Complicité contre-ténor et piano : Fernando Escalona et Olga Dubynska au Potager du Roi à Versailles
À la chaleur de l'avant-dernier jour déjà de ces riches et nombreuses pérégrinations stylistiques depuis l'intimité de ce lieu d'importance pour la vie de la Cour du Roi Soleil, succède la douceur de la soirée parmi les arbres et les plantes rafraîchissant l'atmosphère ainsi que la musique. Les spectateurs prennent place sur les chaises, mais certains profitent encore du temps et du lieu, assis sur l'herbe.
Ce soir encore, l'élégance et la convivialité du Directeur Jean-Paul Scarpitta, qui encourage avec enthousiasme tous les jeunes artistes se produisant sur scène, salue le public en remerciant les institutions et les mécènes qui ont permis cette année un accueil gratuit à ces concerts de qualité. L'occasion aussi de dédier cette édition au pianiste Nicholas Angelich, récemment décédé.
La grande diversité du programme choisi ce soir met avant tout en avant les capacités des interprètes, fondées sur du répertoire baroque, italien et anglais, mais menant jusqu'à Britten en passant par le classicisme de Mozart, ouvrant aussi vers un répertoire espagnol et mexicain (Lagrimas mias de Pedro Miguel Marques et Granada d'Agustin Lara).
La pianiste Olga Dubynska possède un toucher délicat et raffiné, sachant différencier ces différents styles, baroques, plus classiques ou récents. Les intensités sont amplifiées en un tourbillon de sentiments contrastés tout un inscrivant pleinement l'accompagnement du chant dans un soutien et un dialogue valorisant.
Une amplification sonore de qualité permet de porter l'équilibre du son en ce lieu bucolique sans altérer les timbres. D'autant que le chanteur prend aussi plaisir à chanter hors et au-delà du micro, enveloppant les alentours de sa voix projetée par ses seuls résonateurs.
Ce jeune contre-ténor, Fernando Escalona, formé non loin de là au Centre de Musique Baroque de Versailles, capte l'intérêt de l'auditoire par son chant riche et généreux.
Sa performance vivante et passionnée, avec une touche d'originalité exubérante sert son timbre qui séduit par la beauté de sa couleur sombre et chaude. La voix mixte dans le registre de poitrine est d'autant plus captivante, qu'il privilégie ce registre plutôt que de multiplier les élévations vers l'aigu, conservant ainsi la belle couleur homogène.
Lorsque les partitions exigent néanmoins ces ascensions, la voix est plus stridente et moins projetée. Les agilités sont pourtant exécutées avec précision, mais la retenue du souffle semble parfois en difficulté vers la fin de certaines phrases qui exigeraient des trilles plus vifs.
Les récitaliers sont à l'aise sur scène, une entente de regards entre chanteur et pianiste portant un jeu continu d'imitations baroques (rappelant cette tradition de rivalités virtuoses, ici en moments d'imitations sympathiques). Cette entente continue entre les interprètes et avec le public, ce dernier rendant hommage aux interprètes par une pluie d'applaudissements au milieu d'une pluie de roses sur la scène et dans le grand enthousiasme paternel du directeur artistique.