Radieuse Petite Renarde Rusée au Théâtre des Champs-Elysées
Cette version “concertante” de La Petite Renarde Rusée, ouvrage lyrique de fait relativement court (environ 1h40) bénéficie d’une mise en espace narrative rondement menée, à défaut de mise en scène. Les adultes comme les enfants participent ainsi activement à une représentation où le charme opère en permanence. Les costumes teintés de poésie, les chapeaux délicieux de fantaisie et les quelques accessoires -des branches d’arbres animées par les enfants qui se transforment eux-mêmes successivement en poules, batraciens et autres renardeaux facétieux-, suffisent à créer une ambiance spécifique qui vient éclairer un ouvrage en soi assez sombre, avec cet affrontement tragique entre les humains et les animaux. Sous la baguette précise de sa Directrice musicale depuis 2016 la Lithuanienne Mirga Gražinytė-Tyla, le City of Birmingham Symphony Orchestra révèle ses atouts : cohérence et générosité des pupitres, recherche permanente de la nuance et de la couleur, accents les plus justes. La partie la plus aboutie de la lecture de la cheffe se situe indéniablement, non pas durant les parties strictement orchestrales nombreuses au sein de la partition, où Mirga Gražinytė-Tyla tend à s’attacher en premier lieu à conserver une certaine rigueur rythmique, mais plutôt durant les parties vocales. Elle semble alors comme se libérer, plus chaleureuse au niveau de l’expression et du lyrisme proprement dit. La musique de Janacek retrouve alors toute sa plénitude, sa simplicité joyeuse et non formelle.
Dans le rôle-titre qu’elle connaît bien pour l’avoir fréquenté à plusieurs reprises depuis ses débuts, Elena Tsallagova laisse s’épanouir une voix de soprano lyrique qui a pris avec les ans de la consistance et du relief. Sa Renarde mutine et dotée d’une franche assurance ne cesse de réjouir l’auditoire. Les aigus s’élèvent avec brillance et franchise au sein d’une voix qui a conservé la fraicheur de son timbre et qui désormais fait preuve d’une nouvelle autorité.
À ses côtés, le Renard Pelage d’Or incarné par la mezzo-soprano Angela Brower brille de mille feux par un matériel vocal éclatant et une présence scénique remarquée. L’aigu un rien métallique -ce qui n’est pas un défaut ici- s’harmonise pleinement avec celui d’Elena Tsallagova. Le merveilleux duo de la rencontre entre la Renarde et le Renard prend avec ces deux interprètes un relief saisissant.
Roland Wood confère au personnage du Garde-Chasse une autorité certaine et cependant bienveillante à la fin de l’ouvrage. Sa voix de baryton large et affirmée, au timbre tout empli de virilité, s’impose et il insuffle beaucoup d’humanité dans sa dernière scène. L’aubergiste est incarné par le ténor de caractère Robert Murray qui se charge aussi avec aplomb et humour du Maître d’école et du Moustique.
La soprano solide au timbre clair Ella Taylor donne tout son ancrage aux interventions pourtant fugitives du Coq et de La Femme de l’Aubergiste, tout comme Elizabeth Cragg dont ces mêmes qualités se font jour pour La Poule ou le Geai. La chaleureuse mezzo-soprano Kitty Whately entre avec talent et répondant dans la peau du Chien, de La Femme du Garde-Chasse (un rien désorientée par la présence de La Renarde et de ses puces), de La Chouette (qui fonctionne aux cancans) et du Pivert, ce toujours en situation.
La jeune basse William Thomas se glisse pour sa part avec une large aisance dans les habits du Blaireau, mais surtout du Curé qui s’enferre dans ses citations et ses principes, puis campe un fort remarqué Braconnier (celui qui a raison de la Petite Renarde Rusée pour offrir un manchon de fourrure à sa promise). L’émission vocale apparaît très nourrie, avec un timbre accrocheur et des graves profonds. William Thomas fera d’ailleurs ses débuts à l’Opéra Bastille dans Parsifal de Richard Wagner à l’occasion de la reprise de l’ouvrage programmée en mai 2022.
Les spectateurs saluent aussi les enfants de la Holy Trinity Catholic School de Birmingham pour leur implication sans réserve dans cette belle aventure (même si la justesse n’est pas toujours parfaitement au rendez-vous). Plus en retrait, le Chœur de Radio France en effectif réduit manque hélas d’assurance et de relief.
La soirée soulève l’enthousiasme du public et des nombreux enfants présents dans la salle.