La Cenerentola à l’Hôtel du rire au TCE
« C’est quand qu’on va re-aller à l’opéra ? », demande une (très) jeune spectatrice à l’issue de cette représentation participative de la Cenerentola de Rossini adaptée aux enfants par une réduction à 1h20 et une traduction en français. Le but est ainsi atteint par le Théâtre des Champs-Elysées : attiser la curiosité des enfants d’aujourd’hui pour en faire le public d’après-demain. « C’était trop drôle », s’exclame une jeune fille un peu plus âgée : de fait, ce titre est plus à hauteur d’enfant que celui de la saison dernière, Rigoletto.
La mise en scène de Daniele Menghini reprend les codes des enfants, y ajoute des costumes colorés (Nika Campisi) et du burlesque grâce à trois comédiens gaffeurs. La musique de Rossini fait le reste : « On ne sait plus où donner de la tête entre les chanteurs et les laquais qui passent leur temps à faire des bêtises derrière », glisse un grand garçon. L’ingénieuse scénographie de Davide Signorini place l’ensemble de l’intrigue dans l’Hôtel des Rêves, que détient Don Magnifico (il est dès lors étrange que Dandini demande au propriétaire des lieux de partir une fois sa véritable condition de valet dévoilée), et où le Prince Ramiro décide d’organiser son bal, afin d’être au plus près de Cenerentola.
L’Orchestre des Frivolités Parisiennes est lui aussi réduit, ce qui le fait parfois sonner très léger, mais lui confère finesse et vivacité. Le chef Alphonse Cemin semble prendre plaisir à diriger l’ensemble, auquel il transmet son énergie en chantant. Il se retourne vers la salle pour inviter le public à chanter : les enfants, manifestement très préparés, participent pleinement, même si la première intervention, prise par le chef à un tempo bien plus lent que dans l’enregistrement ayant servi au travail en amont, donne lieu à un immense décalage qu’il a bien du mal à rattraper. La participation des enfants se prolonge ingénieusement par des gestes (ils se frottent les mains, claquent des doigts ou tapent sur leurs genoux pour figurer le vent ou la pluie battante) pendant la scène de la tempête.
Tous les solistes vocaux chantent un français précis, ce qui permet aux enfants de suivre l’histoire même sans parvenir à lire les surtitres. Juliette Mey interprète le rôle-titre (dont elle chantait avec brio il y a un an le grand air aux auditions de Génération Opéra) avec encore une certaine retenue, qui dessine la candeur du personnage, mais limite parfois sa projection. La pureté ronde de sa voix, sa musicalité dans le phrasé et son habileté dans les trilles et vocalises lui vaut l’admiration des spectateurs, petits et grands.
Déjà Borsa l’an dernier, Benoit-Joseph Meier campe Don Ramiro : sa voix est cette fois pleinement audible. Son timbre riche monte avec facilité dans des aigus maîtrisés au léger vibrato, et se montre agile dans les vocalises.
Antoine Foulon ressort en Alidoro par la puissance et la clarté de son charmant timbre de basse. Sergio Villegas-Galvain prend les vêtements (changeants) de Dandini, dont le léger accent perceptible dans les dialogues parlés disparaît dès qu’il chante, de sa voix sombre aux belles résonnances. Nicolas Brooymans, Don Magnifico en maillot de bain et palmes aux pieds, dévoile une fine fibre comique, ainsi qu’une voix vibrante et ferme. Sara Gouzy (en robe rouge) met beaucoup d’énergie en Tisbe, laissant entendre une voix ourlée et chaude. Laurène Paternò (en robe jaune) chante Clorinda d’une voix certes fluette mais chaude et bien ancrée et qui se déploie dans l’aigu avec un vibrato très fin.
Une fois la représentation achevée, les enfants laissent transparaître leur enthousiasme. Des graines artistiques ont été plantées et devront être entretenues pour porter de beaux fruits une fois ces enfants devenus adultes.