Festival du Haut Limousin : les Jeunes talents ouvrent le bal
Au tout début du XXe siècle, au beau milieu de la campagne limousine, un pasteur suisse eut l’idée de créer une ferme modèle basée notamment sur l’optimisation du travail. La Ferme de Villefavard reste remarquée pour sa modernité jusqu’en 1974 (avant le dépassement de nouvelles méthodes agricoles machinisées). Il faut ensuite attendre 2002 pour que deux descendants du fondateur visionnaire, le chef d’orchestre Jérôme Kaltenbach et l’architecte Gilles Ebersolt, mettent en commun leurs compétences ainsi que leur passion pour le patrimoine et la culture, afin de ré-aménager ce lieu étonnant : en faisant un lieu d’accueil artistique tout en conservant son charme très particulier et son identité (notamment la grange devenue auditorium, à l’acoustique travaillée par nul autre qu’Albert Yaying Xu, l’acousticien de La Grange au Lac).
Les quatre chanteurs du soir présentent chacun deux airs d’opéra, un en français et un en langue étrangère, comme pour un concours et afin de démontrer l’étendue de leur palette expressive. Le ténor Abel Zamora captive immédiatement par sa présence et un regard expressif. Il y ajoute un soin très savoureux porté à la langue française. Sa voix est brillante, particulièrement dans les aigus, et les graves sont chaleureux.
La soprano Camille Chopin est, dès son entrée, présente et lumineuse, scéniquement autant que vocalement. Elle fait entendre un timbre étonnamment déjà mûr et très sûr, avec constance et homogénéité. La lumière de sa voix est adoucie par une agréable chaleur tout en restant maîtresse de sa puissance vocale.
Le baryton-basse Alexandre Baldo ne manque pas non plus de présence grâce à sa voix très chaude et large - presque trop, empêchant ainsi une certaine finesse dans certains phrasés. Les graves offrent un joli grain de timbre, particulièrement séduisant et investi, sur un souffle particulièrement long, agile et bien soutenu.
La mezzo-soprano Marion Vergez-Pascal offre un timbre rond avec une touche d’acidité qui ajoute à son jeu au caractère piquant, adoucie par son vibrato (après Charlotte de Werther, elle s’engage même sur le chemin de la zarzuela, avec aisance, sensibilité et malice, pour le grand plaisir de son auditoire).
Le pianiste Josquin Otal accompagne l’ensemble des jeunes solistes avec sérieux et attention, et même avec une once de complicité.
La violoniste Sarah Jegou-Sageman manifeste une recherche sensible de finesse et de tendres couleurs dans son jeu, au risque parfois de perdre en présence dans ses deux pièces d’Europe de l’Est. Sa virtuosité au service du geste musical, sûr et animé, impressionne le public.
Le violoncelliste Léo Ispir use de sa technique instrumentale pour servir l’expressivité, particulièrement grâce à une subtile conscience du placement d’archet pour varier, au sein d’un même phrasé, entre tension expressive et tendresse, sans perdre en stabilité du soutien et encore moins en nuances, soigneusement dosées.
La clarinettiste Anaïde Apelian se montre plus timide mais non moins attentive aux nuances et à la beauté de ses lignes mélodiques, démontrant également agilité et maîtrise avec un salué Bug de Bruno Mantovani.
Le pianiste Tom Carré fait preuve d’un grand sérieux et d’une pleine maîtrise dans son interprétation, très attentif à la finesse de son jeu, sans exubérance aucune et pourtant avec agilité voire espièglerie (suscitant une forte admiration du public).
Après un très joyeux tutti, pétillant air du champagne de La Chauve-Souris de Johann Strauss II, et une ovation du public, heureux d’avoir découvert ces jeunes artistes talentueux et très prometteurs, les portes de la grange s’ouvrent et la soirée se poursuit tout en détente sur des "chiliennes" dans la cour de la ferme, en appréciant la générosité des musiciens qui partagent des pièces de musique de chambre dans une ambiance encore plus détendue et conviviale.