Les Éléments vifs et dansants par Les Surprises aux Invalides
La Saison musicale des Invalides rend notamment hommage cette année au peintre Antoine Watteau (notre grand format sur ce cycle et des autres dans la présentation de saison). L’intérêt de ce peintre pour la musique paraît ainsi aussi évident que celui pour les scènes de fêtes pastorales dans ses tableaux. Réunissant airs et danses, le festif et galant opéra-ballet Les Éléments de Michel-Richard Delalande et André-Cardinal Destouches se présente ainsi comme une évidence pour commémorer les 300 ans de la disparition de Watteau. L’œuvre enregistrée par Louis-Noël Bestion de Camboulas et son ensemble Les Surprises en 2016 a ici été adaptée en opéra de chambre, dans une version concertante plus intime. Le risque est donc que la Cathédrale Saint-Louis des Invalides paraisse d’autant plus disproportionnée, mais la jauge réduite et des paravents réduisant la nef de moitié préservent néanmoins un aspect intimiste.
Trois chanteurs seulement sont requis pour interpréter les différents protagonistes de ces quatre entrées (actes) avec prologue qui illustrent chacun des quatre éléments de la nature. La soprano Eugénie Lefebvre fait entendre un timbre aux médiums veloutés et aux aigus gracieux. Toujours très présente vocalement, son texte est d’une grande intelligibilité, ses phrasés soutenus par un vibrato vif et maîtrisé, à l’image de ses ornements vocaux. Elle se montre particulièrement investie et convaincue en Emilie, vestale qui eut le malheur de laisser mourir le feu sacré mais qui le rallume grâce à l’intervention de l’Amour, notamment lors de son air sensible « Brillez dans ces beaux lieux ». En duo avec elle, Etienne Bazola, qui incarne dans cette entrée Le Feu son amant Valère, marque également par son intensité et même sa flamme. La diction du baryton est également soignée. La profondeur et la noblesse de son timbre ajoute à sa grande présence, également attentive envers ses collègues chanteurs et instrumentistes, et pour son auditoire. Ses phrasés sont sûrs et nuancés avec cohérence (notamment le tendre « Ô nuit, déploie ici tes voiles » en introduction de La Terre), mais il se fait un peu pressant lors de son duo avec sa collègue Jehanne Amzal au Prologue. Celle-ci fait entendre une voix fine, sensible et à l’expressivité au service du texte, notamment tempétueux et virtuose avec Eugénie Lefebvre à travers L’Eau et La Terre.
Ce soir dans la cathédrale Saint-Louis des #Invalides , l'ensemble "Les Surprises" met à l'honneur la nature avec l'Opéra-Ballet "Les Éléments" de Delalande et Destouches en écho avec les fêtes galantes des tableaux de Watteau. pic.twitter.com/a52CE3RHOp
— Saison musicale - Invalides (@InvalidesMusic) 23 novembre 2021
Les musiciens des Surprises dirigés depuis son clavecin de la tête ou du regard (et parfois des mains) par Louis-Noël Bestion de Camboulas se montrent tous d’une belle vivacité, créant des couleurs souvent raffinées. Leurs regards complices trahissent un grand et réel plaisir de jouer, malgré la froide température qui doit compliquer un jeu instrumental pourtant ici agile, vivant, dansant. L’attention vigilante et les phrasés soutenus du continuo sont toujours très élégants, voire tout à fait touchants, suivant les voix dans leur expressivité tout en soutenant les autres instruments.
C’est justement après une réjouissante et variée Chaconne que l’ensemble offre en bis un joyeux et très dansant Tambourin de François Rebel, remerciant ainsi, malgré les mains engourdies, les chaleureux applaudissements du public.
En direct, l'opéra-ballet "Les Eléments" des compositeurs Delalande et Destouches par l'ensemble "Les Surprises" dans l'église Saint Louis des Invalides au @MuseeArmee. Retour quelques instants au temps de Louis XIV et une autre façon de parler du climat... On vibre. pic.twitter.com/v1tUt9OSEr
— Henry de Medlege (@DeMedlege) 23 novembre 2021