Florilège d’airs oubliés avec Philippe Jaroussky à l’Opéra de Montpellier
Le public est venu nombreux à l'Opéra Comédie pour assister à ce récital au programme peu ordinaire mettant à l'honneur des compositeurs italiens et allemands largement méconnus. Deux noms ressortent de l’ensemble tels d’illustres exceptions : Johann Christian Bach, et Georg Friedrich Haendel, mais pour des œuvres peu jouées (Artaserse pour le premier, l’ouverture d’Ariodante pour le second). Il Re Pastore de Gluck sera également entendu, en bis mais pour une aria rare, et rarissimes sont ceux qui connaissent Tommaso Traetta, Michelangelo Valentini ou Andrea Bernasconi.
L’Ensemble du Concert de la Loge ouvre le récital avec une ouverture instrumentale : celle de Demofoonte de Hasse. Suivant le rythme emporté du premier violon Julien Chauvin, le pupitre de cordes livre une exécution vive, expressive, précise sur les tempi pressés et riche de nuances. En fond sonore se détache le contre-point du clavecin et du théorbe, délicatement déposés en napperon sonore. Les deux cors et les bois, placés en fond de scène, sont en revanche plus discrets (leur son se fond à l’ensemble des cordes, jusqu’à se faire oublier).
Philippe Jaroussky entame d’emblée son récital par quelques arias à la virtuosité redoutable, mobilisant la voix de l’aigu jusqu’à l’extrême grave, caressant la voix de poitrine. Dans ce registre, son timbre se fait plus charnu, avec un grain plus mat et viscéral. À l’inverse, l’aigu fuse en voix de tête avec un éclat cristallin. L’éclectisme des morceaux révèle la richesse expressive de ce chant baroque, à travers des récitatifs accompagnés, des lamentations douloureuses, des presti enfiévrés. Dans ce répertoire, Philippe Jaroussky fait usage de toute sa minutie technique, tout particulièrement sur ses attaques de notes, déposées comme des plumes puis amplifiées peu à peu. Il démontre la même précision sur les vocalises en staccato, mitraillées avec le diaphragme. Du reste, il touche par l’émotion contenue de l’artiste possédé par son chant, transmettant au public le sens de ces arias oubliées.
L’exemple visiblement le plus éloquent pour le public aura été son interprétation poignante du « Gelido in ogni vena » de Giovanni Battista Ferrandini. Le morceau traduit l’affect d’un père responsable de la mort de son fils, avec deux parties de violon en dialogue, mais c’est bien le chant qui en fait saisir toute l’émotion contrastée : un moment de grâce salué par une houle d’applaudissements. Le récital a bien rempli ses ambitions : ramener à la lumière un répertoire riche et difficile, et le faire apprécier du public.