La Chaise-Dieu met l’Accent sur le Sedecia de Scarlatti
Pour son premier concert à l’Abbatiale
Saint-Robert de sa 56ème édition, le Festival de La Chaise-Dieu
invite l’ensemble Les Accents qui poursuit là son cycle consacré
aux oratorios de Scarlatti, en présentant Il Sedecia. Cet
ouvrage, rarement donné, relate la chute de Sedecia, Roi de
Jérusalem, face à la Babylone de Nabucco.
Sur la haute scène de l’Abbatiale qui recouvre l’autel, trois pupitres tiennent le centre, devant l’orchestre. Les solistes viennent s’y positionner lors de leurs interventions, puis retournent s’assoir sur les côtés, sans tenir compte de la dramaturgie. Ainsi n’est-il pas rare de voir un chanteur se tourner pour chercher du regard le soutien d’un partenaire auquel son personnage s’adresse. Cette organisation nuit de fait à la compréhension des situations puisque l’enchainement des airs ne forme plus des dialogues mais une succession de monologues. A ces pupitres vient aussi régulièrement se positionner la hautboïste Clara Espinosa Encinas, qui se trouve ainsi bien placée pour concourir en virtuosité avec les solistes vocaux, produisant un son sourd et discret, avec un phrasé construit et sautillant.
L’ensemble Les Accents, qui dédie cette soirée à Kader Hassissi, Directeur du Festival de Beaune décédé quelques jours plus tôt, produit un accompagnement dynamique aux traits fins, très fins, formant une dentelle musicale, peignant, comme un décor, différents plans musicaux. La phalange est dirigée par Thibault Noally, debout, son violon à la main, dirigeant de la tête, de l’archet ou de la main selon la liberté que lui offre sa partition qu’il interprète avec vivacité. Le chef chante les parties des solistes pour mieux apprivoiser les phrasés et les respirations de la musique.
Paul-Antoine Bénos-Djian interprète le rôle-titre d’une voix bien assise qui s’ouvre dans l’aigu, au timbre pourpre et velouté, assez épais, assumant les complexes vocalises à des tempi allants. Son regard reste fixe, levé et fier, le sourcil froncé, fidèle en cela à son personnage. Il sait se faire rugissant dans son premier air, puis doux et repentant dans la seconde partie.
Sa femme, Anna, est interprétée dans une belle robe bleue par Natalie Pérez. Elle projette une voix aux belles couleurs ocres, bien assise. Elle reste toutefois plus en retrait d’un point de vue théâtral : son phrasé reste peu nuancé, dans un chant du coup un peu monolithique et partageant peu d’émotion. Dans le rôle d’Ismaele, fils de Sedecia, Marlène Assayag remplace Emmanuelle de Negri au pied levé. Elle s’appuie sur un souffle maîtrisé pour assoir un timbre satiné, homogène sur l’ensemble de la tessiture, et des vocalises fluides. Sa ligne de chant est conduite avec soin, par des nuances qui creusent un récit dans la musique de Scarlatti. Elle produit ainsi une prestation très théâtrale.
Anicio Zorzi Giustiniani campe Naddabe, compagnon de Sedecia, d’une voix ferme de ténor assez sombre, qui tend à retomber dans les graves, mais claironne dans l’aigu. Il se montre théâtral dans les récitatifs, et bien en place dans les vocalises. Féroce Nabucco, Renato Dolcini s’appuie sur une voix ténébreuse et volumineuse, y compris dans les notes les plus graves. Son attitude dynamique a pour contrepartie un chant légèrement haché, ce qui colle toutefois à la violence de son personnage et ne l’empêche pas de conduire ses vocalises avec dextérité.
Vaincus, Sedecia, sa femme et son fils, sont tués par Nabucco au cours d’une seconde partie forcément plus mélancolique. Le public ne s’en montre pas moins enthousiaste à l’heure des saluts, réservant un accueil particulièrement enthousiaste à Marlène Assayag, autant pour la remercier d’avoir sauvé la soirée que pour sa prestation aboutie.