Te Deum en pleines lumières aux Invalides
De récentes redécouvertes grâce aux travaux de recherches dans les fonds de l’Académie du concert de Lyon ("grande institution musicale lyonnaise au XVIIIe siècle") permettent de remettre désormais en lumière un motet (pièce vocale polyphonique), "Usquequo Domine" d'Henry Desmarest, ainsi que son Te Deum dit « de Lyon » (pour le distinguer d’un autre, de jeunesse, dit « de Paris »). Ce Te Deum redécouvert vient ainsi résonner au programme avec le très célèbre Te Deum de Marc-Antoine Charpentier (le thème musical de l'Eurovision) dans la lumière rayonnant dans la Cathédrale Saint-Louis des Invalides. Les échos entre le programme et ce lieu sont d'ailleurs historiques et multiples : c'est notamment parce qu'il était très pris par la composition de motets qu'Henry Desmarest ne put mener la carrière qui l'attendait à la Cour de Louis XIV (fondateur des Invalides).
Louis-Noël Bestion de Camboulas et son ensemble Les Surprises viennent ainsi mettre et remettre en pleine lumière ce répertoire en compagnie de solistes particulièrement investis. La soprano Eugénie Lefebvre fait entendre un timbre velouté surtout dans les médiums, manquant toutefois un peu de brillance. Ses intentions et ses vocalises bien menées et bien projetées servent son texte. Sa collègue Cécile Achille offre un timbre clair et joliment rond dans les médiums-graves, touchante par la finesse de ses propositions, particulièrement lorsque sa voix résonne. La ligne d’Amandine Trenc est assouplie par d’étonnants glissandi de l’aigu vers le grave, mais se fait aussi caressante par la chaleur de son timbre.
La taille Clément Debieuvre montre une certaine souplesse dans sa ligne vocale, voire une finesse portée par sa voix particulièrement claire, bien qu’aussi fort droite et sonore (n'aidant toutefois pas toujours à la constance de son soutien et à sa direction de phrasé). La sensibilité des phrasés du baryton François Joron est patente, offrant de longues lignes bien soutenues d'emblée. François-Olivier Jean fait entendre une voix de ténor fine et agréablement souple dans ses registres. Étienne Bazola se fait sobre dans sa présence, à propos dans ce répertoire, ne manquant néanmoins pas de présence vocale par son timbre large et rond, à la profondeur apaisante. Son collègue Jean-Christophe Lanièce est doté d’un timbre plus droit et plus clair mais non moins large, assurant des solos à la diction soignée, presque autoritaires parfois. Le grain de ses graves ne cherche pas à se faire à tout prix sonore, gardant ainsi sa riche texture. La courte mais appréciée intervention du jeune Thierry Cartier se fait sûre et élégante dans le soutien de sa ligne et des graves soignés.
Ensemble, les chanteurs montrent une homogénéité qui permet de défendre ces pages, y compris plus bondissantes, avec une précision patente. La direction active, ample et souple de Louis-Noël Bestion de Camboulas encourage ses musiciens à une interprétation vivante grâce à une gestuelle soulignant l’importance de la respiration. La musique avance donc sans précipitation avec des reliefs conduits.
Charmé de retrouver et re-connaître l’œuvre de Charpentier mais visiblement davantage encore de découvrir celle de Desmarest, le public rend particulièrement justice au Te Deum méconnu, applaudissant les artistes qui répondent à cet enthousiasme, en bis, par un Chœur du sommeil de Desmarest : de quoi accompagner avec une grande douceur le retour des spectateurs dans la nuit.