L’Arche de Noé avec la Maîtrise de l’Opéra de Lyon au Théâtre de la Croix-Rousse
Avant même d’entrer dans le Théâtre de la Croix-Rousse qui accueille la Maîtrise de l'Opéra de Lyon (dans cette coréalisation avec la Comédie de Valence) pour L’Arche de Noé de Benjamin Britten, le public est invité à se rassembler sur le parvis où d’imposants braseros sur pieds dessinent une scène extérieure. Résonnant avec la récente période de fêtes et la tradition incontournable en Angleterre des chants de Noël dans la rue, les enfants de la Maîtrise de l'Opéra de Lyon accompagnés par la harpiste Sara d’Amico chantent A Ceremony of Carols, également de Britten : de quoi réchauffer le cœur du public, malgré le froid glacial. Les enfants sont ici et d'abord vêtus de capes bleues (permettant aussi de se réchauffer) et couronnés de lauriers d'or : initiant le rituel de ce spectacle qui poursuit sa procession.
Depuis une haute colonne, le comédien Thomas Rortais accueille ensuite l'assistance en salle en proclamant un discours dénonçant les dégâts de l’Homme sur la planète : annonçant d’emblée le sens métaphorique à venir du déluge et de cette Arche de Noé. D’autant qu’il continuera d’incarner dans ce spectacle le rôle du porte-parole de Dieu, et qu’il prend son rôle à cœur, accompagnant l’installation du public par un jeu aux allures improvisées, proclamant solidement son discours tel un juge-procureur de l’humanité. Les chiffres parlent et choquent. La suite du spectacle demeure dans ce plein mélange d’émotion, d’inquiétude écologique et de plaisir musical.
Les enfants font preuve d'un dynamisme fluide (tout à fait de rigueur), aussi bien dans leurs répartitions que leurs déplacements scéniques et dans leur prestation musicale. Ils restent autonomes et à l’aise dans leurs gestuelles, ainsi que la justesse et le placement de leurs interventions vocales (même si les quelques interventions solistes sont peu audibles). Leur cohérence et unité en fait un solide équipage, où chaque membre est concerné et donne de la voix au collectif.
Sur ce plateau épuré (s'appuyant sur un podium, un escalier, un cercle lumineux) au service de la Maîtrise et figuratif, les lumières d’Andrea Sanson participent pleinement du spectacle captivant, par leurs moments d'intensités et de chatoyantes couleurs, contrastant d'autant mieux avec la couleur blanche des costumes (symbolisant la paix et l’espoir) qui dominent au sein de la grande famille de Noé (ceux des animaux de l’Arche paraissant d'autant plus farfelus et amusants).
Karine Locatelli dirige avec précision la Maîtrise ainsi que les deux instrumentistes : le pianiste Grégory Kirche et la percussionniste Gisèle David qui apportent relief à l’œuvre et soutien aux enfants. Trois solistes accompagnent les enfants avec cœur. Dans le rôle de Noé, le baryton Romain Bockler dévoile une texture large et sonore. Il confirme son assurance par l’autorité vocale de ses graves généreux et francs. Ses aigus sont minutieusement exécutés veillant à conserver l’équilibre des nuances. En revanche, le jeu de scène reste un peu discret et la complicité avec les enfants ne se ressent pas assez.
Après de courtes interventions, la mezzo-soprano Clémence Poussin qui incarne Madame Noé, démontre par son jeu de scène et avec souplesse le caractère rebelle de son personnage. Connectée en permanence avec les enfants, elle les encourage à interagir et se donner encore davantage. Son chant est également ancré dans ce personnage, le timbre charnu et rond demeurant constant et bien déployé en salle.
Le message de ce spectacle chaleureusement salué, avec gratitude par le public, culmine ainsi dans ce mélange de féerie et d'importance, avec une scène finale faisant valser des globes terrestres, dans un charmant jeu de lumières reflétant un arc-en-ciel.