Le Chant d’Orphée au Festival Off d'Avignon
L’ensemble Akadêmia, créé en 1986, présente dans la Collection Lambert, Le Chant d’Orphée, déclamé par le comédien Hervé Pierre et chanté par Jan van Elsacker. Proposé dans une très faible luminosité (signée Nieves Salzmann), comme à la lumière du feu, ce récit du texte du poète français Jean-Pierre Siméon, intercalé par des interventions purement instrumentales de l’ensemble ou chantées par le ténor, propose un dialogue dans lequel la musique baroque se glisse gracieusement dans le récit et ajoute des éléments supplémentaires au texte déjà très poétique. Le spectateur peut ainsi s’immiscer petit à petit dans les sentiments d’Orphée face aux événements, comprendre la joie ainsi que le désarroi du personnage, percevoir le battement de son cœur face à la beauté d’Eurydice, mais aussi la cadence mélancolique de sa lyre lorsqu’elle disparaît.
Le comédien Hervé Pierre déclame le texte qu’il lit discrètement avec une voix douce et une excellente diction, accompagné par les effets sonores de l’ensemble instrumental. Malgré une voix modérée et adaptée à la douceur de l’histoire, son récit est très loin d’être monotone grâce aux intentions qu’il donne à son texte et aux inflexions de sa voix. Il rentre tant et si bien dans son rôle qu’il suit le rythme de la musique et danse tel un satyre lors de certains moments de transition entre son texte et la musique. Même s'il se cache derrière le ténor lorsque celui-ci chante, ses quelques réactions à ce chant contribuent à cet environnement musical.
Le ténor belge Jan van Elsacker assume le rôle d’Orphée et interprète avec grâce les morceaux de plusieurs compositeurs baroques : Luigi Pozzi, Claudio Monteverdi, Biagio Marini, Bellerofonte Castaldi, parmi d’autres. Il fait preuve d’une bonne maîtrise de sa voix ronde et limpide, au timbre velouté, ainsi que d’une ligne de chant d’une grande finesse. Il se montre également très agile, avec des vocalises exécutées à l’aide d’un long souffle et d’un bon soutien. D’une voix mesurée dans certains morceaux, il passe à une voix puissante dans d’autres, se faisant facilement entendre face à l’ensemble instrumental, notamment dans "Vi ricorda, o boschi ombrosi", extrait de L’Orfeo (1607), de Monteverdi.
L’ensemble instrumental Akadêmia, accompagne le comédien et le ténor d’un jeu élégant et d’une extrême virtuosité, tout en se faisant également protagonistes du spectacle. Ils restent attentifs au chanteur, mais ne passent pas pour autant au second plan. Leur jeu délicat, très bien équilibré est très musical. Stéphanie Pfister et Matthieu Camilleri, aux violons, se montrent très investis dans leur jeu, avec des mouvements gracieux et dynamiques. Yuka Saïtô et Matthieu Lusson, à la viole de gambe, restent très poétiques dans leur jeu, ajoutant de jolies nuances à leur interprétation avec des changements d’intention forts et clairs. Nanja Breedjik, à la harpe triple, et Marc Wolff, à l’archiluth, montrent un jeu d’une extrême sensibilité, aux doigtés agiles, dans un tempo bien maîtrisé.
Ce spectacle au très grand équilibre instrumental et vocal, poétique et musical est fort apprécié par le public présent dans la salle qui remercie longuement les artistes et les rappelle sur scène pour une deuxième salve d’applaudissements.