Le Requiem de Mozart pour célébrer la vie au Potager du Roi
Pour la troisième année consécutive, le Potager du Roi devient le "lieu idéal" pour ce festival de musique sacrément insolite. La représentation d'un Requiem dans un tel cadre bucolique peut avoir de quoi étonner, mais c'est précisément une célébration de la vie et de ses fructueuses émotions qui est ainsi offerte dans ce potager fait pour fournir la table du roi en fruits et légumes. C'est une nourriture royale, désormais musicale qui est offerte au public (d'autant que le Festival est devenu gratuit).
Le chant spirituel et élevé du Chœur Le Palais royal est soutenu par le jeune Orchestre Consuelo, riche en dynamiques chromatiques et en homogénéité sonore, dirigés par le jeune violoncelliste et donc maestro Victor Julien-Laferrière, aux gestes discrets, mais énergiques et élégants. Le chœur marque ce Requiem en nourrissant la profondeur dramatique par une ouverture harmonique avec une suspension émotionnelle. L'équilibre vocal est pleinement établi, dans une formation modeste (trois choristes pour chaque section), amplifiée pour ce contexte de plein air. Le chœur et l'orchestre déploient d'emblée une palette musicale de couleurs, avant de faire montre d'une excellente diction dans les passages plus vifs et agiles, aussi bien que dans les phrasés plus legato au souffle rigoureux. Les sons résonnent ainsi avec ce climat bucolique, d'une intonation précise et soutenue qui dessine les climats de la partition.
Dans ce tourbillon d'émotions et d'intensité sonore, les solistes participent également, pleinement et chacun avec sa propre identité vocale caractéristique. La soprano Marion Tassou déjà appréciée en ce Jardin l'année dernière, utilise sa voix comme un instrument agile et caractérisé, se différenciant des trois autres interprètes par un timbre sévère et piquant. Sa technique précise lui permet d'incarner la nature dramatique du texte avec des phrases bien soutenues et des aigus cristallins.
A contrario, la voix de la mezzo-soprano Marie-Andrée Bouchard-Lesieur apparaît riche en harmoniques, avec une rondeur qui enveloppe l'auditeur et se marie bien avec le baryton dans les ensembles. Une voix puissante, donc, mais en même temps ductile dans les agilités et les portamenti (portés de voix) où elle reste élégante et sobre.
Yan Bua est un ténor dont la présence sur scène est aussi élégante que sa voix, et que son interprétation. Dotée d'un timbre chaleureux dans les registres médians et tranchant dans les aigus, cette voix de caractère réussit à apporter du contraste aux différents moments de cette Messe de Mozart. Sa bonne diction du latin est soutenue par une technique sans faille. Même dans les parties communes, il fait preuve d'une grande capacité d'interprétation.
Enfin, bien que le grave profond de Timothée Varon ne soit pas résonnant, le baryton propose néanmoins une voix très harmonieuse dans le registre supérieur qui s'accorde en dialogue avec les bassons. Sa voix ronde est agile quand la musique le demande, dramatique et bien soutenue en legato dans les moments les plus cathartiques.
Le public présent au Potager du roi applaudit vigoureusement ce concert, qui l'aura nourri d'une musique apparemment endeuillée mais en réalité pleine de lumière, roborative pour les âmes et qui, dans cette oasis de nature, de fruits et de fleurs, célèbre la vie.