Jeanne d’Arc en béatitude à l'Opéra de Marseille
Le rôle-titre est interprété par Yolanda Auyanet dont le médium souple et moelleux évoque avec émotion les choix pathétiques offerts entre la vie terrestre et la vie spirituelle. Elle évolue dans un ambitus large, avec des vocalises fluides et naturelles. L'amplitude des nuances permet des forte colorés et brillants. Le souffle ne se relâche jamais, en particulier dans les aigus pianissimo, si expressifs, dont les notes longues sont soutenues. La justesse est remarquée, en particulier dans les passages exposés, a cappella.
Charles VII échoit à Ramón Vargas, ténor à l’émission haut placée, à la voix timbrée, possédant un vibrato assez ample. Les vocalises sont agiles avec des aigus brillants, un médium riche, très expressif dans la nuance piano. Le texte est pleinement compréhensible, la justesse irréprochable.
Giacomo, père de Jeanne d’Arc, est tenu par Juan Jesús Rodríguez, baryton à la voix puissante et timbrée, affirmant son autorité grâce à une ligne vocale nettement articulée. Les notes longues sont soutenues par un souffle constant, avec une puissance contrôlée. Les nuances forte rendent le personnage inquiétant, le chant et un phrasé de récitation s'alliant au service de l'incarnation.
En Talbot Sergey Artamonov représente à lui-seul l’ennemi pluriel : les anglais, avec une voix de basse aux graves profonds, au médium souple et mélodieux, mais parfois trop léger.
Pierre-Emmanuel Roubet incarne le rôle de Delil, officier du roi. Ce ténor à la voix bien projetée, aux paroles nettement articulées, annonce la mort de Jeanne d’Arc sur le champ de bataille.
Les parties vocales sont virtuoses, avec de nombreux passages à découvert. Mais Verdi donne aussi une place de choix à l’orchestre, dès la longue ouverture interprétée par la soixantaine d'instrumentistes de l’Opéra de Marseille. Entre les fréquents intermèdes instrumentaux, les solos essentiels illustrent la symbolique du drame, notamment la complainte au violoncelle qui accompagne les derniers instants de Jeanne, et la clarinette évoquant son envolée vers le ciel, avec toutes les qualités de jeu illustratif requises ici. La direction musicale de Roberto Rizzi Brignoli, précise et rigoureuse sur le plan rythmique, génère une masse sonore ductile particulièrement nuancée.
Le chœur d’une quarantaine de chanteurs, préparé par Emmanuel Trenque, intervient fréquemment, avec une grande efficacité rythmique et une importante palette de nuances, soit en tutti, soit par pupitres. Le chœur d'hommes chante le prologue au lever du rideau exposant d'emblée clairement le conflit entre les français et les anglais. Le chœur des femmes représente en alternance la vierge Marie et les voix du démon, accompagnées par des sonnailles, voix entendues par l’esprit confus de Jeanne.
Enfin, durant le dernier acte, un bruitage lointain de canons évoque la guerre, qui se termine par la mort de Jeanne au combat.
Durant le spectacle, le public, enthousiaste, marque son approbation par des applaudissements ponctuels. Après les derniers coups de timbale, une ovation accueille les artistes enchantés par cette émotion collective. Un des solistes met un genou à terre, la main sur le cœur, pour remercier les spectateurs marseillais.