Au chœur de la Passion à l’Abbaye de Fontevraud
Les six chanteurs du Chœur d’hommes de Sartène font salle comble dans ce cadre emblématique, façonné par l’histoire, en retraçant justement une histoire polyphonique de l’Île de Beauté : des premiers chants en quintes parallèles du IXème siècle, à l’arrivée d’une troisième voix à la fin du XVIème, jusqu’à des sonorités et créations plus modernes, alternant musique religieuse et profane.
L’équilibre des voix s’offre dans une évidente subtilité, se complétant, s’entrecroisant dans un savant maillage accentué par la respiration commune de la terre Corse. Les voix sont ancrées, plantées dans une tradition et un territoire mais s’allègent en se teintant de lyrisme, dans un équilibre constant entre toutes les voix.
Jacques Tramoni, basse profonde, est le gardien du temps et de l’assise harmonique, immuable, solide, aux graves impressionnants apportant le juste équilibre. Basse également, Jean Claude Tramoni apporte aux graves l’empreinte vocale touchante, emplie d’émotion (et la référence à la période de Pâques avec Via Crucis, chant de procession du catenacciu “l’enchaîné” entonné au soir du Vendredi Saint par les confréries et la foule nombreuse qui le suit).
François Lanfranchi, baryton, apporte l’équilibre nécessaire entre les voix graves et aigües. Le timbre est chaleureux, la voix homogène sur toute la tessiture, le phrasé conduit jusqu’à l’ultime souffle.
Le ténor Jean-Louis Blaineau impressionne par la maîtrise de son ambitus entre voix mixte, pleine voix, et voix de tête, dans une alternance de pianissimi et de forte d’une intensité rare. Il imprime dynamique, couleur et contrastes à l’ensemble du chœur pour une pulsation et une respiration commune. Son collègue ténor Stéphane Paganelli soulève l’ensemble en voix mixte ou de tête, jouant avec les résonances et l’écho du lieu sacré.
Grand artisan de cet ensemble et de ce répertoire, le polyphoniste, compositeur-interprète Jean-Paul Poletti est à l’origine de la candidature de la paghjella (l’une des formes des polyphonies corses) au patrimoine immatériel de l’Unesco et contribue ce soir encore à transmettre cette culture, par une narration tout au long du concert.
Pour conclure le concert, l’ensemble se tourne vers le public et lui apprend un dernier refrain. Les 350 spectateurs présents se retrouvent ainsi dans un chœur à deux voix pour une ultime communion avant la standing ovation du public ému et conquis, refermant ce parcours et ce Festival.