercie donc les artistes pendant de longues minutes et les rappelle plusieurs fois.