Neuvième de Beethoven par Insula Orchestra à La Seine Musicale
Le génie romantique de Bonn est l’un des compositeurs de prédilection de la cheffe, qui a notamment dirigé son unique opéra, Fidelio, au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles au Barbican Center de Londres et à La Seine Musicale. L’Insula Orchestra a fait du respect de l’instrumentation d’époque une règle de conduite, voulant épouser au plus près l’intention du compositeur en jouant ses notes sur « ses » instruments. Cela donne un son un peu plus tamisé par rapport aux orchestrations modernes auxquelles l'oreille a pu être habituée. Quant au regard, il peut constater combien les cuivres exigent une grande vigilance de leurs instrumentistes, qui se doivent sans cesse de les réaccorder, sans oublier l’imposant contrebasson droit (et non replié comme c’est actuellement le cas).
La direction de Laurence Equilbey est précise, impliquée et dynamique, suivant la pensée de Beethoven le long de l’élan impétueux des deux premiers mouvements, au travers la quiétude du troisième jusqu’au triomphe du mouvement final. Elle sait rendre le tonnerre des grands fortissimi de Beethoven sans se priver de ses nuances, notamment dans le quatrième mouvement où la célébrissime « Ode à la Joie » est subtilement amenée par les cuivres et les vents avant de monter en puissance. Les chœurs sont au diapason du reste de l’orchestre, harmonieux et équilibrés, à la hauteur de l’acmé de l’œuvre sans être dans la démesure.
Parmi les solistes, c’est le basse Alexander Tsymbalyuk qui détient la partie la plus importante, entonnant l’Ode à la Joie le premier. Sa voix puissante, charnue, et riche en harmoniques jusqu’aux profondeurs de sa tessiture se déploie pleinement pour ce moment-clé, arrivant comme une proclamation divine du message de paix et d’unité. Le ténor Benjamin Bruns possède quant à lui un timbre clair, avec une diction précise et une émission rayonnante. L’ensemble soliste est complété par les voix féminines, interprétées par la soprano Camille Schnoor et la mezzo Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, les aigus teintants de la première portant les chœurs vers le ciel tandis que la voix soyeuse de la seconde unifie l’ensemble.
Le public se montre transporté, acclamant copieusement l’orchestre, sa cheffe et les solistes à la fin de la symphonie. L’orchestre ne se remet cependant pas à jouer, car en effet un rappel n’est pas indispensable après ce genre d’œuvre monumentale qui constitue à elle-seule le programme d’une soirée musicale.