Cosi fan tutte mi-scénique mi-raison au TCE
Le choix peut paraître judicieux de donner en version semi-scénique un ouvrage tel que Cosi fan tutte qui concentre et croise de manière dynamique les amours de quatre très jeunes gens versatiles, manipulés par un pseudo vieux sage et une servante dégourdie.
Salomé Im Hof, attachée au Théâtre de Bâle où elle dirige le Young Opera, cherche à actualiser le propos. Ainsi Fiordiligi et Dorabella, virevoltantes, usent et abusent de leur téléphone portable et des selfies qui remplacent ici les fameux médaillons contenant les portraits de leur promis respectif. Despina, revêtue d’un costume complet de soubrette, repasse les robes de mariée des deux sœurs avant de transformer son fer électrique en aimant salvateur lorsqu’elle se déguise en médecin pour « sauver » les deux amoureux présumés empoisonnés par l’arsenic. D’autres idées portent moins, comme le fait d’utiliser des couleurs identiques pour les costumes des amants, ceux de Fiordiligi en concordance avec ceux de Ferrando, ceux de Dorabella avec Guglielmo, ce pour bien démontrer que les couples d’origine ne sont certes pas les plus assortis. Les déplacements des solistes sont quelquefois brouillons mais au final cette proposition ne choque ni ne dérange le public, qui réservera le meilleur accueil à la soirée.
Sous la baguette de Giovanni Antonini, l’Orchestre de chambre de Bâle délivre une version assez intimiste de la musique de Mozart, dynamique certes, soucieuse des couleurs et des timbres, mais manquant un peu de relief et d’épaisseur au sein de la salle du Théâtre des Champs-Élysées. Le Chœur Basler Madrigalisten très juste et épanoui remplit avec efficacité sa partie.
La distribution se trouve dominée par Sandrine Piau dans le rôle de l’accorte Despina. Dès son entrée en scène, elle anime l’ensemble avec un charme et une vivacité qui séduisent à chaque instant. Mutine, traîtresse même, prête à tout pour quelques rétributions sonnantes et trébuchantes, sa Despina égaie sans pour autant trop affirmer le trait lorsqu’elle se transforme en médecin ou en notaire. La voix demeure ravissante, à la fois légère et aisée, et passe parfaitement la rampe.
Grande interprète de la musique baroque, Julia Lezhneva se mesure aujourd’hui au rôle autrement exigeant de Fiordiligi. Même si la voix a gagné en largeur et même en puissance, elle ne s’affirme pas comme le « soprano colorature dramatique » ici requis. Toutes les parties graves, notamment dans les deux airs redoutables, lui échappent et certains aigus se tendent. Elle brode aussi beaucoup autour de la ligne de chant, ajoutant trilles ou appogiatures, certes parfaitement réalisés, mais qui finissent par être redondants. Pour autant, l’artiste demeure attachante et parvient avec conviction au bout de sa redoutable partie.
La Dorabella d’Emőke Baráth, elle-même soprano plus que mezzo, s’inscrit au plan vocal dans une tradition de bon aloi, avec un timbre plus sombre que celui de sa consœur et une ligne de chant plus attentive qu’inventive. Le ténor Alasdair Kent possède une voix certes ravissante de timbre dans le rôle de Ferrando mais à l’amplitude mesurée. Le styliste semble l’emporter, son interprétation particulièrement sensible et raffinée de l’air "Un'aura amorosa" le démontre, même si l’aigu manque de rondeur et de franchise. Le baryton Tommaso Barea, de sa haute stature, campe un Guglielmo qui en impose d’une voix puissante et bien extériorisée, au timbre un peu épais pour le rôle. Quelques soucis de justesse au cours du deuxième acte sont cependant à relever.
Avec son habit de soirée et sa paire de jumelles qui lui permet d’épier en permanence les protagonistes en présence et les avancées de sa duplicité, le Don Alfonso du baryton-basse Konstantin Wolff mène délibérément la danse. Son profil vocal un rien intimiste se distingue surtout par l’intention qu’il donne à chaque mot, à chaque intervention.
J'ai adoré ce Cosi Fan Tutte. La mise en espace de Salomé Im Hof vaut largement un opéra mise en scène. @TCEOPERA #GiovanniAntonini #JuliaLezhneva❤️ #EmõkeBaráth #SandrinePiau #KonstantinWolff #TommasoBarea #AlasdairKent @kammerorchester #BaslerMadrigalisten #Mozart #opera pic.twitter.com/ADoxaO421K
— Olivier (@Gi75__) 25 mars 2023