Rentrée Lyrique à Montpellier
C’est un jour d’affluence pour l’Opéra Comédie de Montpellier qui affiche complet pour sa rentrée officielle (quelques évènements de « musique d’ailleurs » y avaient cependant déjà été présentés au début du mois). Un succès probablement dû autant à la politique tarifaire de l’évènement (10€ en catégorie unique) qu’à son programme aussi accessible qu’ambitieux dans lequel se retrouvent des compositeurs favoris du public : Mozart, Verdi, Bizet, Rossini, etc. Le concert doit même être retardé de quelques minutes, le temps d’absorber les files de spectateurs.
Le Chœur et l’Orchestre sont sur la scène qui ne comporte comme décor qu’un grand écran à son fond, éclairé en bleu pour la première partie et en rouge pour la seconde. Le programme est équilibré, chaque partie comprenant des chœurs, des séquences orchestrales et des airs. Il mélange des opéras en italien (Idoménée, Le Barbier de Séville, Les Noces de Figaro, Falstaff et Don Giovanni), en français (Lakmé, Les Pêcheurs de perles, La Fille du Régiment et Faust) et même en allemand, le dernier duo de Papageno et Papagena donné en rappel étant extrait de La Flûte enchantée (Mozart occupe donc une large place).
L’Orchestre est dirigé par Chloé Dufresne qui connaît bien la maison pour avoir passé douze ans au sein de son programme « Opéra Junior ». Il présente une vaste palette de couleurs sachant dissocier et coordonner chaque pupitre. Chose particulièrement importante pour un concert lyrique, une attention est portée à l’aspect dramatique de chacune des pièces. Les ambiances sont ainsi modulées selon l’intention des morceaux ou les émotions des personnages par les jeux de nuances ou le traitement des silences entre autres. Le phrasé de l’orchestre est cohérent avec celui du chant. Loin des interprétations baroquisantes et dans son esprit Classique, Mozart est joué avec souplesse et une certaine modération. L’orchestre dévoile par contre sa puissance et son effusivité dans le romantisme français qu’il rend très entraînant.
Du côté du chœur, dirigé par Noëlle Gény, les voix masculines paraissent assez encombrées. La projection, du fond de scène derrière l’orchestre, manque pour rendre une puissance suffisante (situation qui s’améliore nettement quand des groupes se détachent sur les côtés voire devant l’orchestre). Les aigus, féminins en particulier, sont timides. Ici et là surgissent des problèmes de justesse ou de dissonance. Ces défauts sont tout de même largement compensés par l’entrain général et le soutien orchestral de qualité. La ferveur des choristes entonne ainsi un Chœur des soldats (Faust) chaleureux qui sera même repris en bis pendant les rappels. Certains choristes prennent également de courtes parties solistes pour Lakmé : les rôles masculins (Frédérick, un marchand chinois, un domben, un kouravar) sont assurés respectivement par Jean-Philippe Elleouet-Molina, Hyoungsub Kim, Charles Alves da Cruz et Laurent Sérou, avec clarté et engagement. La Rose de Véronique Parize est un peu timide mais précise vocalement. La Miss Bentson de Dominika Gajdzis est par contre peu compréhensible et perturbée par des [r] très exagérément roulés.
Deux espoirs de la nouvelle génération se partagent les principales parties chantées. Le timbre de la soprano française Manon Lamaison est plutôt chaud, se rapprochant même parfois d’une voix de mezzo. La ligne est souple et le chant fluide. Elle brille particulièrement dans l’air de Marie (La Fille du Régiment) où l’intention dramatique et la justesse du ton s’allient à un phrasé pertinent. Quelques défauts mineurs sont tout de même perceptibles notamment des problèmes de souffle qui peuvent nuire à la tenue des lignes vocales.
Le romantisme français convient bien mieux au baryton suisse Felix Gygli que le bel canto. En Zurga, sa diction est juste, il place sa voix avec pertinence et la maintient sur toute la ligne qui apparaît élégante et épurée. Mais en s’attaquant aux sommets du répertoire, il court le risque de décevoir les attentes particulièrement fortes de l’auditoire sur des airs particulièrement renommés. Le “Largo al factotum” du Barbier de Séville manque ainsi de puissance pour effectuer pertinemment les virtuoses accentuations qui font tout le charme de cet air. La voix paraît de fait encombrée, ce que l’interprète tente de compenser par des efforts sur son jeu scénique et ses expressions faciales, mais qui apparaissent dès lors peu naturels (ses interprétations en duos se situent malheureusement dans la même veine). L’orchestre, après un bel élan initial, doit également ralentir pour passer sans encombre les motifs de bois, ce qui n’aide pas à la dynamique du morceau.
Les deux solistes ont conservé par contre toutes leurs ressources pour les deux duos finaux : “Là ci darem la mano” de Don Giovanni et le délicieux « pa-pa-pa-pa-pa-pa-Papagena » de La Flûte enchantée. Ils y montrent une grande complicité et leurs interactions semblent presque spontanées offrant au rendu toute leur conviction. La voix de Felix Gygli s’avère beaucoup plus claire et Manon Lamaison décore avec goût, par quelques fioritures maîtrisées, ses fins de répliques mozartiennes.
Le public ne boude pas son plaisir. Il applaudit chaleureusement les artistes entre les morceaux et surtout à la fin, avant comme après les rappels. De quoi se souhaiter une belle rentrée lyrique et enthousiasmante.