Patricia Petibon, magicienne enflammée à l’Opéra de Massy
Pleine d’une énergie débordante et d’humour, Patricia Petibon ne manque pas de séduire le public de l’Opéra de Massy qui affiche complet. Vêtue d’une robe rouge et noire, la soprano aux longs et caractéristiques cheveux roux manifeste, rien que par sa présence, celle des muses inspiratrices du concert : les magiciennes et héroïnes baroques. D’abord Médée, reine aux abords vengeurs et cruels et pourtant amoureuse et profondément humaine grâce à la musique de Marc-Antoine Charpentier. Puis la tante de Médée, Circé exprimant elle aussi sa colère et ses souffrances face aux passions déçues, grâce aux airs de Jean-Marie Leclair (de Scylla et Glaucus). Enfin, Jean-Philippe Rameau donne voix à Télaïre (de Castor et Pollux) et Platée, illustrant les émotions puissantes qui font basculer le désespoir dans la folie.
Patricia Petibon a(n)ime le spectacle et profite des élans passionnés de ses incarnations pour faire montre d’une gestuelle expressive à la limite de l’exagération, s’épanchant à droite puis à gauche avec les mains sur le cœur. Son timbre clair, avec des graves agréablement appuyés, est, à l'image de sa prestance, un bain de jouvence. La stabilité des phrasés souffre certes de son investissement scénique, tout comme la constance des nuances et la diction des consonnes. La fin de la soirée perd légèrement en justesse dans les aigus et en rondeur d'attaques.
Cette expressivité spectaculaire, voire exubérante, empêche de fait d'apprécier certains détails mais aussi certaines richesses de la pure partition. Cette proposition résonne toutefois d'une manière touchant à une forme d'absolu avec la folie de Platée, qu'elle chante avec des lunettes de soleil et finit avec un masque argenté sur la tête (jusqu'à lancer un appel à l’astronaute Thomas Pesquet « pour aller sur Mars »).
Pour accompagner la soprano et rythmer le programme avec des pièces instrumentales entre les airs, l’Ensemble Amarillis dirigé par la hautboïste Héloïse Gaillard fait également preuve d’un plaisir partagé et d’un investissement tout aussi apprécié du public. Les dix-sept musiciens débordent également de vitalité, déployant leurs intentions rythmées. L'enthousiasme prend parfois un peu le pas sur le placement rythmique et la justesse mais l’ensemble sait également faire preuve de douceur.
Pour remercier les applaudissements nourris du public, Patricia Petibon et Héloïse Gaillard offrent en duo « Sound the trumpet » de l’Ode pour l’anniversaire de la Reine Mary de Purcell, joyeux air sur basse obstinée. Patricia Petibon, telle ces héroïnes antiques qui ont succombé à la folie, repart après avoir charmé son auditoire comme hypnotisé pendant près d’une heure, et qui s'en retourne avec toujours un petit air en tête.