Les Maytrisiens de Radio France chantent sans contrainte
Cette soirée de fin de saison et de cycles (voire de parcours) permet aux jeunes chanteurs de montrer une large palette artistique dans un programme réunissant une très grande diversité de répertoires baroques chantés, parcourant les styles et les climats avec une mise en espace (de Constance Larrieu qui lit des textes du Walden de Thoreau et de La Panthère des neiges de Sylvain Tesson).
Les pré-adolescentes et les presque jeunes adultes (essentiellement féminines) batifolent dans cet Auditorium en entonnant des pièces musicales qui répondent directement aux textes. Mais cette ambiance bucolique n'interdit pas la complexité, fort baroque : dans le sens de richesse contrastée pour le chant, mais dans le sens de très richement orné, voire chargé de circonvolutions de figures de styles, non pas pour les morceaux musicaux mais pour les extraits de Tesson fort heureusement lus avec équanimité (alors même que Thoreau revient à une introspection pastorale de la nature -humaine aussi-, rapprochant le baroque d'un romantisme intense mais dans l'épure).
La soirée n'en conserve pas moins toute la candeur d'un spectacle scolaire de fin d'année, ce qu'il est mais au niveau de cette formation professionnalisante a fortiori pour les plus grandes voix qui concluent ici leur cursus de Maîtrise avant de s'élancer, pour certaines, vers une carrière suivant les pas de leurs anciens collègues à distance (Sarah Aristidou, Nora Gubisch ou encore Sandrine Piau pour ne citer que trois d'entre elles interviewées ces dernières années sur Ôlyrix).
Le spectacle suit la thématique du fil des saisons, de la nature et de la vie. Les Maîtrisiens d'abord allongés sur le sol, s'éveillent et se lèvent en chantant de voix suaves et déliées "Sound the trumpet" de Purcell (la prosodie est phrasée avec un léger accent et quelques mordants vocaux font allusion aux attaques de ces trompettes). Les jeunes poursuivent avec la même implication et attention pour la mise en espace et la mise en ondes sonores, s'allongeant à nouveau pour bronzer au soleil des lumières de la salle et de leurs claires harmonies, avant de repartir dans diverses processions (agitant les bras et des feuilles de palmier) pour reformer divers tableaux vivants. Les serviettes de plage sont troquées pour des bonnets hivernaux (avec la fameuse Cold song), mais tout revit et ressuscite à nouveau comme dans le Motet pour le Jour de Pâques de Couperin. Toutes ces pièces et leurs transitions sont portées par ces jeunes interprètes avec leur mélange d'enthousiasme et de timidité typique de ces âges et programmes, qui se retrouve dans les voix aussi bien travaillées que typiques de la jeunesse (le corps des voix nourri de souffle, s'effilant dans l'aigu mais sachant adoucir les graves dans une conscience globale du son).
Le programme expose aussi certaines voix en solistes ou dans la périlleuse forme madrigal à un par voix, mais ces voix les plus avancées peuvent s'appuyer sur l'ambiance de confiance et de camaraderie régnant visiblement au sein de ce chœur.
Le quintette de La Rêveuse (deux violons, viole, théorbe et clavier) les accompagne, mais de loin, installé sur le côté de la scène dans un clair-obscur, à l'image du son qu'il propose mais qui ne l'empêche pas de donner les couleurs et accents pour les chanteurs, bien au contraire hélas. En effet ce dispositif avec mise en espace libère toute la place et la visibilité du plateau pour le chant, en installant aussi leur cheffe Sofi Jeannin, sur le côté (Jardin) devant l'ensemble instrumental. La cheffe remplit bien évidemment sa mission de guider les maîtrisiens mais plus qu'un relai de départs et d'accents, elle dirige presque constamment aussi l'ensemble instrumental habitué à se débrouiller seul, ou plutôt qui de par sa formation et le style de cette musique doit conserver une souplesse et une écoute commune, interne. De fait, Sofi Jeannin dirige aussi La Rêveuse en la laissant bien sur Terre, allant jusqu'à conserver la même largeur de geste que celle requise pour être bien vue de ses maîtrisiens. La Rêveuse perd de fait le caractère qui lui donne son nom, sauf dans les quelques passages en mélodrame (musique et texte récité) qui ne sont plus dirigés par autre chose que la prosodie de la voix et des sons.
Le public fasciné et passionné par le spectacle et l'investissement des jeunes interprètes leur offre un accueil aussi chaleureux que les grandes vacances qui s'annoncent ainsi.